Le choix de la liberté
« La ville de Brest a souhaité marquer de façon soutenue le 75è anniversaire de l’attribution de la médaille de la Résistance. Nous participons ainsi à rendre visibles celles et ceux qui ont fait le choix de la liberté et de la France face au nazisme, unis dans un même élan. Nous devons tous et toutes être fiers de ce qu’ils et elles ont accompli à l’époque », a souligné Eric Guellec, adjoint au maire en charge des associations patriotiques et des anciens combattants, lors des allocutions de cette cérémonie d’hommage."
Mémoire collective locale
Quelques instants auparavant, c’est avec Annick Belbéoch, la cousine de Paul Monot, que l’élu avait dévoilé la plaque désormais apposée au n° 27 de la rue Conseil (anciennement n° 23), là où vécut le résistant avec sa famille.
Ouvrier à l’arsenal, militant de la CGT, le jeune Paul agit dans la Résistance dès 1941. Il participera à plusieurs opérations de sabotage des équipements de l’occupant nazi avant d’être arrêté, comme des dizaines d’autres, à la fin de l’année 1942. D’abord détenu au Château de Brest, où sa cousine Annick ira le visiter, il sera ensuite transféré à Fresnes, puis condamné à mort. Avec 18 autres Brestois, il est fusillé au Mont Valérien le 17 septembre 1943, à 22 ans. Nombre de ces résistants ont trouvé un lieu d’hommage en leur nom dans les rues de Brest, et Paul Monot les rejoint donc désormais au creux de cette mémoire locale.L’héritage de l’engagement
« Dévoiler aujourd’hui cette plaque à sa mémoire est un geste fort pour la transmission de la mémoire collective. Je fais ici la promesse d’œuvrer, avec la ville de Brest, pour que la médaille de la Résistance française soit décernée à Paul Monot. Il n’est pas trop tard pour compléter l’hommage à ce résistant », a confié Gildas Priol, de l'association nationale des anciens combattants de la Résistance, ce 1er juin.
Dans son sillage le petit fils d’Annick Belbéoch a lu, dans un silence baigné d’émotion, la dernière lettre de Paul Monot à ses proches, au matin de son exécution. Des lignes pures, sans concession, des lignes d’espoir aussi, pour la liberté qu’il attendait pour son pays, qui devra encore batailler de longs mois avant la Libération.
Rue Conseil, la mémoire d’un jeune Brestois a donc refait surface. Comme un message aux générations futures, pour les encourager à combattre. Pour la paix.
Lettre copiée après qu'elle ait été transmise par Jacques Guivarch et Annie sa femme, de Pleyber-Christ. Lettre accompagnant celles beaucoup plus nombreuses, d'Albert Rannou, tué avec Paul Monot.
Paul Monot était né le 1er juin 1921 à Brest, il a été fusillé à 22 ans, il était ouvrier à l'arsenal de Brest, membre du Parti communiste français (PCF) et des Francs-tireurs et partisans français (FTPF) dans la région de Brest
(Sur le coin de la page à grand carreau du cahier d'écolier ou est écrit cette dernière lettre de Paul Monot, le marteau et la faucille).
Fresnes, le 17 septembre 1943
Chers Grand-mère, oncle, tante et cousine !
Je vous envoie un mot pour vous donner une bien triste nouvelle : il est près de 11h et on vient de me prévenir que mon recours en grâce a été rejeté et que je serai fusillé cette après-midi à 16h. Mais je saurai mourir en vrai Français.
Je demande pardon à Grand-mère et à vous tous car je n'ai pas toujours été chic et je ne savais pas ce que je faisais. Mais depuis le temps que je suis ramassé j'ai eu le temps de réfléchir à tout cela et de me mordre les doigts bien des fois.
N'oubliez pas surtout les policiers français et il faut qu'ils payent ce qu'ils ont fait, car je les déteste bien plus que l'occupant et ceux-là oui sont les vrais traîtres à la patrie.
Pour moi, je suis vaincu, je pars et c'est la loi, je trouve cela régulier. Il y en a qui meurent dans leur lit, d'autres au champ d'honneur, moi je meurs au poteau. Qu'est-ce que vous voulez, c'est la destinée, je ne suis pas jaloux de ceux qui restent et comme il y a déjà des monceaux de cadavres avant moi, j'espère que je serai dans les derniers à payer de la vie la joie de voir enfin la victoire qui approche à grand pas.
L'unité communiste réalisée pour un monde sans guerre. Car n'oubliez jamais que vous n'aurez cela qu'avec un régime où tous les prolétaires seront unis.
Allococution de Gildas Priol pour l'Anacr 29 - Hommage à Paul Monot, 1er juin 2022
Dévoilement de la plaque commémorative Paul Monot
27 rue Conseil – 29200 Brest
Il y a 80 ans, l'année 1942 voyait la Résistance brestoise se développer. Œuvrant pour le B.C.R.A de la France libre, le réseau Overcloud vivait ses derniers jours tandis que pour
palier au départ de Jean Philippon à Toulon, le réseau Confrérie Notre-Dame implantait sa troisième branche à Brest grâce aux ouvriers de l'arsenal Garbe et Golhen. Enfin, le
mouvement Libération-Nord prenait pied dans la cité du Ponant. Du côté du Secret Intelligence Service anglais, ils n'étaient pas en reste avec la connexion à Brest entre Félix et
le réseau Alliance. Ceci arrivant à point nommé pour répondre aux démantèlements des réseaux Johnny et F2. Le timide réseau Roy fonctionne encore lui aussi mais c'est vers les
membres de l'Organisation spéciale, que l'on nomme bientôt les Francs-tireurs et partisans (F.T.P), d'obédiences communistes, que nos regards se posent ce matin.
