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2 juillet 2022 6 02 /07 /juillet /2022 06:44
Ankara accusé de crime de guerre par le peuple kurde - L'Humanité, Antoine Poncet, 30 juin 2022
Ankara accusé de crime de guerre par le peuple kurde

JUSTICE La Turquie mène des attaques meurtrières contre le Kurdistan irakien et syrien. Avec ces véritables crimes de guerre se conjugue une ambition coloniale et antidémocratique. La communauté internationale reste silencieuse.

Publié le Jeudi 30 Juin 2022

Les Kurdes, peuple sans patrie qui vit entre la Turquie, l’Iran, l’Irak et la Syrie, sont plus que jamais persécutés. Depuis le 17 avril, et sous prétexte d’assurer la sécurité à leurs frontières, les autorités turques tentent d’annexer le Kurdistan irakien. La région, contrôlée par le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), est le théâtre de crimes de guerre. « Nous avons reçu des images terrifiantes, filmées par des soldats turcs. On les voit décapiter les guerriers kurdes à coups de hache, avec fierté », relate Agit Polat, porte-parole du Conseil démocratique kurde en France (CDK-F), la voix teintée d’émotion.

Ces images effroyables ont été publiées sur les réseaux sociaux, mais restent méconnues du grand public. Il faut dire que les autorités turques mettent tout en œuvre pour désinformer et que la diplomatie occidentale ferme les yeux face à la barbarie. Dans la région kurde du Rojava, au nord et à l’est de la Syrie, la crainte d’une occupation turque plane également. À nouveau, le gouvernement d’Erdogan revendique une opération de sécurité après de multiples incursions. « Au Rojava, les Kurdes sont à l’origine d’un mouvement révolutionnaire qui est féministe, progressiste et, je le crois, anticapitaliste », souligne Jean-Paul Lecoq, député communiste et membre de la commission des Affaires étrangères à l’Assemblée nationale.

Ce projet de démocratie provoque l’ire du président turc, Recep Tayyip Erdogan, qui répond par une guerre réactionnaire. Le Rojava est, de fait, le siège d’une démocratie active, où l’ensemble des questions sont débattues par la population . « Erdogan dit que la place de la femme est à la maison. Il a peur des mouvements démocratiques progressistes », dénonce Khaled Issa, représentant des territoires kurdes du nord et de l’est de la Syrie. En outre, il relève la complaisance dont a fait preuve le président turc à l’égard des terroristes de Daech, qui partageaient également une frontière avec la Turquie. À l’époque, le mot « insécurité » ne faisait pas partie du vocabulaire de Recep Tayyip Erdogan. « Notre peuple continuera de se battre pour son territoire et pour ses valeurs, malgré le sentiment d’avoir été lâché par la communauté internationale, affirme Khaled Issa. La Finlande et la Suède partagent-elles vraiment les valeurs de la Turquie ? Je ne le crois pas. »

« une puissante arme juridique» pour erdogan

Le représentant des Kurdes de Syrie fait référence à la signature d’un accord entre les deux pays nordiques et la Turquie, au début du sommet de l’Otan à Madrid, mardi (voir ci-contre). « Cet accord immonde bafoue les valeurs de l’humanité  !» tance, quant à lui, le porte-parole du CDK-F. À l’aune de la guerre en Ukraine, Ankara réaffirme sa force diplomatique en négociant l’adhésion de la Finlande et de la Suède en échange d’une coopération contre les combattants kurdes du PKK. « Recep Tayyip Erdogan a prouvé que le chantage fonctionne. En menaçant d’activer ses réseaux terroristes et en utilisant les réfugiés comme monnaie d’échange. Il s’est doté, avec cet accord, d’une puissante arme juridique », déplore Khaled Issa.

Face aux exactions dont sont victimes les Kurdes, la communauté internationale fait preuve d’un silence assourdissant. Pour l’écrivain goncourisé Patrice Franceschi, à l’origine de nombreuses missions humanitaires, notamment au Kurdistan, un « blocage intellectuel » perdure au sein des démocraties occidentales. « On confond l’agresseur avec l’agressé. Il ne faut pas oublier que l’actuel gouvernement turc est un ennemi pour nos démocraties », soutient l’écrivain. Il va jusqu’à qualifier le président turc de « Hitler du Bosphore », rappelant que « les résistants français étaient les ennemis, du point de vue de l’Allemagne nazie », pendant la Seconde Guerre mondiale.

Pour le député communiste Jean-Paul Lecoq, la France est dans une impasse, à l’heure où sa démocratie apparaît comme « une démocratie du business ». L’État turc est effectivement un grand acheteur d’armes, en particulier auprès d’entreprises françaises. La sécurité des Français, que les marchands d’armes disent garantir, est intimement liée à la question kurde. Ce peuple était érigé en héros de la lutte antiterroriste, dans un contexte d’attaques récurrentes en Europe de l’Ouest. « Si les Kurdes tombent, l’Europe tombe aussi. Les attentats repartiront de plus belle », alerte Agit Polat. Mais, dans un futur proche, les premières victimes collatérales de la politique d’Ankara seront sans doute les membres de la diaspora. Après la signature de l’accord controversé, les Kurdes de Suède et de Finlande pourraient subir la répression.

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