L’augmentation des dépenses prévues par la Maison-Blanche au budget 2022 pour « la modernisation » de l’arsenal nucléaire, reprend la périlleuse fuite en avant initiée par l’ex-président.
Joe Biden s’inscrit dans la poursuite de la course aux armements nucléaires engagée par son prédécesseur. Cette volonté transpire dans les chiffres que vient de fournir la Maison-Blanche sur ses propositions de budget pour l’année 2022. Le financement de la « modernisation de l’arsenal nucléaire » lancée à grands frais par Donald Trump, est maintenu dans les mêmes ordres de grandeur. Au grand désappointement de plusieurs ONG engagées en faveur de la lutte pour la paix et le désarmement. L’Association pour le contrôle des armes (Arms Control) prend les citoyens à témoin en citant des extraits de discours de campagne où Joe Biden se répandait contre « l’excès des dépenses pour les armes nucléaires ».
« 1,5 fois plus importante que le budget total des centres sanitaires et de prévention. » Mark Pocan et Barbara Lee, membres démocrates de la Chambre des représentants
Au sein de l’aile gauche du Parti démocrate, inquiétudes et critiques s’accroissent après les récents renoncements d’un plan bipartisan sur les infrastructures – le projet d’augmentation de l’impôt sur les sociétés de 21 % à 28 % y a été tout simplement biffé. À elle seule, l’augmentation des dépenses militaires programmée est sur un an « 1,5 fois plus importante que le budget total des centres sanitaires et de prévention » contre la pandémie de Covid-19, s’insurgent dans une déclaration commune Mark Pocan et Barbara Lee, membres démocrates de la Chambre des représentants.
Un budget historique de 752,9 milliards de dollars
La hausse des dépenses pour les armes nucléaires contribue pour une bonne part à l’augmentation de 11 milliards de dollars du projet de budget consacré aux armées et à leurs engins de mort. Soit un niveau historique de 752,9 milliards de dollars, qui pulvérise les records déjà atteints ces quatre dernières années.
La « modernisation » de l’arsenal nucléaire obéit à une logique extrêmement périlleuse. Elle est en effet en bonne partie destinée à l’élaboration d’armes dites de « plus faible puissance » (lower field), qui rendraient leur usage plausible sur un éventuel champ de bataille. En rupture donc avec les principes de la dissuasion nucléaire fondés sur un non-usage des armes atomiques par crainte d’un anéantissement réciproque. Lors du lancement du processus en 2018, Trump avait soulevé un tollé et avait été accusé, à juste titre, de se comporter comme un docteur Folamour justifiant le recours d’une éventuelle « frappe nucléaire en premier » contre un adversaire sans risquer l’apocalypse en retour.
Miniatures mais monstrueux
La « modernisation » reprise à son compte par l‘équipe Biden suppose la poursuite de la mise au point de missiles dits « miniaturisés » tirés depuis des sous-marins, dont la puissance ne permettrait certes pas, selon les spécialistes, de vitrifier des métropoles entières, mais serait tout de même équivalente à celle de la… bombe d’Hiroshima.
C’est la gabegie de dépenses militaires sur le long terme qui inquiète le plus les progressistes états-uniens. La « modernisation » des arsenaux nucléaires répond en effet à la nécessité d’une programmation sur au moins une décennie. L’Association pour le contrôle des armes a calculé que cela induit un surcroît de dépenses militaires de quelque 634 milliards de dollars (510 milliards d’euros) sur les dix prochaines années.
De plus, ce type de décision risque d’aiguiser dangereusement les tensions internationales. Elle devrait conduire Russie et Chine à répliquer dans la course aux armes nucléaires de toutes sortes. Moscou et surtout Pékin ont été présentés en juin lors des sommets de l’Otan et du G7 comme les ennemis d’un Occident dont Joe Biden s’est proclamé le guide.
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