Car l'année 1942 marque une montée en puissance de leurs actions avec près d'une trentaine d'attentats et sabotages réalisés ou tentés cette année là. Si des sabotages leurs sont
imputables auparavant, 1942 est un tournant avec le début de l'utilisation d'explosifs. Signes d'une meilleure organisation et d'une capacité à faire venir depuis Pont-de-Buis, ou d'autres
recoins du Finistère, de la matière explosive, il faut également y voir une implication plus massive et plus déterminée à entraver la machine de guerre allemande. Si les multiples
attentats à l'arsenal du 26 mars 1942, démontrent une densification des effectifs, il n'en demeure pas moins que c'est un noyau assez resserré qui est moteur. Avec une hiérarchie
assez bien détaillée, des fonctions compartimentées et avec un fort potentiel d'engagement, le Parti communiste français est le plus grand mouvement de Résistance à Brest en cette
période.
Parmi ces soldats sans uniformes agissant tapis dans l'ombre, les F.T.P de Brest peuvent compter sur un certain Paul Monot. Né il y a exactement 101 ans aujourd'hui à Brest. Avec sa famille, il réside ici, au 23 rue Conseil (devenu depuis le n°27) mais la vie n'est pas tendre et Paul perd sa mère en 1932 et son père en 1940. Après son certificat d'études, il entre à l'arsenal comme électricien et ne tarde pas à militer à la C.G.T. En 1938, il donne son adhésion au P.C.F et quand la guerre éclate, il reste fidèle à son parti tout en restant travailler à l'arsenal car trop jeune pour être mobilisé. En 1941, Paul Monot entre à l'Organisation spéciale qui se met en place sur son lieu de travail et entre deux propagandes,
il réalise des inscriptions murales et des petits sabotages sur les machines-outils. Solidaire, il participe à l'effort du Secours populaire clandestin et prend part aux grèves patriotiques de
la fin de l'année 1941.
Suivant l'évolution de son organisation, Paul Monot s'aguerrit à la lutte au fil des mois. Le 26 mars 1942 à l'arsenal, avec Albert Rolland et Joseph Ropars, ils pulvérisent le transformateur N°13 puis avec Louis Departout, ils sabotent le sous-station de Maistrance.
Désormais membre des F.T.P, Paul Monot participe aux actions du 14 juillet 1942, dont aucun détail n'est connu à ce jour. Il semble aider à la confection des colis explosifs, qu'il
dissimule chez lui. En septembre de la même année, il tente de faire sauter le local nommé la maison d'Hitler du 17 rue Jean Jaurès et semble prendre part à l'attentat contre le gasthaus de la même rue. Dans les lignes qu'il lui consacre, Eugène Kerbaul laisse entendre que Paul Monot se serait rendu dans le Morbihan pour la Résistance, ceci reste cependant à creuser.
Malheureusement, cette pétillante activité de la Résistance communiste à Brest est ébranlée par une vague d'arrestations à l'automne 1942. Comme un effet domino, la police
française obtient des informations et procède à un démantèlement de la structure brestoise.
Le coup est dur, on parle de plusieurs dizaines d'arrestations rien qu'à Brest. Parmi les victimes, figure Paul Monot qui avec ses collègues, va connaître les murs froids du château
de Brest puis Rennes et enfin Fresnes. Jugé en août 1943, l'électricien est condamné à mort avec 18 autres résistants communistes brestois. Son recours en grâce est rejeté, Paul Monot tombe sous les balles du peloton d’exécution du Mont-Valérien le 17 septembre 1943 à 22 ans.
En 1946, il obtient la mention Mort pour la France et l'année suivante, sa dépouille est rapatriée à Brest. À titre posthume, il est cité à l'ordre de la Division - comportant l'attribution de la Croix de Guerre 1939-1945 - et nommé au grade de caporal. En cette année symbolique du 75ème anniversaire de l'attribution de la médaille de la Résistance à la ville de Brest, dévoiler cette plaque est un geste important pour la pérennisation de sa mémoire. Elle participera à l'effort de transmission de notre mémoire collective de cette
sombre période qui vit pourtant des myriades de lueurs d'espoir, incarnées par Paul Monot et ses camarades. Je conclus cette allocution en faisant ce matin la promesse d’œuvrer, en concertation avec vous chère famille de Paul Monot, et avec le plein soutien de la ville de Brest, pour que l'on fasse attribuer la médaille de la Résistance française à Paul Monot.
Cette démarche est encore possible et j'ai eu ce matin un message de Paris pour faire avancer ce sujet, qui complétera ainsi, l'hommage rendu à ce héros anonyme de l'ombre, à
cet électricien engagé, à Paul Monot, ce résistant.
Vive la France
Vive la Résistance
Texte lu au nom de l'ANACR29 (comité de Brest) par Gildas PRIOL,
le 1er juin 2022
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