Sur 31 variables, 18 « signes vitaux » de la planète atteignent des records historiques, préviennent un collectif réunissant plusieurs milliers de scientifiques. Pour les chercheurs à l’origine de l’étude, il faut des actions rapides : éliminer les énergies fossiles, s’éloigner du modèle de croissance actuel comme restaurer les écosystèmes.
Sous les coups de la « surexploitation de la Terre par l’homme », les « signes vitaux » de la planète s’affaiblissent, alertent des scientifiques. Dans une étude publiée le 28 juillet dans la revue Biosciences, ils s’inquiètent de l’imminence de certains « points de bascule » climatiques.
Un échec systématique
Il y a deux ans, ces près de 13 000 scientifiques de 153 pays, lançaient un appel pour « déclarer une urgence climatique mondiale » en même temps qu’ils faisaient un premier état des lieux. Depuis ? Rien ne s’est passé du côté des gouvernements, dénoncent-ils. Les chercheurs estiment qu’ils ont, de manière systématique, échoué à s’attaquer aux causes du changement climatique. Quand bien même « 1 990 juridictions dans 34 pays ont désormais reconnu ou déclaré l’urgence climatique », reconnaissent-ils.
Nous vous conseillons aussi cette interview du climatologue Christophe Cassou, directeur de recherche au CNRS : Catastrophes climatiques : « Nous entamons un voyage sans retour »
À moins de 100 jours de la conférence mondiale pour le climat (COP 26) qui se tiendra du 1er au 12 novembre à Glasgow, en Écosse, ce groupe de scientifiques refait le point. « Nous avons étudié les changements récents dans les signes vitaux de la planète depuis notre dernière publication : sur les 31 variables que nous suivons, 18 sont à des niveaux records », écrivent-ils.
Parmi ceux-là : la forêt amazonienne, l’épaisseur des glaciers, les émissions de gaz à effet de serre, ou l’acidité des océans. « Il existe des preuves croissantes que nous approchons, ou avons déjà franchi, des points de bascule dans des parties critiques du système planétaire, notamment les calottes glaciaires de l’Antarctique occidental et du Groenland, les récifs coralliens d’eau chaude, et la forêt amazonienne », constatent-ils.
De la forêt amazonienne à la banquise arctique
Dans le détail : un point de bascule pourrait avoir été franchi au sein de la forêt amazonienne, qui sous l’effet des incendies, de la sécheresse et de la déforestation illégale est devenue une source d’émissions de carbone plutôt qu’un puits, note ainsi l’étude. « Le taux de perte annuelle de la forêt amazonienne brésilienne a augmenté en 2019 et 2020, atteignant le pic de 1,11 million d’hectares détruits, du jamais vu depuis 12 ans », détaillent les chercheurs.
Sur la banquise arctique, l’effet du changement climatique est plus visible qu’ailleurs. En 2020, la banquise minimale estivale de l’Arctique a atteint son deuxième niveau le plus bas en termes de surface. L’épaisseur des glaciers a également établi un nouveau record. « Les glaciers fondent beaucoup plus vite qu’on ne le croyait auparavant ; ils perdent 31 % plus de neige et de glace par an qu’il y a à peine 15 ans », écrivent les scientifiques.
4 milliards d'animaux pour l'alimentation
En matière d’alimentation, les chercheurs soulignent que pour la première fois la masse du bétail, avec quatre milliards d’animaux, dépasse, désormais, celle des humains et des animaux sauvages combinés. « La production de viande par habitant a baissé de 5,7 % entre 2018 et 2020, mais ce n’est dû qu’à l’émergence de la fièvre de la peste porcine africaine qui a réduit la production de porc en Chine. Dans le futur, une baisse de la consommation de viande ne se produira pas sans passer à une alimentation basée sur les plantes », pointent-ils encore.
Les océans, eux, se réchauffent et le niveau de la mer se fixe à des nouveaux records. « Pour les récifs coralliens, menacés par l’acidité des océans, et dont dépendent un demi-milliard de personnes, l’atteinte d’un point de non-retour est également possible », soulignent-ils.
S'attaquer à la source
Les auteurs réclament des actions rapides et radicales dans plusieurs domaines : éliminer les énergies fossiles, réduire la pollution, restaurer les écosystèmes, opter pour des régimes alimentaires basés sur les plantes, s’éloigner du modèle de croissance actuel et stabiliser la population mondiale.
« Nous devons arrêter de traiter l’urgence climatique comme un problème indépendant, le réchauffement n’est pas le seul problème de notre système Terre sous pression », a insisté William Ripple, de l’université d’État de l’Oregon. Selon lui, « les politiques pour combattre la crise climatique ou tout autre symptôme devraient s’attaquer à la source : la surexploitation de la planète par les humains ».