Par Laurent Mouloud
Aura-t-on assez de professeurs à la rentrée prochaine ? La réponse est non. Et depuis dix jours, les résultats des concours de recrutement d’enseignants témoignent de l’ampleur du désastre. En mathématiques, 816 candidats « admissibles » pour 1 035 postes à pourvoir. En lettres, 720 pour 755 postes. En allemand, 83 pour 215… Dans toutes les matières, le même recul vertigineux s’observe, avant même l’écrémage des épreuves d’admission en juin, qui ne fera qu’amplifier la saignée. Le ministère tente de faire illusion. Ce trou d’air était prévu, se défend-il. Et ne serait qu’une conséquence de la nouvelle réforme du recrutement avec un concours en master 2 (et non plus en master 1), appauvrissant mécaniquement le vivier de candidats. De nouveaux postes auraient donc été programmés pour 2022, en sachant, discrètement, qu’ils ne seront pas tous pourvus ? On n’ose y croire…
N’en déplaise au gouvernement, cette crise du recrutement n’a rien d’un phénomène conjoncturel, mais dit tout du saccage de la profession opéré depuis cinq ans par Jean-Michel Blanquer. Un cocktail de mesures délétères qui désespère les vocations. Déjà sous-payée par rapport à leurs homologues européens, la moitié des professeurs n’a obtenu aucune revalorisation. Et celle lâchée pour les débutants s’apparente à un cache-misère : auréolés de leur bac + 5, ils entrent dans le métier avec un salaire égal à 1,1 fois le Smic ! À cela s’ajoutent la baisse constante – et démotivante – du nombre de postes ouverts au concours et une réforme de la formation initiale qui repousse d’un an l’espoir d’une rémunération. Difficile de faire plus rebutant.
Mais ne soyons pas naïfs. Cette politique s’inscrit dans un processus délibéré et patient de casse de la fonction publique. Avec notamment le développement des recrutements hors statut : en dix ans, la part des contractuels est passée de 8 % à 14 % parmi les professeurs du secondaire. En arrière-plan ? Faire entrer la sacro-sainte logique concurrentielle dans la gestion des enseignants, que les néolibéraux rêvent en exécutants flexibles et dociles de « bonnes pratiques » pédagogiques prémâchées. Une dérive ordolibérale de l’école dont les aspirants fonctionnaires font les frais. Et que la macronie voudrait bien prolonger cinq ans…
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