Le PCF revendique sa place à la radio dès les années vingt, si l’on en croit l’historienne Agnès Chauveau dans L’audiovisuel en liberté (Presses de Sciences-Po). Il demande alors que les journaux communistes soient cités dans les revues de presse radiophoniques. Il faut cependant attendre la Libération (le programme du CNR plaidait pour la démocratisation de l’information) pour trouver des journalistes communistes à la radio d’État.
Le plus connu sans doute est Francis Crémieux. Lors d’un entretien en 1997, il me dit : « Le monde des journalistes de la radio est alors partagé entre gens de Londres, d’Alger et de la Résistance intérieure. » Lui-même vient du groupe « Combat ». Il tient d’ailleurs une rubrique « Radio » dans la revue mensuelle de Pierre Seghers, Poésie (1947) et un peu plus tard (1949) dans le mensuel du PCF pour l’intelligentsia La Nouvelle critique.
À l’aube de la guerre froide, l’ambiance anticommuniste coûte cher à de nombreux journalistes. Francis Crémieux est révoqué en novembre 1948 de la rédaction en chef du Journal parlé. Alors même que se déroule la grève des mineurs du Nord-Pas-de-Calais, il réalise une émission anniversaire sur la lutte de cette corporation en 1941, pendant l’occupation nazie. Or, quelques jours auparavant, le Président de la République Vincent Auriol avait demandé au président du Conseil des ministres Queuille « d’éliminer de la radio les communistes qui (prétendait-il) dirigent tout le Journal parlé ». Jean-Noël Jeanneney cite ce texte dans son livre Une histoire des médias.
S’appuyant sur ses relations internationales dans le cadre du Kominform (l’Internationale communiste dans sa version d’après-guerre), le PCF décide de créer une émission radiophonique qui va être retransmise par des stations situées dans les pays de l’Est : l’émetteur se trouve, selon les périodes, en Tchécoslovaquie, en Pologne, en Hongrie ou en Roumanie. Cette émission, quotidienne, est intitulée « Ici ce soir en France ». Sa réception n’est pas toujours d’une netteté absolue et ses moyens relèvent à bien des égards de l’artisanat. Ceux qui ont participé à la réalisation de cette radio parleront plus tard de « bricolage ».
Dans le petit groupe de journalistes concernés, on trouve René Andrieu, futur rédacteur en chef de l’Humanité, André Carrel, qui sera rédacteur en chef de l’Humanité dimanche, Jean Le Lagadec, responsable ensuite de la rubrique de politique intérieure de l’Humanité, Lucien Barnier qui deviendra un chroniqueur scientifique renommé, Francis Crémieux.
Pour René Andrieu (voir son livre Un rêve fou), il s’agit d’un « droit de réponse légitime » du PCF face au boycott de la radio d’État. Le taux d’écoute d’« Ici ce soir » est difficile à évaluer. L’émission est annoncée dans les colonnes de l’Humanité ; elle aurait reçu une abondante correspondance à son adresse parisienne et une des chroniques les plus importantes de l’émission est précisément celle du courrier des auditeurs. Au programme figurent des interviews de dirigeants communistes et du Mouvement de la Paix ; des reportages ; une rubrique littéraire animée par Martine Monod et l’écrivain Pierre Gamarra ; une rubrique cinéma avec Georges Sadoul ; le cycle des mémoires de Marcel Cachin. Éluard participe à une émission de poésie ; des comédiens, des musiciens comme Jean Wiener sont de la partie. Des montages radiophoniques sont mis au point, le plus fameux étant une réalisation de Vladimir Pozner, « Qui a tué HO Burrel ? », sur le thème du maccarthysme aux États-Unis.
Née au début des années cinquante, cette radio cesse d’émettre en 1955, notamment à la suite d’un accord international mettant fin à la bataille entre certaines radios de la guerre froide.
Gérard Streiff
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