Elle aura 100 ans ce mercredi 12 février 2020. Communiste de la première heure, résistante de toujours, Marguerite Caudan, dite Margot, n’oublie jamais de témoigner. À Plouhinec (Morbihan), la jeunesse est son amie !
Jean, baskets et beau sourire : c’est d’un pas léger que Margot Caudan ouvre la porte de sa longère pleine de livres, à Plouhinec (Morbihan). Ce 12 février 2020, elle a 100 ans et 85 ans d’adhésion au Parti communiste. Un record dont n’est pas peu fier le Lanestérien Philippe Jumeau. « Marguerite (tout le monde l’appelle Margot) a six mois de plus que l’ancien maire d’Hennebont Eugène Crépeau. Nous avons la chance inédite d’avoir deux centenaires dans nos rangs, l’année des 100 ans du PC ! ».
Margot a défié les fascistes à 14 ans et failli être déportée deux fois !
« Si Eugène a été le militant politique, Margot Caudan est notre militante du quotidien. Une femme d’une modestie incroyable, qui beurrait encore les sandwichs à la dernière fête de l’Huma à Port-Louis. Elle qui a défié les fascistes à 14 ans et failli être déportée deux fois ! », témoigne le secrétaire de la fédération PC du Morbihan.
Témoigner, inlassablement
Ses faits de résistance à l’Allemagne nazie et au gouvernement de Vichy, de 1939 à 1944, Margot Caudan en parle beaucoup depuis quelques mois. « On est de moins en moins nombreux à pouvoir témoigner, alors j’y vais. Je suis un peu dure de la feuille, mais quand les jeunes viennent me trouver, je ne peux rien leur refuser ! ».
Devant des lycéens rennais le 21 novembre 2019, avec des collégiens alréens en décembre, ou encore en petit comité, chez elle, ce dimanche 9 février 2020, avec sept élèves du collège Jean-Lurçat de Lanester venus l’interroger dans le cadre du Concours national de la Résistance et de la Déportation : la Plouhinécoise est sur tous les fronts.
Missions dangereuses et clandestinité
Ce week-end encore, elle a raconté sa jeunesse dans le XIe arrondissement de Paris, aux côtés de réfugiés juifs d’Europe centrale, son « engagement naturel » aux Jeunesses communistes, la création de l’Union des Jeunes Filles de France (UJFF), sa rencontre avec son mari, Louis.
Huit jours après leur mariage, en avril 1940, Marguerite Caudan est arrêtée pour son appartenance à l’UJFF, avant d’être libérée, dans la pagaille de l’exode, un mois plus tard. « Je ne suis pas entrée en résistance, car j’y étais déjà ! », plaisante aujourd’hui la presque centenaire. Chargée avec Louis d’une imprimerie clandestine, elle connaîtra les missions dangereuses (transport de faux papiers ou de matériaux pour explosifs) et encore la prison de juin 1943 à août 1944. Une trentaine de ses codétenues finiront en Déportation. D’autres seront fusillées. Un voile passe sur le regard pétillant de la vieille dame : « On n’attache pas d’importance aux petites choses, après ça ».
Engagez-vous !
« Margot est notre meilleure ambassadrice et une bonne amie. Elle aime les gens. Avec elle, toutes les portes s’ouvrent ! », assure à son tour la présidente de l’Association nationale des anciens combattants du pays d’Auray, Maryline Le Sauce. Car Bretonne, Marguerite Caudan l’est devenue il y a dix ans seulement. Si elle a quitté la région parisienne à 90 ans, c’est pour rebondir après le décès, en 2004, de son cher époux Louis. « Il était natif d’Hennebont, on a toujours aimé le coin. Je suis aussi revenue par admiration pour cette communauté de la danse bretonne, glisse-t-elle. La varappe, le ski, le tai-chi, j’ai dû arrêter. Mais la danse bretonne, ça ne me fatigue pas ! ».
