Une étude de France Stratégie montre que les ménages, surtout en bas de l’échelle, voient leur pouvoir d’achat plombé par l’explosion de leurs dépenses contraintes.
Que les plus pauvres le soient de plus en plus et que les écarts se creusent, c’est ce que martèlent depuis des années les associations de solidarité. Mais que cette vérité soit analysée et étayée par un think tank gouvernemental, c’est plus original.
Le 31 août, une note de France Stratégie, le bureau d’analyse rattaché au cabinet du premier ministre, explique pourquoi, alors que statistiquement le niveau de vie des Français augmente, l’argent dont disposent les ménages pour consommer tous les mois ne cesse de se réduire, surtout en bas de l’échelle sociale.
Le constat d’abord. « Les inégalités de revenu arbitrales, c’est-à-dire ce qu’il reste pour consommer une fois déduites les dépenses préengagées (loyer et charges, remboursements d’emprunts immobiliers, services de télécommunications, services de télévision, cantines scolaires, assurances et services financiers), sont près de deux fois supérieures à celles que l’on observe en niveau de vie », note l’étude. Ainsi, le niveau de vie moyen d’une personne seule appartenant à la catégorie des plus pauvres atteint 679 euros par mois. Mais une fois payées toutes ces charges incompressibles, il ne lui reste plus que 169 euros pour faire face aux autres dépenses (nourriture, habillement, transport)…
Pour les moins aisés des ménages modestes, on passe de 1 162 à 600 euros. Plus on s’élève dans la classe sociale, plus la différence entre ces deux indicateurs s’atténue. Ainsi, parmi les plus aisés, le niveau de vie s’élève à 3 428, et le revenu arbitral à 2 710 euros.
Le poids des loyers
Comment expliquer ce décalage croissant entre ce que gagnent les Français et ce qu’ils peuvent consommer ? D’abord, le poids de ces dépenses incontournables qui sont réglées par prélèvement – d’où l’appellation de préengagées – n’a cessé d’augmenter. En 2017, elles représentaient 32 % du total des dépenses, contre 27 % en 2001. Et cette augmentation moyenne de 5 points s’est faite de façon inégalitaire. Pour les plus pauvres, elle atteint 10 points.
Le prix du logement, qui n’a cessé d’augmenter depuis les années 1990, est au cœur de cette perte de pouvoir d’achat. À lui seul, le paiement des loyer, charges et remboursement d’emprunts, représente 23 % de l’ensemble des dépenses des ménages et 70 % des préengagées. « L’augmentation du poids du loyer et des charges est très importante pour les ménages pauvres et modestes et contribue ainsi à la hausse de leur consommation préengagée », souligne France Stratégie.
Une nécessaire régulation des prix
Sans surprise, le statut d’occupation est le facteur le plus déterminant. « Ce sont les locataires du parc privé qui font face aux dépenses de logement les plus élevées. » Les ménages pauvres, par exemple, consacrent 40 % du total de leurs dépenses au logement quand ils sont dans le privé, contre 36 % quand ils vivent en HLM, 30 % quand ils sont accédants à la propriété et seulement 13 % quand ils sont propriétaires et ont déjà fini de rembourser leurs prêts.
D’autres facteurs font varier ce poids du coût du logement pour les ménages. L’âge d’abord. Chez les plus de 60 ans, qui ont souvent fini de payer leur résidence principale, le logement ne compte que pour 18 % des dépenses, contre 24 % pour les autres tranches d’âge. Cela explique que les 30-39 ans sont ceux chez qui la part des dépenses contraintes pèse le plus lourd. Le lieu de résidence influe aussi. Les ménages pauvres qui habitent dans des villes de plus de 3 000 habitants au kilomètre carré consacrent 42 % de leur budget au logement, contre 38 % pour ceux résidant dans des communes où la densité est inférieure à 100 habitants par kilomètre carré.
Alors que démarre la campagne pour l’élection présidentielle, ce poids du logement dans les dépenses des ménages, surtout parmi les catégories pauvres et modestes, devrait interroger les responsables politiques et l’opinion publique. Sans régulation des prix, il semble illusoire d’espérer une revalorisation du niveau de vie et une relance de la mobilité géographique et sociale. Une question cruciale pourtant, enterrée derrière la surenchère sécuritaire.
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