Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
19 mai 2022 4 19 /05 /mai /2022 05:15
Palestine. L’occupation, responsable de la mort de Shireen Abu Akleh (Pierre Barbancey, L'Humanité, 16 mai 2022)
Palestine. L’occupation, responsable de la mort de Shireen Abu Akleh

L’assassinat de la journaliste dans le camp de réfugiés de Jénine et le déchaînement de violences policières israéliennes lors de son enterrement ne doivent rien au hasard. C’est la marque de la politique coloniale. La Cour pénale internationale doit être saisie.

Publié le
Lundi 16 Mai 2022
L’émotion internationale suscitée par la mort de la journaliste palestinienne Shireen Abu Akleh n’était pas encore retombée, son corps pas encore mis en terre, peu importe pour les autorités israéliennes, qui, à l’assassinat, mêlent le mépris, l’injure et l’irrespect.

Sitôt connue la mort de notre consœur, abattue dans le camp de réfugiés de Jénine, en Cisjordanie occupée où l’armée israélienne menait un raid, le premier ministre, Naftali Bennett, s’est écrié : « Il semble probable que des Palestiniens armés soient responsables de la mort malheureuse de la journaliste. » Son ministre de la Défense, Benny Gantz, assurait même avec l’aplomb d’un arracheur de dents qu’ « il n’y avait eu aucun tir (de l’armée) en direction de la journaliste ».

« La violence, le sentiment de haine et le mépris de la dignité humaine »

Vendredi, à Jérusalem, des milliers de Palestiniens participaient avec tristesse et dignité aux obsèques de Shireen. À la sortie du cercueil de l’hôpital Saint-Joseph à Jérusalem-Est, secteur de la ville également occupé par Israël, la police a pénétré dans l’enceinte de l’établissement et chargé une foule brandissant des drapeaux palestiniens.

Le cercueil a failli tomber des mains des porteurs frappés à coups de matraque, avant d’être rattrapé in extremis, selon des images des télévisions locales. Mais, là encore, si les policiers israéliens ont fait usage de la force, c’est parce qu’ils « avaient été exposés à la violence des émeutiers, ce qui les a poussés à recourir à la force », explique sans honte leur hiérarchie.

Dans les deux cas, l’assassinat de la journaliste puis le matraquage de la foule lors de ses obsèques ont provoqué un rare tollé. Ces scènes, où l’on voit les forces de sécurité israéliennes faire vaciller le cercueil, « font froid dans le dos, rappelant la brutalité infligée aux personnes endeuillées lors de funérailles de militants contre l’apartheid », dénonce ainsi Mamphela Ramphele, présidente de la Fondation Desmond-Tutu, consacrée au regretté archevêque sud-africain et prix Nobel de la paix. Elle déplore « la violence, le sentiment de haine et le mépris de la dignité humaine » affichés.

55 journalistes palestiniens tués depuis 2000

Une fois n’est pas coutume, le « meurtre » de la journaliste d’Al-Jazeera a été condamné à l’unanimité par le Conseil de sécurité de l’ONU, qui réclame une « enquête transparente et impartiale ». Même son de cloche à Washington. « Nous condamnons fermement le meurtre de la journaliste américaine Shireen Abu Akleh », a tweeté le porte-parole du département d’État américain. L’Union européenne a condamné « l’usage disproportionné de la force et le comportement irrespectueux de la police israélienne » durant les obsèques. La représentation française à Jérusalem a jugé «  profondément choquantes » les «  violences policières ». Autant dire que les responsables israéliens n’ont pas envisagé une enquête de gaieté de cœur. Ils tergiversent, réclament que leur soit remise la balle afin de réaliser un examen balistique – ce que refusent les Palestiniens. « Les autorités israéliennes ont commis ce crime et nous ne leur faisons pas confiance », a déclaré le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas.

Une commission d’enquête indépendante démontrera certainement la culpabilité d’un soldat israélien dans le meurtre de Shireen  Abu Akleh ou dans l’ordre d’attaquer le convoi funéraire. Mais la question essentielle est la suivante : que faisait l’armée israélienne dans le camp de réfugiés de Jénine là où, il y a exactement vingt ans, elle avait déjà perpétré un massacre ? Pourquoi la police israélienne était-elle dans l’enceinte de l’hôpital de Jérusalem-Est ? Tout simplement parce qu’Israël occupe les territoires palestiniens et que sa nature coloniale implique d’annihiler toute résistance, partout.

La mort de la journaliste ne peut masquer la répression en cours depuis des années et son aggravation ces dernières semaines. Fadwa Khader, membre de la direction du Parti du peuple palestinien (PPP), a été blessée, jeudi, lors d’une manifestation. Un Palestinien est mort, dimanche, des suites de blessures subies lors de tirs de l’armée israélienne, deux jours plus tôt. Un autre a succombé, samedi, à ses blessures infligées lors de heurts avec la police israélienne en avril, sur l’esplanade des Mosquées à Jérusalem-Est. Depuis 2000, au moins 55 journalistes palestiniens ont été tués par les forces d’occupation et 16 d’entre eux sont actuellement emprisonnés.

Quant au blocus contre la bande de Gaza, il se poursuit depuis plus de quinze ans maintenant. Magnanimes, les Israéliens ont autorisé, dimanche, le passage aux travailleurs de cette enclave palestinienne après environ deux semaines de fermeture, pour qu’ils viennent travailler… en Israël. Preuve, s’il en fallait une, du sentiment d’impunité de Tel-Aviv, la construction prochaine de près de 4 500 logements dans des colonies en Cisjordanie a été approuvée le lendemain même de l’assassinat de Shireen Abu Akleh.

Il existe aujourd’hui 5,7 millions de réfugiés palestiniens répartis entre la Cisjordanie, la bande de Gaza, la Jordanie, le Liban et la Syrie. Israël mène une guerre de tous les instants contre la population palestinienne : bombardements sur Gaza, incursions militaires, bouclage des villes et des villages, destructions de maisons en Cisjordanie. Les journalistes sont des témoins, donc des cibles. Mais les Palestiniens ont besoin d’actes, pas de paroles. Ils rejettent le « deux poids, deux mesures » des Occidentaux, celui qui, avec le même cocktail Molotov, fait du Palestinien un terroriste et de l’Ukrainien un résistant. Qui fait décider de sanctions contre la Russie mais laisse impuni Israël. C’est aussi sans doute ce qui a déclenché une réaction ulcérée dans les pays du monde entier.

Les États européens, France en tête, pourraient saisir la Cour pénale internationale (CPI), comme la ratification du statut de Rome leur en donne la possibilité, pour examiner les possibles crimes de guerre, sans attendre une enquête du procureur qui déciderait éventuellement de la saisie de la CPI. Ils pourraient également reconnaître l’État de Palestine, décider un certain nombre de mesures, comme des sanctions, pour imposer à Israël le respect du droit international et des résolutions de l’ONU. Sans cela, inutile de parler d’une solution à deux États. Et inutile de s’émouvoir du décès d’une journaliste. Sa mort porte un nom : occupation.

Palestine. L’occupation, responsable de la mort de Shireen Abu Akleh (Pierre Barbancey, L'Humanité, 16 mai 2022)
Partager cet article
Repost0

commentaires

Présentation

  • : Le chiffon rouge - PCF Morlaix/Montroulez
  • : Favoriser l'expression des idées de transformation sociale du parti communiste. Entretenir la mémoire des débats et des luttes de la gauche sociale. Communiquer avec les habitants de la région de Morlaix.
  • Contact

Visites

Compteur Global

En réalité depuis Janvier 2011