Le candidat PCF à la présidentielle, Fabien Roussel, en déplacement sur l’île de l’océan Indien, a fait part de ses propositions : il souhaite augmenter les salaires, développer les services publics et permettre l’enseignement bilingue français-créole à l’école. Entretien.
À La Réunion, 42 % de la population vit sous le seuil de pauvreté et 24 % des actifs sont au chômage. Qu’avez-vous constaté sur place ?
Fabien Roussel Après avoir été en Guyane et en Guadeloupe, je constate une fois de plus que les points communs des outre-mer sont les inégalités sociales et la vie chère. Ici, les prix sont 30 % plus élevés qu’en métropole, alors que les salaires sont plus bas. Les produits alimentaires coûtent plus et la bouteille de gaz est à 20 euros. Rien ne justifie cet état des choses. C’est pourquoi je propose qu’à La Réunion les salaires du privé soient alignés sur ceux, plus hauts, du public. Il faut aussi baisser les taxes, et revoir complètement la fiscalité locale.
Proposez-vous un plan d’urgence pour l’outre-mer ?
Fabien Roussel Je défends une loi de programmation pour l’outre-mer. Mais, à la différence de la droite et de l’extrême droite, je propose qu’elle soit écrite par ceux qui en ont d’abord besoin : qui d’autre que les Réunionnais pour savoir ce dont ont besoin les Réunionnais ? C’est pourquoi, dans chaque pays d’outre-mer, je souhaite organiser des conférences régionales réunissant élus, acteurs économiques et représentants des salariés afin qu’ils décident ensemble du chemin à prendre pour parvenir à une égalité sociale réelle et répondre à leur situation géographique particulière. Je propose de plus que ces territoires aient la possibilité de passer des accords commerciaux avec des pays voisins, alors que l’Union européenne leur interdit. À titre d’exemple, la Guyane n’a pas le droit d’acheter son pétrole au Venezuela, et La Réunion n’a pas le droit d’avoir d’échanges directs avec les pays d’Afrique.
Quelle doit être la place de l’État ?
Fabien Roussel Il s’agit de rétablir un contrat de confiance, et de rattraper le retard sur les services publics. Les gouvernements successifs ont laissé ces territoires sous-dotés, avec un nombre de lits d’hôpitaux par habitant le plus bas de toute la France. Or, nous devons garantir les mêmes droits et les mêmes accès à la santé à tous. Nous devons aussi donner plus de pouvoir aux salariés dans ces régions où les monopoles industriels et économiques sont terriblement puissants. Une grande partie de la richesse de l’île de La Réunion est captée par quelques grandes familles. Le prix des litchis est payé 1 euro le kilo aux producteurs et vendu 20 euros en métropole. L’ananas est acheté 50 centimes d’euro et vendu 8 euros. Il faut garantir des rémunérations justes pour que chacun vive dignement de son travail.
À La Réunion, trois enfants sur dix n’ont pas accès à Internet, ce qui a été très problématique pendant le confinement…
Fabien Roussel Il faut bien sûr y remédier. Mais il y a ici un autre problème d’accès à l’enseignement. Près de 30 % de la population est frappée par l’illettrisme à cause des inégalités sociales, et parce que les enfants ne sont pas accueillis à l’école dans leur langue maternelle, qui est le créole. C’est pourquoi je propose de généraliser l’enseignement bilingue français-créole.
Pourquoi proposez-vous la date du 19 mars pour commémorer l’abolition de l’esclavage ?
Fabien Roussel Je souhaite que ce jour devienne une journée nationale fériée pour célébrer l’abolition de l’esclavage, la fin de la traite des humains et la liberté des peuples. Cette idée de Paul Vergès est toujours défendue par les communistes réunionnais. Cela permet d’avoir une date unique, tous les territoires d’outre-mer n’ayant pas été libérés de l’esclavage en même temps. Et le 19 mars, c’est la date de la loi de 1946 votant la décolonisation et la départementalisation des outre-mer, dont Aimé Césaire était le rapporteur.
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