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5 janvier 2022 3 05 /01 /janvier /2022 06:24
Macronie. Alexis Kohler, ou le symbole d’un pouvoir miné par les conflits d’intérêts (L'Humanité, Lola Ruscio, 4 janvier 2022)
Macronie. Alexis Kohler, ou le symbole d’un pouvoir miné par les conflits d’intérêts
Mardi 4 Janvier 2022 - L'Humanité

Ses allers-retours entre le public et le privé intéressent de près la justice. Mais ce proche d’Emmanuel Macron prépare tranquillement la campagne du président-candidat depuis l’Élysée, dont il est toujours le secrétaire général.

 

Alexis Kohler, le puissant secrétaire général de l’Élysée, est un pur produit de la Macronie, le symbole de la confusion née des allers-retours entre la haute fonction publique, le privé et le pouvoir. Énarque, ancien de l’Agence des participations de l’État (APE), il est passé par le Trésor, avant de devenir directeur financier de la compagnie maritime MSC ­(Mediterranean Shipping Company), tout en s’engageant à fond dans la première campagne présidentielle du candidat Macron.

Ce drôle de mélange des genres ne suscitant aucune indignation en Macronie, il occupe depuis bientôt cinq ans l’un des postes clés de l’appareil d’État. C’est là qu’il reçoit, dans la plus grande discrétion, des investisseurs internationaux, des patrons du CAC 40 comme Martin Bouygues, Bernard Arnault (LVMH), Xavier Niel (Iliad), Patrick Pouyanné (Total) ou Serge Weinberg (Sanofi). C’est là qu’il mène en toute tranquillité ces conversations dont rien, jamais, ne filtre à l’extérieur. Car l’Alsacien de 49 ans au tempérament taiseux aime la discrétion.

Bien plus qu’un « lointain cousin »

Une affaire hautement explosive est pourtant venue le rattraper. À la suite d’une plainte d’Anticor déposée en 2018 pour « trafic d’influence » et « prise illégale d’intérêts », la justice cherche à savoir si le premier conseiller d’Emmanuel Macron a profité de ses différentes positions à Bercy pour favoriser les intérêts financiers de l’armateur italo-suisse MSC. La compagnie maritime est l’un des plus gros clients des chantiers STX de Saint-Nazaire, dont l’État français est actionnaire. Or, Alexis Kohler a des liens importants avec l’entreprise MSC. Jugez plutôt : le macroniste d’obédience rocardienne a essayé à deux reprises de la rejoindre après ses expériences à Bercy, respectivement comme directeur de cabinet de Pierre Moscovici et d’Emmanuel Macron lorsqu’il était ministre de l’Économie. La première fois, en 2014, la commission de déontologie, chargée de contrôler le départ des agents publics dans le secteur privé, avait refusé sa demande. Deux ans plus tard, il retente le coup. Cette fois, à la surprise générale, la commission accepte.

Alexis Kohler part alors travailler chez MSC, comme directeur financier depuis Genève. Dans le même temps, il s’engage pleinement dans la campagne présidentielle d’Emmanuel Macron. Surtout, il a soigneusement caché ses liens familiaux avec la compagnie maritime, évoquant simplement l’existence d’un « lointain cousin ». En réalité, la compagnie maritime est fondée et dirigée par des cousins de sa mère, la famille Aponte. Ensemble, ils passeront même leurs vacances sur le yacht familial. Avait-il prévenu sa hiérarchie de sa proximité avec MSC ? Oui, jure l’Élysée. Grâce à une lettre signée en 2019 par Emmanuel Macron lui-même, Alexis Kohler a bénéficié d’un classement sans suite par le Parquet national financier (PNF). Le protégé du président espère alors que la tempête est derrière lui. Le secrétaire général de l’Élysée, réputé bosseur, poursuit ses activités, se plonge dans les dossiers industriels, dont il raffole.

Mais un dossier va lui causer de gros problèmes, celui de Veolia-Suez. L’ami d’Emmanuel Macron se retrouve à nouveau pris dans les mailles judiciaires avec le PNF. Ce dernier enquête depuis juin sur l’offre publique d’achat (OPA) de Veolia sur Suez, suspectant plusieurs responsables et le secrétaire général de l’Élysée de « trafic d’influence ». Rien que ça. En résumé, Alexis Kohler est soupçonné d’être intervenu à plusieurs reprises dans ce projet de fusion, jusqu’à faire pression sur des représentants syndicaux pour obtenir d’Engie (dont l’État est actionnaire) qu’il ne s’oppose pas à la vente des parts de Suez à Veolia. Cette affaire est loin d’être réglée puisque l’intersyndicale de Suez envisage désormais de déposer une plainte pour « diffusion d’information trompeuse ».

Soutien indéfectible du président

Malgré ces démêlés judiciaires, l’énarque bénéficie toujours du soutien indéfectible du président de la République. Kohler doit même jouer un rôle important dans sa future campagne présidentielle, en faisant le lien avec les grands patrons. L’objectif étant de les convaincre d’investir via le versement de dons.

Au-delà de sa dimension pénale, l’affaire Kohler jette une lumière crue sur une faille de notre démocratie, celle des allers-retours permanents d’énarques entre le public et le privé, générant à leur tour des conflits d’intérêts. Le cas Kohler souligne combien le gouvernement, qui s’autoproclame défenseur du « nouveau monde », s’assoit sur ces problématiques qui pourrissent depuis longtemps la vie politique française. La Macronie révèle également au grand jour son vrai visage : une start-up qui se croit tellement intouchable qu’elle ne saurait être tenue de rendre des comptes. Bien sûr, ce brouillage permanent entre les affaires publiques et privées fait le bonheur des grands groupes, puisqu’ils bénéficient de relais importants au sein de l’appareil d’État. Et, on le sait, les patrons du CAC 40 ne sont jamais rassasiés dès lors qu’il s’agit de privatiser les politiques publiques.

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