À trois semaines de la COP 26 qui va se tenir à Glasgow, l’année 2021 nous a fourni des enseignements préoccupants concernant notre souveraineté alimentaire du fait des aléas climatiques qui rendent les récoltes agricoles incertaines. De leur côté, les exploitants forestiers constatent une dégradation de l’état sanitaire des massifs et demandent au gouvernement d’avoir une politique budgétaire favorisant une gestion de long terme. Sans résultat pour le moment.
Un récent conseil spécialisé de FranceAgriMer nous apprend que « suite aux pluies incessantes de l’été, la teneur en eau des blés tendres à l’entrée des silos est souvent plus élevée qu’à l’accoutumée, avec une moyenne nationale estimée à 14% ». Du coup, « des opérations de séchage par les collecteurs seront parfois nécessaires. Par ailleurs, les fortes chaleurs au moment du remplissage des grains et les pluies persistantes en fin de cycle ont altéré parfois les poids spécifique». Mal remplis à cause de pics de chaleurs, puis humidifiés par les pluies, les grains de blé sont allégés, ce qui diminue leur poids spécifique. Cette année, moins du tiers de la récolte dépasse les 76 kilos pour 100 litres de volume. Du coup, certains blés ne seront pas vendus pour faire du pain. Ils seront recyclés dans la filière des aliments du bétail, avec un prix de vente moins rémunérateur.
Pour autant, nous ne risquons pas, cette année, de manquer de pain en France. La récolte de blé tendre serait proche de 35 millions de tonnes sur le territoire français. Les exportations vers les pays membres de l’Union européenne seraient de 8 millions de tonnes pour la campagne qui vient de débuter, en hausse de 1,9 million de tonnes sur la précédente. En revanche, les exportations vers les pays tiers seraient en baisse de 2,2 millions de tonnes, du fait notamment de l’augmentation du coût de fret sur les longues distances. Mais elles atteindraient tout de même 9,6 millions de tonnes.
La France importe trop de protéines végétales
On peut raisonnablement penser que la France devrait, dans les prochaines années, produire moins de blé pour l’exportation et cultiver davantage de protéines végétales pour nourrir les Français et les animaux d’élevage. Pour l’alimentation humaine, le déficit est élevé en pois chiches, en haricots secs et en lentilles. Pour le bétail, notre pays importe près de 3 millions de tonnes de soja et de tourteaux chaque année alors nous pouvons produire toutes ces protéines végétales avec de bons rendements dans plusieurs régions du pays. Mais il faudrait pour cela que les aides de la Politique agricole commune (PAC) soient davantage orientées en ce sens, ce qui n’est pas franchement le cas avec la réforme qui va se mettre en place entre 2023 et 2027.
Avec le réchauffement climatique, l’économie forestière voit aussi sa gestion se compliquer. A propos de filière bois, Antoine d’Amécourt, qui préside la Fédération nationale des syndicats des forestiers privés, publie une lettre ouverte dans laquelle on peut lire que « les maladies ont décimé des secteurs entiers de nos forêts avec en particulier la chalarose du frêne et les scolytes sur les résineux. Le déséquilibre sylvo-cynégétique n’est plus acceptable, il rend difficile le renouvellement forestier et fragilise la gestion durable de nos massifs ».
Une vulnérabilité préoccupante des massifs forestiers
Antoine d’Amécourt relève que « les incendies de l’été ont montré les vulnérabilités générées par un déséquilibre entre protection de la biodiversité et maintien d’activités sylvicoles ». Il note aussi que « sans un juste prix (du bois d’œuvre, ndlr) aucun propriétaire ne pourra engager les investissements coûteux et de très long terme indispensables pour assurer le renouvellement forestier, surtout en cette période de changement climatique ». Il propose de « construire en bois de France plutôt qu’avec des produits d’import, de privilégier des habitats qui stockent du CO2 sur le long terme ». Considérant que « les stériles polémiques ne font qu’alimenter les réseaux sociaux et les amateurs de scandales», il estime que «seules les rencontres et la compréhension commune de forêt et de la filière bois permettront d’avancer».
Ces observations sont en phase avec celles exprimées par la Fédération nationale des communes forestières qui interpelle l’État en soulignant que ces communes «font face à de nombreuses difficultés pour la préservation des forêts : attaques de parasites, dépérissement de certaines essences, sécheresse répétées, risques d’incendies accrus. La Fédération attend du gouvernement « une véritable refonte de la politique forestière et la prise en compte du travail déjà exemplaire des communes forestières pour la préservation du poumon vert de la France ».
Au moment où paraissait ce communiqué des communes forestières, l’hebdomadaire « La France Agricole » indiquait que dans le département du Doubs « 97% des communes ont des recettes forestières en recul, une centaine d’entre elles connaîtrait des difficultés budgétaires sérieuses, si la crise sanitaire devait perdurer ». Car cette crise conduit à couper du bois pour limiter la contamination des scolytes dans les massifs de résineux. Du coup, le prix du m3 de résineux baisse chaque fois que l’offre dépasse la demande. Le journal ajoutait que « la réforme du financement de l’ONF, qui prévoit une forte augmentation des frais de garderie (du bois coupé, ndlr) est aussi source d’inquiétude ».
Non au traité de libre-échange UE-Mercosur
Quelle soit publique ou privée, la forêt française doit être gérée avec une vision de long terme, ce qui implique d’avoir un juste prix du bois d’œuvre et sa transformation en France au lieu d’exporter toujours plus de grumes en Chine et ailleurs. Cela implique aussi, pour la préservation de nos forêts, comme pour l’agriculture, d’en finir avec les accords de libre-échange sur fond de dumping social et environnemental. Voilà aussi pourquoi le « Collectif national Stop-CETA-Mercosur » composé d’environ 35 organisations, dont ATTAC France, la CGT, la FSU et la Confédération paysanne, adressait le 21 septembre dernier une « Lettre ouverte à la Commission européenne et au gouvernement » français, leur demandant de ne pas « sauver » cet accord pas encore ratifié, mais de l’abandonner car sa signature se traduirait par une accélération de la déforestation en Amazonie.
Mais on sait que la Commission cherche à faire ratifier cet accord tandis que le président Macron et le gouvernement français gardent le silence sur le sujet.