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22 novembre 2021 1 22 /11 /novembre /2021 06:28
Le maire communiste de Recoleta, l’une des communes de Santiago, Daniel Jadue souhaite «porter à la tête du Chili un gouvernement progressiste qui initiera les transformations dont le pays a besoin» (photo L'Humanité)

Le maire communiste de Recoleta, l’une des communes de Santiago, Daniel Jadue souhaite «porter à la tête du Chili un gouvernement progressiste qui initiera les transformations dont le pays a besoin» (photo L'Humanité)

Chili. Daniel Jadue : « La révolte sociale de 2019 est loin d’être finie »
Vendredi 19 Novembre 2021 - L'Humanité

Maire communiste de Recoleta, l’une des communes de Santiago, Daniel Jadue, après sa défaite à la primaire de la coalition Apruebo Dignidad, fait activement campagne pour le candidat de gauche Gabriel Boric. Entretien

Comment percevez-vous le climat politique de cette campagne présidentielle et parlementaire ?

Daniel Jadue La droite excelle dans l’art de semer la peur, d’instaurer un climat de tension, de manier la menace pour faire échec à des transformations en germe. C’est la seule recette qu’ils connaissent. Ce qu’ils ne veulent pas comprendre, c’est que si la pandémie a suspendu la révolte populaire d’octobre 2019, celle-ci est loin d’être terminée. Quand on y regarde de plus près, cette révolte avait deux dimensions : l’une politique, l’autre sociale et économique.

La première a trouvé un chemin de sortie avec la discussion constitutionnelle, qui mobilise un public déjà très politisé. Mais ceux préoccupés par la précarité de leurs conditions de vie n’ont vu venir, jusqu’ici, aucune réponse. Les pensions n’ont pas été revalorisées, il n’y a pas eu la moindre avancée pour garantir le droit à l’éducation, à la santé – des gens jouent encore à la loterie ou vendent des sandwichs dans la rue pour payer des traitements médicaux coûteux ; les services publics locaux sont plus dégradés que jamais. La rage et l’indignation, pour l’instant, sont rentrées.

Mais si des réponses sociales ne commencent pas à être esquissées, il est hautement probable qu’elles ressurgissent avec bien plus de force . Sans parler de l’impunité garantie aux auteurs de violations des droits humains, ni de l’emprisonnement de participants à cette révolte sociale.

Vous étiez candidat à la primaire de la coalition de gauche Apruebo Dignidad. Comment vous êtes-vous impliqué, avec le Parti communiste chilien, dans cette campagne ?

DANIEL JADUE Le Parti communiste est pleinement investi dans la campagne de Gabriel Boric et de la coalition Apruebo Dignidad, qui rassemble huit formations politiques. Je me suis rendu dans de nombreuses régions, pour soutenir notre candidat à la présidentielle, mais aussi nos candidats aux élections législatives et sénatoriales. Il fallait aussi convaincre les 700 000 électeurs qui m’ont accordé leurs suffrages à la primaire. C’est, pour nous, une alliance stratégique. Nous voulons porter à la tête du Chili un gouvernement progressiste qui initiera les transformations dont le pays a besoin.

Comment expliquez-vous la place subitement prise dans le paysage politique par le candidat d’extrême droite Jose Antonio Kast, un nostalgique de la dictature de Pinochet ?

DANIEL JADUE  Avec les difficultés du candidat de droite Sebastian Sichel, les élites économiques ne voient pas d’autre possibilité de maintenir leurs privilèges. Elles migrent vers Kast, après avoir contribué, grâce aux sondages et aux médias qu’elles possèdent, à gonfler artificiellement cette candidature. Pourtant son programme est un tissu de mensonges. Il est basé sur un taux de croissance de 5 % dans les cinq prochaines années, alors que les projections les plus optimistes ne prévoient pas plus de 2 %, ni au Chili ni dans la région.

