Nouveau service public de l’emploi, revenu étudiant de 850 euros net, grand plan pour l’éducation… À l’occasion de la sortie de son livre, Ma France, le candidat du PCF à la présidentielle détaille le « pacte » qu’il propose à la jeunesse.
Dans son premier livre, intitulé Ma France et publié ce jeudi (le Cherche midi, 16,50 euros), Fabien Roussel invite la nouvelle génération à passer un « pacte » et formule une série de propositions pour en finir avec la précarité. Le prétendant du PCF à l’Élysée refuse de s’aligner sur les quelques mesurettes brandies face aux jeunes et remisées au placard sitôt le scrutin clos. Entretien.
Dans votre ouvrage, vous hissez la jeunesse au rang de priorité. Lors de précédentes présidentielles, nombre de candidats lui ont fait des promesses. En quoi votre démarche se veut différente ?
Fabien Roussel On a entendu les promesses, mais on voit surtout dans quel état nos jeunes étudient et la précarité qui les touche. Un sur cinq est au chômage. Et la crise a accentué leurs difficultés. Il ne s’agit pas juste d’aligner quelques mesures, mais d’élaborer un plan sur plusieurs années qui leur garantisse de pouvoir se former et leur donne la possibilité de participer pleinement à la reconstruction du pays face aux urgences écologiques et sociales. C’est pourquoi je propose de passer un pacte avec la jeunesse. Je souhaite qu’il y ait des milliers de rencontres dans les villes, les villages, sur les lieux de travail, non seulement avec les jeunes, mais aussi les actrices et les acteurs de l’éducation, les élus locaux, les syndicats, les associations… et au printemps nous en rendrons compte et nous formaliserons ce pacte écrit à des milliers de mains.
Face à la précarité et au chômage amplifiés par la pandémie, vous dénoncez les dispositifs existant comme la garantie jeunes, que mettez-vous sur la table ?
Fabien Roussel Les réponses du gouvernement se résument à des coups de pouce, du saupoudrage. La garantie jeunes qu’il veut développer, c’est 497,50 euros sous condition et « apprenez à survivre avec ça ». C’est indécent de la part d’un président qui a tout fait pour que les premiers de cordée et les grandes fortunes s’enrichissent. Les jeunes sont méprisés. Nous voulons tout l’inverse. Avec la création d’un nouveau service public de l’emploi, je veux un travail, ou une formation, garanti pour chacun de nos 800 000 jeunes qui sortent de l’école chaque année, assorti d’un salaire correspondant à leur diplôme. Ce ne sont pas les besoins qui manquent dans le public comme dans le privé. D’un côté, nous avons besoin de médecins, de chercheurs, d’ingénieurs, de métallurgistes, d’ouvriers… De l’autre côté, la jeunesse regorge de forces vives et ne demande qu’à être utile pour la société. Les jeunes ne doivent plus être une variable d’ajustement, mais un levier pour nous permettre de vivre mieux et de progresser. Nous devons planifier les besoins de personnel dans les services publics. C’est pourquoi nous voulons mettre en place des plans de prérecrutements.
Et dans le privé, comment contraindre les entreprises à des embauches en CDI et correctement rémunérées ?
Fabien Roussel Le gouvernement met sur la table annuellement – hors crise – 140 milliards d’euros d’aides publiques, dont les deux tiers vont aux plus grosses entreprises. Cet argent public, voire le crédit bancaire accordé aux grandes multinationales, doit être conditionné à la création d’emplois, à de la formation, à la relocalisation de l’activité. Est-il normal qu’un ingénieur diplômé se voit proposer des salaires à 1 800 euros net après cinq ans d’étude ? Et ils ne sont pas les plus mal lotis. Les patrons ont beau jeu de se plaindre que les Français ne répondent pas aux offres d’emploi, est-ce qu’ils les proposeraient à leurs propres enfants ? Le monde économique a une responsabilité importante et il doit s’engager. J’invite d’ailleurs Geoffroy Roux de Bézieux à en débattre avec moi.