Après la guerre, Margot Caudan a fait carrière comme responsable du comité d’entreprise de Renault à Boulogne-Billancourt. Elle s’y est occupée des enfants des autres. « Moi, je n’ai pas réussi à en avoir… », élude-t-elle dans un soupir. Sa vie de militante l’a amenée « à combattre l’Indochine, le Vietnam, l’Algérie ». Dans le communisme, « tout ne m’a pas toujours plu », avoue-t-elle. « Mais pour l’instant, je n’ai pas trouvé mieux ! ». A l’heure de ses 100 ans, Margot Caudan s’entretient des gilets jaunes, de la réforme des retraites comme de la montée des extrémismes. Elle cite Bertolt Brecht : « Le ventre est encore fécond, d’où a surgi la bête immonde ». Et aux jeunes, elle dit et redit, comme Stéphane Hessel avant elle : " Engagez-vous ! "
Dans le Morbihan, il se trouve que deux adhérents du PCF ont eu 100 ans en 2020, comme notre parti : Eugène Crépeau, ancien maire d’Hennebont, et Marguerite (dite Margot) Caudan, qui dès l’âge de 15 ans fut une combattante antifasciste. Celle qui fut une résistante de la première heure a reçu le samedi 30 janvier la médaille de la Légion d’honneur à Plouhinec (56) des mains du sous-préfet de Lorient.
Au cours de cette cérémonie, elle a pris soin de dire : « Je ne suis pas pour les décorations individuelles. J’ai longtemps hésité à accepter de recevoir la Légion d’honneur. Je la reçois aujourd’hui pour tous mes amis résistants qui n’ont pas eu la chance d’assister à la Libération, à la capitulation de l’Allemagne nazie. Quand on agit selon sa conscience, ce n’est pas pour des décorations. »
Née dans le 20e arrondissement de Paris en 1920, elle côtoya alors des familles de réfugiés qui la rendirent sensible à l’injustice qui frappait ses amis de l’époque. Elle adhère en 1935 aux JC puis à l’Union des jeunes filles de France (UJFF). En 1936, elle consacre l’essentiel de ses activités pour l’aide à l’Espagne républicaine. Le décret prononçant la dissolution du PCF fera qu’elle sera arrêtée en avril 1940, alors qu’elle n’était mariée que depuis 8 jours. L’immense pagaille qui règne à Bordeaux, où elle avait été transférée, lui permet d’être libérée sans trop savoir pourquoi !
En cette période plus que troublée, il fallait à Margot et ses camarades une bonne dose d’optimisme et d’inconscience pour tenter d’agir contre l’occupant nazi et son auxiliaire « l’Etat Français » de Pétain, au vu de la disproportion des forces en présence. Si des actes de sabotage isolés eurent lieu, Margot et son mari choisirent une arme qui a fait ses preuves en nombre de périodes historiques : l’écrit. Sollicités par Henriette Schmidt (de la direction clandestine du PCF), il leur fut confiée une petite imprimerie, une ronéo afin de sortir des tracts. Le premier tirage fut l’appel à la manifestation place de l’Etoile le 11 novembre 1940 ; puis viendront des tirages de l’Humanité, de l’Avant-Garde.
Fernand Grenier trouva refuge chez Marguerite, mais suite à l’arrestation de plusieurs dirigeants, la plongée dans la clandestinité totale fût impérative. Margot assure alors des liaisons entre les mouvements politiques de résistance, transporte documents, faux papiers, matériel pour explosifs, messages oraux… Arrêtée une seconde fois en 1944, elle fût libérée en août de la même année et rejoignit alors les FFI pour la libération de Paris.
Cette « entrée en résistance » de Margot comme de très nombreuses et méconnues femmes contribua à la défaite de l’Allemagne hitlérienne. Pour autant, à aucun moment de sa vie Margot ne se considéra et encore aujourd’hui comme une « ancienne combattante ». Tout au long de sa vie professionnelle, de sa retraite, elle a continué le combat. S’indigner et résister toujours, résume pleinement le combat de Margot, que chaque année nous avons le bonheur de croiser au stand de la section de Port-Louis lors de la fête de l’Humanité Bretagne ! Elle a, à de très nombreuses reprises, témoigné auprès des jeunes générations de ses engagements dans la Résistance en intervenant dans les collèges et lycées du Morbihan.
Samedi elle a conclu son propos en rappelant qu’il fallait plus que jamais « dire non à l’inacceptable, et que l’on aura besoin de se réunir parce que le danger fasciste ne s’est pas du tout effacé. »
Margot est une camarade exemplaire de modestie, d’humilité, le tout allié à de profondes convictions, qui continue de participer à la vie de sa section. Sa fidélité au PCF est très forte car elle aime à dire souvent : « Je n’ai pas toujours été d’accord avec le PCF mais je n’ai pas trouvé mieux ! »
Le contexte sanitaire n’a pas permis aux camarades du Morbihan d’organiser un temps convivial pour montrer à Margot notre affection sincère et fraternelle (l’édition 2020 de la Fête de l’Humanité Bretagne ayant été annulée). Nous ne pouvons que souhaiter le faire pour ses 101 ans !
Philippe Jumeau
secrétaire départemental du PCF Morbihan
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