Dans le contexte de la crise sanitaire, de nombreux métiers ne trouvent pas preneur. Alors que des besoins humains et sociaux s'expriment, la question des conditions d'existence pour tous est posée. Avec les contributions de Sophie Taillé-Polian. Coordinatrice nationale de Génération.s, sénatrice du Val-de-Marne et d'Aymeric Seassau. Membre du comité exécutif national du PCF en charge du travail et des entreprises
Les évolutions dans le travail entraînent une nouvelle place pour le salariat. Le revenu universel permet à la vie humaine d’être au cœur de la société.
Sophie Taillé-Polian, Coordinatrice nationale de Génération.s, sénatrice du Val-de-Marne
À l’heure de la décarbonation, de la robotisation, de l’intensification du travail qui rend ce dernier insoutenable physiquement et psychiquement pour tant de salarié·es, la place du travail salarié rentable doit être revue dans notre société. La place de chaque citoyen·ne doit être reconnue par un accès à des moyens financiers pour une vie digne. Le travail est lié à la vie humaine. Nous devons cesser de le résumer au cadre restrictif de l’activité économique rentable. Pour aller vers une société d’émancipation, chaque citoyen·ne doit avoir les moyens de construire son projet de vie, doit pouvoir moduler le temps qu’il ou elle consacre à sa vie personnelle pour l’articuler à son apport au collectif humain auquel il appartient. La société du bien-être est une société où le travail a du sens pour celui ou celle qui le produit. Le travail salarié ne peut plus être à lui seul la clef de l’inclusion de chacun·e dans la société, et surtout pas celui fourni par le système économique actuel !
Combien de salarié·es souffrent d’une activité qui heurte leurs valeurs ? De personnes qui vivent leur « travail » comme une blessure, en raison de conditions trop difficiles ou d’objectifs impossibles à atteindre ? Bien souvent, avec un salaire insuffisant pour répondre à leurs besoins. Ce « travail »-là n’est pas un outil d’émancipation.
La croissance ne peut plus être un objectif en soi à l’heure des grands dérèglements climatiques. Ce sont les métiers du lien, en grande majorité occupés par des femmes, qui doivent être mieux pris en compte, et revalorisés. Le partage du temps de travail permet de mieux vivre, dans et hors le travail, mais aussi de créer de l’emploi et de lutter contre le chômage. La réduction du temps de travail effectif des salarié·es, en termes d’heures journalières ou hebdomadaires tout au long de la vie, par la mise en place de congés payés et par l’abaissement de l’âge de départ à la retraite, a vocation à réduire le chômage et les inégalités économiques, sociales et environnementales. À l’heure où le gouvernement contraint des étudiant·es à faire la queue dans des files alimentaires, laisse les plus grosses fortunes s’enrichir et polluer tandis que les plus pauvres s’enlisent dans la précarité, l’urgence est de trouver un moyen de répondre à la crise.
Nous avons la responsabilité collective de garantir à chacun·e le droit de vivre dignement. Aussi, revenu et travail universels ne doivent pas être opposés. Nous devons défendre un projet de société dans lequel la question de la protection sociale doit permettre de conjuguer droit au revenu et droit au travail.
Le revenu universel est l’outil indispensable pour une transition écologique protectrice des citoyen·nes. Notre économie doit se tourner vers une société décarbonée, les mutations seront rapides, elles sont parfois déjà violentes : les salarié·es doivent pouvoir compter sur une Sécurité sociale renouvelée.
Le travail constitue un enjeu d’émancipation, mais aussi de pouvoir. La sécurité d’emploi et de formation s’inscrit dans le projet de la transformation sociale.
Aymeric Seassau Membre du comité exécutif national du PCF en charge du travail et des entreprises
En réalité, les communistes veulent les deux (travail et revenus) et ne s’en cachent pas. Notre proposition de sécurité d’emploi et de formation pose les bases d’une société sans chômage portée par un nouvel âge de la Sécurité sociale. Il permettrait à chacun non pas de bénéficier d’un « revenu minimum », mais de la garantie d’un bon revenu à tout âge de la vie. Mieux : de bénéficier d’un revenu garanti pour se former tout au long de la vie et de continuer d’apprendre et de s’émanciper dans le travail. Voilà pourquoi le candidat communiste Fabien Roussel parle avant tout de travailler tous, de travailler moins (avec une nouvelle étape de la réduction du temps de travail) et… de travailler mieux.
Nous ne voulons pas d’une société à deux vitesses où certains vivraient de leur activité créative et d’autres resteraient dépendants d’un revenu d’assistance qu’il s’agirait seulement d’améliorer. D’autant qu’une telle réalité aggraverait sans aucun doute la domination du capital. D’ailleurs, le débat autour du revenu – de base, d’autonomie, universel… – est discuté aux quatre coins de l’échiquier politique sous des formes différentes, soulevé à gauche par Benoît Hamon et agité à droite par des ultralibéraux.
Or, pour nous, le travail est un enjeu d’émancipation, mais aussi de pouvoir. L’entreprise, le lieu de travail, c’est un lieu de socialisation où se forgent les imaginaires. C’est aussi et surtout un lieu de pouvoir. C’est le lieu de la confrontation avec les puissances d’argent dont nous voulons faire reculer la domination jusqu’au dépassement du capitalisme.
En libérant les travailleurs de l’épée de Damoclès du chômage de masse dont s’accommodent parfaitement le patronat et les libéraux, nous voulons aussi renforcer le pouvoir des travailleurs sur leur lieu de travail. C’est un constat aussi vieux que Jaurès qui déclarait, il y a plus d’un siècle : « La Révolution a fait du Français un roi dans la cité et l’a laissé serf dans l’entreprise. » Et c’est aujourd’hui pour nous un enjeu démocratique de première urgence parce qu’il conditionne les possibilités de changement social et de transition écologique. Nous voulons donc sécuriser le travail et la formation en renforçant d’un même mouvement les capacités de lutte et d’action des travailleurs eux-mêmes.
C’est une question politique, économique, philosophique. Et les communistes l’assument depuis Marx. Oui, notre cité future est gouvernée par des producteurs libres… par des travailleurs, donc.
Voilà pourquoi le projet de Fabien Roussel est solidement ancré sur la proposition de sécurité d’emploi et de formation comme sur les nouveaux pouvoirs des travailleurs dans l’entreprise. Cela suscite débat à gauche ? Tant mieux !
La question qui est posée relève bien de l’universel. Le travail comme les moyens dont on dispose pour vivre et s’émanciper relèvent d’un choix important : aménager ou transformer la société ?
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