Vous défendez l’idée d’un « revenu étudiant de 850 euros », pourquoi ce choix qui coûterait, selon vos estimations, de 20 à 23 milliards ?
Fabien Roussel C’est donner les moyens de l’autonomie à chaque jeune. Une allocation de 850 euros net par mois leur permettrait de poursuivre leurs études sans être obligé de travailler. Elle compterait plusieurs niveaux en fonction de l’attribution d’un logement ou non, des ressources des étudiants… À défaut, elle pourrait être plus importante. Son financement doit reposer sur deux sources : une nouvelle cotisation sociale et une part du budget de l’État. C’est aussi inciter les entreprises à embaucher ces jeunes, puisqu’elles auront contribué à financer leur formation.
Quid alors de l’extension du RSA aux moins de 25 ans défendue par les organisations de jeunesse et que le gouvernement refuse ?
Fabien Roussel Nous soutenons le RSA jeunes mais pour répondre à l’urgence immédiate, le temps de créer ces filières, de réindustrialiser, d’ouvrir ces prérecrutements… Mon ambition pour le pays, ce n’est pas de proposer le RSA comme horizon aux jeunes : 584 euros pour lesquels la droite voudrait en plus qu’ils bossent. Nous souhaitons redonner du sens au travail, répondre aux immenses besoins de la société, sortir d’un système d’accompagnement du chômage.
La rentrée scolaire démarre ce jeudi. Vous proposez d’investir 5 milliards de plus par an pour l’école publique, où irez-vous les chercher et à quoi seraient-ils consacrés ?
Fabien Roussel La crise sanitaire a révélé et accentué la crise de notre école. Le gouvernement n’a rien fait pour protéger les enfants et les personnels de ses conséquences. Pire, la rentrée va se faire avec 1 800 postes d’enseignants en moins dans nos collèges et lycées. En quatre ans, 7 500 postes ont été supprimés. Et le gouvernement profite de la crise pour casser le bac et avancer vers une éducation à plusieurs vitesses. Il faut inverser ces logiques pour donner à la France la jeunesse la mieux formée. Il faut mieux reconnaître le métier d’enseignant en revalorisant les salaires autrement que par une prime. Du CP à la terminale, les classes ne doivent pas compter plus de 20 à 25 élèves. Cela nécessite de construire des établissements et de prérecruter 90 000 enseignants. Je propose aussi d’allonger le temps passé à l’école à 32 heures par semaine. Plus de temps pour apprendre en classe, c’est plus de temps pour donner du sens aux apprentissages, varier les activités, résoudre les difficultés… et c’est aussi une manière de libérer le reste du temps, d’en finir avec les devoirs pour mettre tous les enfants sur un pied d’égalité. Alors je le dis clairement : il faut augmenter le budget de l’État. Celui de l’éducation nationale doit passer de 55 milliards à 80 milliards en l’espace de cinq ans. Le gouvernement Macron a fait un cadeau de 20 milliards par an au capital, je propose de les récupérer et d’en consacrer 5 à l’école.
Emmanuel Macron est depuis mercredi à Marseille, après les drames liés au trafic de drogue. C’est une réalité à laquelle une partie de la jeunesse est confrontée, que lui dites-vous ?
Fabien Roussel Si on veut offrir des jours heureux aux jeunes dans toute la France, les grandes villes, les banlieues comme la ruralité, nous devons leur offrir les mêmes droits. À Marseille, il faut plus de moyens pour la justice, mettre en place une vraie police de proximité. Mais, face à ce fléau, ça ne suffira pas. Dans notre pacte, nous proposons un statut social pour nos jeunes qui, à partir de leurs 18 ans, leur garantira les mêmes droits au logement, aux transports, au sport et à la culture, à la santé… Nous voulons pour cela créer partout des maisons pour la jeunesse avec de nouveaux moyens. C’est la mission de la République
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