Erdogan s’est dit convaincu d’obtenir le renvoi en Turquie des « terroristes » réfugiés en Suède et en Finlande. Il répète à l’envi, sans être démenti par les dirigeants concernés : « Ils les renverront, ils l’ont promis. Cela figure dans des documents écrits. Ils tiendront leur promesse. » Sans extradition, en particulier, des Kurdes désignés, bénéficiant actuellement du droit d’asile dans leur pays d’adoption, le président turc menace de bloquer à nouveau l’adhésion des deux pays scandinaves à l’Otan. Les deux premières ministres (sociales-démocrates !) concernées vont-elles perdre tout honneur en troquant effectivement des réfugiés politiques contre un strapontin dans l’organisation militaire occidentale ? Pour tenter de justifier l’injustifiable, la dirigeante suédoise n’a pas hésité à reprendre à son compte le qualificatif dont le président turc affuble les militants et combattants kurdes de Syrie (du PYD, de l’YPG et de l’YPJ) en déclarant : « Si on ne se consacre pas à une activité terroriste, il n’y a aucune raison d’être inquiet », et en s’engageant, de concert avec son homologue finlandaise, à « ne pas fournir de soutien » à ces organisations.
Terroristes, les membres ou sympathisants de ces organisations ? Rappelons qu’il ne s’agit, ni plus ni moins, que des alliés auxquels avaient fait appel les États-Unis et l’Union européenne dans la lutte contre les (vrais) terroristes de Daech en Syrie ! Les héros et les héroïnes de Kobané infligeant sa première défaite au groupe « État islamique », ce sont eux ! Ceux et celles qui, au prix de la vie de nombre d’entre elles et d’entre eux, ont permis de sauver 200 000 personnes de la minorité yézidie menacée de génocide par la milice islamiste dans les monts Sinjar, en Irak, ce sont encore eux ! Les cibles de l’offensive militaire de l’armée turque et de ses supplétifs du groupe djihadiste Tahrir al-Cham (émanation d’al-Qaida) dans le nord de la Syrie, ce sont toujours eux ! Le premier chef d’État occidental à les avoir trahis fut Donald Trump – retirant ses troupes de la région kurde de Syrie pour laisser la voie libre à l’armée turque – dans le cadre d’un de ses tristement fameux deals, en l’occurrence avec Erdogan, déjà à propos d’un différend au sein de l’Otan. Désormais, c’est au tour de dirigeants européens de piétiner leurs « valeurs » pour renforcer à tout prix l’Alliance militaire transatlantique.
Loin d’avoir été offusqués par cet abaissement des autorités de Stockholm et d’Helsinki, tant Joe Biden qu’Emmanuel Macron ont tenu à remercier le président turc d’avoir accepté – à ses conditions – le nouvel élargissement de l’Otan. Le premier l’a fait sur le mode emphatique : « Je veux vous remercier pour ce que vous avez fait pour arranger la situation en ce qui concerne la Suède et la Finlande », ajoutant, en connaisseur : « Vous faites du bon boulot ! » Le second a préféré une formulation plus évasive (ou plus hypocrite) en saluant, lors de son entretien avec Erdogan, le « consensus » trouvé en marge du Sommet de l’Otan Ainsi va le monde libre…
commenter cet article …