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10 décembre 2021 5 10 /12 /décembre /2021 06:43

 

Jamais l’accaparement des richesses n’a été le fait de si peu de personnes à travers le monde, selon un rapport. Une taxation progressive et élargie pourrait résoudre la situation.

La crise, quelle crise ? Deux ans après son irruption dans le monde, le Covid donne la fièvre au portefeuille de tous ceux qui appointent dans les catégories riches, très riche et ultra-riche. C’est ce que démontre le rapport sur les inégalités mondiales, publié ce mardi. Coordonnée par Lucas Chancel, avec les contributions de Thomas Piketty, Emmanuel Saez et Gabriel Zucman, soit l’aile keynésienne et hétérodoxe des économistes, cette somme dresse un constat implacable de la très inégale répartition des richesses, tout en donnant quelques pistes utiles pour ranimer l’idée de justice sociale et fiscale.

 

 

Le rapport calcule ainsi que les 10 % les plus riches ont fait main basse, en 2020-2021, sur 52 % du revenu mondial, n’en laissant que 8 % aux 50 % les plus pauvres. Autrement dit, une personne appartenant aux 10 % les plus aisés peut compter en moyenne sur 87 200 euros de revenus annuels, quand son semblable de la moitié la moins riche de l’humanité ne dispose que de 2 800 euros par an. Mais l’étude met surtout en lumière le fait que la détention de patrimoine est encore plus structurante pour discriminer les possédants des laissés-pour-compte. Les 10 % les plus riches « possèdent 76 % du patrimoine mondial (550 900 euros par personne en moyenne), quand les 50 % du bas en sont quasiment dépourvus (2 %, soit 2 900 euros) », souligne Lucas Chancel. Dans ce grand concentré de richesses, le 0,01 % le plus fortuné touche le jackpot, avec 11 % du patrimoine mondial, contre 7 % en 1995. Dans cette catégorie, les 500 plus grandes fortunes ont vu leur patrimoine faire boule de neige de + 7 % par an entre 1995 et 2021. Pour les 50 plus riches au monde, il faut plutôt parler d’avalanche de biens accaparés, avec + 9 % par an. « Cette tendance s’est accélérée pendant l’épidémie de Covid, souligne l’étude . De fait, l’année 2020-2021 a vu la plus forte augmentation enregistrée de la part de richesse aux mains des milliardaires. »

« Les États se sont appauvris »

Si ces inégalités mondiales se sont à ce point accrues qu’elles sont « proches du niveau qui était le leur au XIXe siècle, à l’apogée de l’impérialisme occidental », c’est d’abord du fait de l’aggravation de la fracture sociale au sein même de chaque pays. À cela, une raison : « Ces quarante dernières années, les pays se sont nettement enrichis, mais les États, nettement appauvris. La part de patrimoine détenue par des acteurs publics est proche de zéro ou négative dans les pays riches, ce qui signifie que la totalité de la richesse se trouve aux mains du privé », pointe le rapport. Avant d’ajouter : « Cette tendance a été amplifiée par la crise du Covid qui a vu les États emprunter l’équivalent de 10 à 20 % du PIB, essentiellement au secteur privé. Leur pauvreté actuelle hypothèque gravement leur capacité à combattre les inégalités à l’avenir, de même qu’à relever les grands défis du XXIe siècle tels que le changement climatique. »

Pour les économistes de l’Observatoire mondial des inégalités, à l’École d’économie de Paris, ces richesses aux mains de quelques-uns offrent paradoxalement une solution facile à mettre en œuvre pour réimpulser de la justice sociale. L’instauration d’une imposition sur le patrimoine, plus large (pas que sur le foncier) et plus progressive qu’aujourd’hui, redonnerait de belles marges de manœuvre à la redistribution comme à l’intervention publique. Une petite taxe de 1,2 % sur le patrimoine des 62 millions de personnes détenant plus d’un million de dollars (soit 174 000 milliards de dollars en cumulé) permettrait de récupérer 2,1 % du revenu mondial.

Contre l’évasion fiscale, ces mêmes économistes préconisent la tenue d’un registre financier international permettant aux autorités fiscales de contrôler la bonne déclaration des actifs et revenus du capital. La fin des régimes dérogatoires des expatriés et la taxation minimale de 15 % sur les multinationales sont d’autres outils sur lesquels compter. « On y arrivera à un moment, assure Lucas Chancel. Tout simplement car il y a un besoin des États de financer leurs dépenses. »

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