L’État aurait besoin de ressources nouvelles pour répondre à des demandes impérieuses, sortir du système des AFP (fonds de pension) pour rebâtir un système de retraites par répartition, apporter à tous les citoyens les protections sociales dont ils ont besoin : lui prévoit au contraire de baisser les impôts des plus riches. Comme son ami et modèle, Jair Bolsonaro, ce macabre personnage prétend apporter des réponses simplistes à des problèmes complexes. Il ment. Ces figures de l’extrême droite capables de faire fuir leurs fortunes à l’étranger pour échapper à l’impôt n’aiment pas le Chili. Elles n’aiment que l’argent.

Chili. Daniel Jadue : « La révolte sociale de 2019 est loin d’être finie » - Interview de Rosa Moussaoui, L'Humanité, 19 novembre 2021
Chili. L’âpre combat de la transition
Samedi 20 Novembre 2021 - L'Humanité

À l’approche d’élections générales cruciales pour l’aboutissement du processus de transformation démocratique, l’« HD » est allé à Recoleta, commune de Santiago, où le maire Daniel Jadue parvient à sortir l’eau, la santé, le logement... des logiques néolibérales dans ce pays où « tout se paie ». Reportage.

Un amphithéâtre plonge dans les entrailles de l’immeuble de six étages qui abrite la mairie de Recoleta. Les lieux ont été aménagés en centre de vaccination : une centaine de personnes patientent là, inquiètes de la remontée des contaminations. Il faut dire que la pandémie désorganise jusqu’à la campagne électorale : bien que vacciné, le candidat de gauche à l’élection présidentielle du 21 novembre Gabriel Boric a contracté ces jours-ci le Covid-19 ; cinq des six autres candidats qu’il avait rencontrés pour un débat ont dû se plier à une inflexible quarantaine.

En haut des marches, une tente a été dressée à l’entrée de l’Optique populaire, où les habitants dépourvus de couverture sociale privée peuvent se procurer des lunettes à prix raisonnable. C’est la deuxième fois que Bernardo Flores vient là. Ce quinquagénaire sans travail fixe, le visage couvert d’un double masque, n’aurait pas les moyens de corriger sa vue autrement : la paire de lunettes la moins chère lui coûterait, dans le commerce, pas moins de 50 000 pesos, l’équivalent d’une cinquantaine d’euros. Ici, il n’en paiera que 20 000. « C’est un bon recours pour ceux qui ont peu de revenus », sourit-il. Depuis 2015, la municipalité de cette commune de Santiago du Chili dirigée par le communiste Daniel Jadue a développé tout un éventail de nouveaux services locaux.

Objectif : offrir un filet social aux naufragés du mirage néolibéral qui a démoli, depuis la dictature de Pinochet et la brutale conversion économique imaginée par les Chicago Boys, tous les services publics de base, toutes les protections collectives, mais aussi le lien social, la faculté d’organisation des plus démunis. Recoleta retisse patiemment des solidarités, des combats collectifs. Sur l’avenue qui file vers les contreforts de la cordillère des Andes, de vieilles bâtisses rouges, rococo et décaties côtoient des commerces chinois. Des immigrés haïtiens et vénézuéliens sont venus, ces dernières années, grossir les rangs des travailleurs du petit commerce informel. Les murs exigent partout la libération des jeunes manifestants emprisonnés depuis le soulèvement populaire d’octobre 2019.

Librairie municipale

Au pied de la mairie, une librairie municipale offrant des livres neufs à prix coûtant donne à l’édifice des airs de carrefour culturel. À l’intérieur, l’initiative la plus emblématique : la pharmacie sociale Ricardo Silva Soto, la première du Chili, où les patients peuvent se procurer les médicaments dont ils ont besoin à des prix inférieurs de 60 % à ceux du marché. Créé en 2015, ce service ouvert à toutes celles et tous ceux qui vivent, travaillent ou étudient dans la commune recense aujourd’hui 33 000 inscrits ; 2 500 nouveaux usagers se sont manifestés depuis le début de la pandémie.

