Les prix de plusieurs métaux, dont le cuivre, flambent, portés notamment par la demande pour produire des voitures électriques. Cette conversion accélérée demandée par la Commission européenne débouchera vite sur un prix d’achat inabordable pour beaucoup de ménages, un bilan carbone élevé via l’extraction et la transformation des matières premières, un recours accru aux énergies fossiles pour produire de l’électricité en Europe.
Pendant les candidats déclarés à l’élection présidentielle du mois d’avril en France battent la campagne pour informer les électeurs sur leurs projets, les effets dévastateurs de la mondialisation capitaliste se multiplient. Tandis que la Commission de Bruxelles demande aux pays membres de l’Union Européenne de cesser de vendre des voitures neuves à moteur thermique dès 2035, nous assistons déjà à de nouveaux pics d’augmentation du prix du pétrole brut avec un baril de brent autour de 85 dollars. La fin de la demande en pétrole n’est donc pas pour bientôt. Du coup, le litre de gazole à la pompe est monté ces derniers jours à 1,59€ , ce qui permet aussi à l’Etat de prélever 87 centimes de taxe par litre consommé; y compris et surtout dans la poche des smicards et des smicardes qui n’ont pas d’autres choix que de prendre leur voiture pour aller travailler.
Certains décideurs politiques et autres économistes « hors-sol » verront là une bonne raison d’accélérer la conversion à la voiture électrique en France et en Europe. Surtout qu’il y a des parts de marché à gagner, à condition de ne plus perdre de temps dans cette course à la conversion. C’est même pour cela que Renault et PSA Peugeot-Citroën ont scellé des alliances avec d’autres multinationales. En page 18, dans « Les Echos » du 13 janvier, Lionel Steinmann écrivait à propos des performances de l’année 2021 chez Stellantis, le nouveau nom du groupe né de la fusion de PSA avec Fiat et Chrysler : « Au premier semestre, le groupe a dégagé une marge opérationnelle record de 11,4% et s’est fixé un objectif annuel aux alentours de 10%. Une cible qui sera sans doute atteinte malgré une perte de production estimée à 1,4 million de véhicule du fait de la pénurie de semi-conducteurs ».
Le prix du nickel propulsé au plus haut
Le même article nous apprenait que Carlos Tavares, président de Stellantis, «ne compte pas relâcher l’effort, car le surcoût du passage à la voiture électrique ne pourra pas être répercuté au client, argumente-t-il». Puis venait cette citation attribuée par notre confrère à Carlos Tavarès lui-même: « Au cours des cinq prochaines années, nous devrons digérer 10% de productivité par an dans une industrie habituée à délivrer 2 à 3% de productivité. L’avenir nous dira qui sera en mesure de digérer cela, et qui n’y parviendra pas». Lionel Steinmann ajoutait que Carlos Tavares a lancé cet avertissement en décembre 2021. Voilà sans doute pourquoi Stellantis et Renault ont décidé de réduire les commandes à de nombreuses entreprises sous-traitantes, à commencer par les fonderies menacées de fermetures dans plusieurs régions de France.
« Les Echos » du 6 janvier indiquaient déjà qu’en «trois décennies nous allons consommer 60% des ressources de cuivre connues», alors que son prix avait augmenté de 48% sur un an dès juillet 2021. Dans l’édition du13 janvier, le titre barrant toute la page 28 était ainsi rédigé: «La course à l’approvisionnement en nickel propulse les prix au plus haut». Un graphique montrait que la tonne de nickel qui valait 10.000 dollars en 2017 se vend 21.794 dollars en janvier 2022. La flambée du prix de lithium est encore plus spectaculaire. Son prix est passé de 17.000 dollars la tonne en 2017 à 48.149 dollars en janvier 2022.
Après avoir relevé qu’en moyenne, « une batterie de voiture électrique contient 50 kilos de nickel, 45 kilos de lithium et 7 kilos de cobalt», Etienne Goetz, écrivait à propos de la firme Telsa: «Le nickel est une obsession de longue date pour le patron de Telsa. Déjà à l’été 2020, Elon Musk voulait offrir un « gros » contrat à toute entreprise pouvant lui fournir du métal en grande quantité et produit dans le respect de l‘environnement. Il y a six mois, le constructeur a passé un accord avec le géant minier BHP pour sécuriser son approvisionnement en nickel. Telsa s’est également engagé en Nouvelle-Calédonie dans la reprise houleuse de l’usine de Vale, à Goro au sud de l’île. Il joue le rôle de conseiller en échange d’un contrat d’approvisionnement de long terme. L’usine de Vale, vendue à un consortium international comprenant entre autres Trafigura, a été repositionnée pour produire du nickel de qualité batterie ».
Comment la France alimentera 38 millions de voitures en électricité ?
Le 12 janvier cette fois, le quotidien « Les Echos » informait ses lecteurs qu’il s’est vendu « 1,2 million de voitures électriques et 1 millions d’hybrides rechargeables en Europe de l’Ouest en 2021, soit quelques 64% de plus qu’en 2020 ». En France ce fut 162.000 véhicules, soit 9,8% du marché des voitures neuves contre 13,6% en Allemagne et 4,6% en Italie. L’article d’Anne Feitz précisait que «stimulées par l’offre croissante de modèles, les ventes ont aussi été dopées par des subventions étatiques généreuses sur plusieurs marchés – ce qui a permis de compenser le surcoût élevé des voitures électriques par rapport à leur équivalent thermique».
Au 1er janvier 2021, la France comptait 38,3 millions de voitures particulières, 5,8 millions de véhicules utilitaires légers, 600.000 camions poids lourds et 94.000 autocars et autres bus. Interdire la vente de véhicules thermiques à partir de 2035, comme le recommande la Commission européenne dans les 27 pays membres de l’Union impliquera de changer toutes les automobiles d’ici 2050, ou peu après. Une telle conversion sera très consommatrice de matières plastiques tirées du pétrole, d’autres matières comme le fer, l’acier, le cuivre, le nickel, le lithium, le cobalt dont les prix s’emballent déjà, tandis que leur extraction sera de plus en plus émettrice ce CO2.
Il faudra aussi alimenter tous ces véhicules en électricité en Europe comme en France. Avec ce que cela suppose comme investissements publics, à commencer par les bornes de recharge. Avec aussi l’augmentation sensible de la production électrique afin de recharger chaque jour ces dizaines de millions de batteries en France.
Voilà aussi des sujets de débat pour la campagne de l’élection présidentielle. A gauche, Yannick Jadot et Jean-Luc Mélenchon veulent fermer toutes les centrales nucléaires d’ici 2050. Hier au journal de 13 heures sur France 2, Jean-Luc Mélenchon a répété qu’il voulait «sortir du nucléaire parce que c’est dangereux », sans plus d’explications. Ce matin encore, des chaînes d’information en continu repassaient des images à 360 degrés projetées sur écran diffusées lors de son meeting de la veille à Nantes. On y voyait des images de flots agités en Méditerranée pendant que Jean-Luc Mélenchon déclarait que cette mer « contient six fois toute l’énergie dont nous avons besoin».
Il reste à voir quel sera le coût final du captage et du transport de cette énergie, ainsi que le prix final que paieront les ménages pour avoir de l’électricité. A supposer qu’il y en ait pour tout le monde.
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