D’emblée, je souhaite vivement contester la précipitation de ce débat. Alors que le Président de la République a annoncé lundi 12 juillet ses décisions, solitaires, le Parlement, mais aussi le pays tout entier sont obligés de se mettre au pas sans même avoir le temps d’examiner sérieusement les dispositions proposées qui ont d’ailleurs évolué au fil des jours.
Le Parlement, une nouvelle fois, est mis devant le fait accompli, M. le Ministre.
Nous sommes pleinement conscients des dangers que fait courir le variant Delta, mais vous devez accepter de débattre d’autres chemins existants que celui proposé par E. Macron. La démocratie, le pluralisme, c’est savoir écouter, prendre en compte et parfois, concéder et reconnaître ses erreurs.
Oui, nous savons que le variant Delta se répand vite, et nous le savons depuis de nombreuses semaines.
Oui, nous savons qu’en France les contaminations repartent vivement à la hausse.
Nous savons aussi que la vaccination est un rempart efficace qui évite les hospitalisations et les réanimations.
La vaccination est un outil formidable pour permettre de venir à bout de l’épidémie. Mais il faut des moyens pour aller au plus près de la population non vaccinée souvent par abandon social ou par manque d’information.
Informer, convaincre, mobiliser tous les acteurs de la société sont la clef d’une vaccination pour tous.
C’était peu ou prou votre position hier.
Pourquoi un tel revirement ?
Comment ne pas être surpris par cette volonté soudaine de culpabiliser notre peuple, de le diviser, de le fracturer ?
M. le Ministre, c’est vous qui avez refusé les vaccinodromes en janvier dernier. C’est vous qui avez fait le choix d’une vaccination progressive de la population, rappelant durant des semaines que les jeunes ne risquaient pas tant et pouvaient attendre.
Qui a fait le choix de commander massivement Astrazeneca qui fut sévèrement critiqué jusqu’à être interdit dans plusieurs pays ? La campagne vaccinale fut même suspendue en France.
En mai et en juin, la vaccination a décollé et la suspicion a reculé. Mais qu’avez-vous fait pour organiser la vaccination de masse durant les congés face à la déferlante du variant Delta ?
Quelle mouche vous a piqué pour dégainer un projet de loi aussi attentatoire aux libertés publiques ?
De plus, pourquoi produire un argumentaire culpabilisateur à outrance, alors que les doses ne sont pas disponibles pour parvenir rapidement à l’immunité collective ?
M. le Ministre, notre analyse que nous développerons au cours des débats est celle-ci.
Ce projet de loi, le discours d’E. Macron est un aveu d’échec manifeste.
Notre peuple n’est pas assez vacciné, non pas parce qu’il est récalcitrant, mais parce que vous n’avez pas mis en œuvre les moyens nécessaires.
Ensuite, et « en même temps » le Président de la République, utilise ce moment pour accentuer la dérive autoritaire de son pouvoir pour placer sous une cloche libérale notre pays.
Le 12 juillet, E. Macron a mêlé sa nouvelle réponse sécuritaire à la crise sanitaire, à la confirmation ou annonce de coup de force antisociaux.
À travers cette intervention, l’autoritarisme apparaît comme le point commun à ces différents aspects de la politique du pouvoir actuel.
La prolongation de l’état d’urgence sanitaire du 30 septembre au 31 décembre 2021 symbolise le maintien d’un état d’exception.
L’instauration du passe sanitaire est un outil de division de notre peuple. Je n’accepterai pas, M. Véran, que vous caricaturiez comme vous l’avez fait à l’Assemblée nationale, ceux qui, contre vents et marées, veillent à préserver le respect du droit, de l’égalité.
La Défenseure des droits, comme d’innombrables juristes, associations, syndicats, s’est vivement inquiétée et a annoncé dix recommandations précises importantes pour préserver les libertés et le droit face à vos propositions. J’aimerais connaître votre réponse détaillée à ces interpellations.
Le passe sanitaire est, selon nous, vicié dès le départ. Qui dit passe sanitaire dit contrôle d’identité. M. le Ministre, soit vous faites contrôler l’identité par des personnes non assermentées et c’est une dérive inacceptable, soit vous permettez d’intensifier des contrôles de police inopinés dans les restaurants, dans les cinémas, dans les salles de sport, dans les transports ou à domicile dans le cadre du contrôle de l’isolement.
Est-ce ce modèle de société que vous portez ? Une société de suspicion, de contrôle permanent !
Vous faites ce choix, ce n’est pas le nôtre je le répète, nous faisons le choix de la confiance et de la santé publique.
Le passe sanitaire pour nos concitoyens sera une obligation pour la vie quotidienne. Pour d’autres, ce sera une obligation au travail.
Nous refusons que la suspension ou le licenciement soit l’aboutissement de cette obligation en milieu professionnel.
Concernant les soignants, nous comprenons le débat sur l’obligation vaccinale des soignants.
Mais pourquoi là aussi la menace de la suspension et du licenciement ?
Comment osez-vous, après les avoir fait applaudir, menacer d’exclure de leur travail des femmes et des hommes qui ont souvent risqué leur vie pour le pays ?
L’obligation d’isolement que j’évoquais pose également de lourds problèmes de droit.
Nous refusons qu’une mesure privative de libertés, car c’est de cela dont il s’agit, puisse résulter d’un seul test positif, sans décision de justice.
Par ailleurs, comme ne pas constater une nouvelle fois la discrimination à l’égard des moins favorisés qui ne peuvent respecter l’isolement du fait des conditions de logement précaire ?
Enfin, M. le Ministre, comment ne pas s’alarmer du changement de donne concernant le système d’information dépistage, le SIDEP qui, réservé au personnel de santé, sera consultable demain par toutes les catégories habilitées à effectuer les contrôles ?
La préservation des données personnelles et le secret médical sont foulés au pied par votre projet.
M. le Ministre, nous voterons contre votre projet, même provisoirement assoupli par le Sénat, car sous le couvert d’un combat pour la vaccination, il accélère un projet de société attentatoire aux libertés et droits des salariés, sans armer notre pays face aux pandémies.
commenter cet article …