Alors que les Santiaguinos consacrent 60 à 70 % de leurs revenus au logement, cette part est ici plafonnée à 20 %. Et les médicaments sont proposés 60 % moins chers que dans le privé.

Dans la salle d’attente, des patients de tous âges, des femmes, pour la plupart, attendent leurs commandes, ordonnance en main. Maria Teresa, 46 ans, ne vient pas ici pour elle-même, mais pour se procurer les médicaments dont a besoin sa mère, atteinte de la maladie d’Alzheimer et prostrée. « Elle est à ma charge, avec mes trois fils. Comme je dois m’occuper d’elle, je ne peux plus travailler », résume cette comptable qui vit à Recoleta depuis une vingtaine d’années et juge les politiques sociales de la municipalité « excellentes ».

« Dans les pharmacies privées, les médicaments sont beaucoup plus chers. Si tu as beaucoup d’argent, tu peux prendre une assurance privée qui couvre les dépenses et offre l’accès à des soins de qualité dans des cliniques privées, soupire-t-elle. Mais, souvent, en cas de problème de santé très grave, ces assurances finissent par se défiler. Nous, nous n’avons que la couverture sociale de base, qui donne accès à un système public en ruine et à des soins limités. Si tu as besoin d’un examen approfondi, un scanner par exemple, tu ne peux pas le faire. » Le succès rencontré par cette initiative inspire d’autres projets partout dans le pays : sur le même modèle, une pharmacie populaire a ouvert ses portes voilà un mois dans la commune voisine de Providencia

Au sixième étage de la mairie, Daniel Jadue désigne un immeuble jaune et noir, flambant neuf, tout juste inauguré. De l’habitat social municipal aux loyers abordables : alors que les Santiaguinos consacrent 60 à 70 % de leurs revenus au logement, cette part est ici plafonnée à 20 %. Candidat à la primaire de la coalition de gauche Apruebo Dignidad, l’édile participe activement à la campagne de son concurrent victorieux, Gabriel Boric. « Une alliance stratégique mobilisant huit formations politiques, que nous assumerons jusqu’au bout », commente-t-il. Alors que les sondages, dans la dernière ligne droite, placent en tête un nostalgique de la dictature, José Antonio Kast, ce communiste voit en lui « une créature médiatique de dernier moment, gonflée comme son ami Jair Bolsonaro aux fake news que fait courir son camp sur les réseaux sociaux ». Stratégie payante : Kast semble en mesure de siphonner l’électorat de Sebastian Sichel, le dauphin de l’actuel président, Sebastian Piñera, dont il traîne comme un boulet l’impopularité et les scandales de corruption.

« La colère peut revenir avec force »

En ordre dispersé, la droite et l’extrême droite, insiste Jadue, convergent pourtant dans une même « campagne de haine et de mensonges pour semer la peur », susciter le rappel à l’ordre, étouffer ainsi la question sociale. « La pandémie, au Chili, a suspendu la révolte d’octobre 2019, expose-t-il. Mais cette révolte n’est pas finie. Elle avait deux dimensions : l’une politique, l’autre sociale et économique. La première a trouvé un chemin de sortie avec la discussion constitutionnelle, qui mobilise un public déjà très politisé. Mais ceux qui sont d’abord préoccupés par la précarité de leurs conditions de vie n’ont vu venir, jusqu’ici, aucune réponse. Les pensions n’ont pas été revalorisées, il n’y a pas eu la moindre avancée pour garantir le droit à la santé, à l’éducation ; les services publics locaux sont plus dégradés que jamais. La rage et l’indignation, pour l’instant, sont rentrées. Mais si des réponses sociales ne commencent pas à être esquissées, il est hautement probable qu’elles ressurgissent avec bien plus de force », prédit-il. Le candidat de l’extrême droite ne conteste pas ce diagnostic : « Nous n’avons pas fait attention aux urgences sociales qui nous ont conduits à cette situation », admet-il. Sa réponse, elle, se situe aux antipodes de la justice sociale, elle tient en trois mots : « la défense du marché libre ». 

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