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4 décembre 2021 6 04 /12 /décembre /2021 06:56

 

Caracas se mobilise pour la libération de son diplomate mandaté pour négocier nourriture et médicaments. Arrêté au Cap-Vert, il a été extradé illégalement vers les États-Unis.

Caracas (Venezuela), envoyée spéciale.

Une drôle de symphonie remonte, ce jour-là, des rues de Caracas. Entre moteurs qui pétaradent et coups de Klaxon, la capitale vénézuélienne est parcourue, le 15 novembre, par des militants à moto aux airs de Marlon Brando dans l’Équipée sauvage. Le rouge en plus. La manifestation de solidarité à Alex Saab, l’homme d’affaires colombien et envoyé spécial du président Nicolas Maduro enlevé par les États-Unis et désormais incarcéré au mépris du droit international, fait une halte devant l’ambassade de Cuba. En plusieurs endroits de Caracas, les murs sont recouverts du visage d’Alex Saab comme un cri de résistance au blocus états-unien et à l’asphyxie générée par les mesures de rétorsion illégales au regard du droit international.

Pressions tous azimuts de Washington

« Le durcissement des sanctions auquel le pays est confronté depuis 2015 sape la capacité de l’État à entretenir les infrastructures et à mettre en œuvre des projets sociaux. Aujourd’hui, le Venezuela fait face à un manque de machines nécessaires, de pièces détachées, d’électricité, d’eau, de carburant, de gaz, de nourriture et de médicaments », confirme Alena Douhan, rapporteuse spéciale de l’ONU sur les effets des mesures coercitives unilatérales. L’homme d’affaires d’origine libanaise, qui a acquis la nationalité vénézuélienne, est cependant soupçonné d’avoir revendu la nourriture au Venezuela pour 112 % de plus que son prix d’origine dans le cadre de contrats qui excèdent 200 millions de dollars.

En 2020, l’ambassadeur adjoint du ­Venezuela auprès de l’Union africaine est mandaté en Iran pour négocier l’achat de nourriture, de médicaments et de pétrole, mais l’avion privé à bord duquel il voyage n’atteindra jamais Téhéran. « C’est un voyage à visée humanitaire. Nous sommes en plein Covid et les Vénézuéliens n’ont alors accès à aucun traitement », rappelle l’avocat canadien John Philpot, membre du comité de libération, en déplacement au Venezuela. L’avion d’Alex Saab nécessite une escale technique, mais ni le Maroc ni l’Algérie ne lui en donnent l’autorisation. Le doute continue de planer sur les pressions exercées par les États-Unis, qui accusent le diplomate d’être le chef d’orchestre d’un vaste réseau ayant permis à Nicolas Maduro de détourner l’aide alimentaire et les fonds de la mission Vivienda pour la construction de logements sociaux. Dès juillet 2019, il était ainsi inculpé à Miami pour blanchiment d’argent. Il ne fait toutefois aucun doute que la répression qui s’abat contre Alex Saab, qui permet à Caracas de contourner les sanctions, vise avant tout Nicolas Maduro lui-même.

Le 12 juin 2020, c’est finalement vers l’île cap-verdienne de Sal que l’appareil à bord duquel voyage Alex Saab est dirigé. Il est immédiatement capturé et placé à l’isolement. Sans base légale. Dans leur précipitation, les autorités de Praia se passent de la notice rouge d’Interpol, qui ne sera éditée que le lendemain, comme le souligne la Cour de justice de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) qui demande, à l’instar de l’ONU, la suspension de la procédure. D’autant que les États-Unis ne sont liés par aucun traité d’extradition avec le Cap-Vert. L’organisation africaine obtient son placement en résidence surveillée, en janvier 2021, du fait de son état de santé délicat. Selon ses avocats, Alex Saab est atteint d’un cancer, souffre de diabète, d’hypertension et de problèmes cardiaques. Nouvelle étape majeure, deux mois plus tard : la Cour de justice de la Cédéao ordonne au Cap-Vert, qui s’y refuse, le versement d’une somme de 200 000 dollars pour détention illégale. En juillet, la Cour constitutionnelle de l’État insulaire rejette également la demande d’adoption de mesures conservatoires présentée par le Comité des droits de l’homme de l’ONU afin que les preuves contre Alex Saab soient évaluées.

Négociations suspendues entre le gouvernement et l’opposition

Dans une lettre manuscrite à la chaîne américaine CNN, Alex Saab dénonce la torture dont il a été l’objet lors de son séjour en prison. « Nous avons malheureusement toutes les raisons de le croire : il est détenu les yeux bandés et durant les interrogatoires plusieurs enquêteurs laissent échapper un accent américain. Il ne peut pas s’agir de policiers cap-verdiens. Ils ont par ailleurs cherché à obtenir des informations sur le système de détournement de sanctions. Ils ont tenté de le faire chanter, de le faire critiquer Nicolas Ma duro », explique John Philpot. Le temps presse pour les États-Unis. L’élection présidentielle cap-verdienne est prévue le 17 octobre et le candidat de gauche, finalement élu, José Maria Neves, indique durant la campagne qu’il est prêt à reconsidérer le cas d’Alex Saab s’il parvient au poste suprême. « La veille de l’élection, sans décret juridique confirmant l’extradition, les États-Unis enlèvent Alex Saab », relate John Philpot. Ce dernier acte a eu pour effet de suspendre les négociations entre le gouvernement vénézuélien et l’opposition auxquelles le diplomate devait participer au Mexique.

Le 1er novembre, le tribunal de Miami lève sept des huit chefs d’accusation qui pèsent contre lui : l’homme d’affaires encourt toujours vingt ans de prison pour association de malfaiteurs. Selon son épouse, Camila Fabri Saab, qui a pris la parole lors d’une mobilisation, mi-octobre plaza ­Bolivar à Caracas, cette extradition illégale est une offense à tous « les peuples dignes du monde ». Un dangereux précédent qui signe, pour Carlos Arellan, membre des volontaires pour la libération d’Alex Saab, la mise en place d’un « mécanisme de barbarie entre les nations. Lorsque l’immunité diplomatique n’est pas respectée, nous nous trouvons dans une situation très vulnérable pour la souveraineté du Venezuela et d’autres nations. » Drôle de symphonie.

 

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