Le pré-sommet de l’ONU sur les systèmes alimentaires se tient en Italie jusqu’au 28 juillet. Il fait la part belle aux géants agro-industriels pour répondre aux enjeux d'insécurité alimentaire. 500 organisations contre-attaquent.
Ce sommet ne se fera « pas en leur nom ». Depuis le 26 juillet, ils se relaient au Nord comme au Sud pour faire entendre leur voix, celle du droit à l’alimentation et de la souveraineté alimentaire. En physique et en virtuel, 500 organisations de la société civile, de paysans, de pêcheurs, mais aussi de scientifiques et de peuples autochtones organisent un contre-sommet. En réaction à l’officiel.
Celui-ci se tient à Rome, jusqu’au 28 juillet, sous le nom de « pré-sommet sur les systèmes alimentaires ». Il prépare celui qui doit se tenir en septembre, à New York. L’objectif de ce rendez-vous : fournir une « panoplie de solutions » pour éliminer la faim en 2030, comme l’a fixé la communauté internationale.
Le constat est là, partagé par tous : la faim dans le monde s’aggrave « pour la sixième année consécutive et la pandémie est passée par là », souligne Valentin Brochard, chargé de plaidoyer souveraineté alimentaire du CCFD-Terre solidaire. 9 % de la population mondiale est sous-alimentée, 2,4 milliards d’individus sont en insécurité alimentaire, et les premières victimes sont des petits producteurs. Mais, pour répondre à ces enjeux, le sommet international, rebaptisé « sommet des peuples » pour l’occasion, pourrait donner les clés du camion aux multinationales.
« L’enjeu est colossal »
Pour la première fois depuis le premier sommet de l’alimentation en 1996 à Rome, cette édition 2021 n’a pas été demandée par les États. Mais par le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, à l’automne 2019, après avoir signé un partenariat avec le Forum économique mondial, soit les 1 000 plus grandes entreprises mondiales.
Pour les ONG, « l’enjeu est colossal. Ce sommet est un ovni, ce n’est pas un État égale un vote. Il y a un vrai risque d’accroître encore l’emprise du système agro-industriel », pointe Geneviève Savigny, membre de la Confédération paysanne et de la coordination européenne Via Campesina.
En la matière, rien n’est venu dissiper les craintes des 500 organisations réunies dans la plateforme Foodsystem4people (un système alimentaire pour les peuples). Et surtout pas la nomination de l’envoyée spéciale de l’ONU, Agnes Kalibata, ancienne ministre de l’Agriculture rwandaise mais aussi présidente de l’Alliance pour une révolution verte en Afrique (Agra), une initiative émanant de la Fondation Bill-et-Melinda-Gates.
Des fausses solutions
« Depuis le début, toutes les modalités, les axes de travail sont dictés par les organisations privées », reprend Geneviève Savigny. Seuls 12 États, dont la France, ont été associés à l’organisation. Une petite partie de la société civile a fini par l’intégrer. Mais « ils ont choisi ce qu’ils appellent un “réseau de champions”, ils étaient les derniers invités et tout était imposé », continue Valentin Brochard, du CCFD-Terre solidaire. À tel point que deux anciens rapporteurs spéciaux pour le droit à l’alimentation, dont Olivier De Schutter, et celui en poste, Michael Fakhri, se sont inquiétés dans une tribune en mars dernier « du manque de multilatéralisme ».
Les solutions mises en avant sont encore plus inquiétantes : le sommet s’articule autour de cinq grands « domaines d’actions » pour trouver des « game changing solutions » (des solutions qui changent la donne). Un langage qui fleure bon le marketing. Au cœur de la réponse : des fausses solutions comme l’« agriculture régénératrice ». « Derrière, il y a toutes les technologies : numérisation de l’agriculture, viande in vitro, drones pulvérisateurs, les OGM. Ce n’est qu’une manière de confirmer un modèle agro-industriel qui fait la démonstration de son échec. Mais l’enjeu pour réduire la faim dans le monde, ce n’est pas de produire plus, c’est de réformer les systèmes alimentaires en assurant un revenu décent pour ceux qui cultivent et de promouvoir une véritable souveraineté alimentaire », reprend Valentin Brochard. Et pas de nouveaux marchés à prendre pour les multinationales.
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