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29 juillet 2021 4 29 /07 /juillet /2021 13:26

 

Pour l’économiste, si le prix du carbone est l’un des instruments économiques centraux pour réduire les émissions, il ne peut sûrement pas être fixé par un marché, comme la Commission européenne le préconise.

En quoi les marchés « carbone » sont-ils voués à l’échec ?

Dominique Plihon Comme tous les marchés financiers, ils sont caractérisés par l’instabilité et la spéculation et sont donc incapables de fixer le prix du carbone. Or, ce dernier est une variable politique importante : à l’échelle de l’Europe, c’est ce qui peut guider les comportements et les politiques des acteurs privés et publics pour la réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre. Laisser fixer ce prix par un marché est voué à l’échec, comme le démontre l’expérience récente. Car ce marché existe en Europe depuis 2005 : des permis de polluer sont émis chaque année, ils correspondent à un budget carbone global.

Le prix du carbone n’a cessé de fluctuer et est resté à des niveaux très bas : 24 euros la tonne en 2019, 15 euros en 2018, il est descendu jusqu’à 5 euros en 2016. Selon les travaux du Giec, il faudrait atteindre des niveaux supérieurs à 100 euros la tonne de carbone pour respecter la trajectoire de réchauffement globale à + 2 °C.

Ceux qui en profitent, ce sont les grandes entreprises, les PME y perdent. Les grands sites de sidérurgie ou de l’automobile obtiennent des permis de polluer, des quotas de CO2, gratuits. Ils ont pu vendre leur excédent… Ils paient finalement très peu de taxes carbone. C’est un système instable, injuste et inefficace. Le projet de la Commission de l’étendre à d’autres secteurs est un mauvais choix qui ne pourra favoriser la transition nécessaire vers une société décarbonée.

Comment devrait être fixé ce prix du carbone ?

Dominique Plihon Par les pouvoirs publics, en donnant une trajectoire pour le futur. Ce prix est destiné à augmenter, il doit orienter la fiscalité mais aussi les mesures de politiques publiques (aides, réglementation…). La Suède est un bon exemple en la matière : le carbone y est à plus de 120 euros la tonne et c’est le pays qui a le plus réduit ses émissions de CO2. À partir des années 1990, le pays a programmé l’évolution à moyen-long terme du prix du carbone, couplée avec une réforme de la fiscalité comprenant un important volet écologique. La baisse globale des émissions résulte entre autres de la réduction des émissions dues au chauffage des bâtiments, réalisée grâce aux rénovations massives qui ont réduit la consommation globale et ont fait disparaître le chauffage au fioul, au GPL et au gaz, dont la part reste toujours importante en France. La Suède a introduit une planification écologique, et ne s’est pas fiée au marché carbone.

Comment la planification écologique peut-elle résoudre cette équation ?

Dominique Plihon On ne pourra réussir la transition sans une vision de long terme. Elle implique des changements considérables – je parle de ruptures – dans tous les domaines : la consommation des ménages, la production des entreprises, les politiques publiques menées par les collectivités sur les transports ou les bâtiments. Tout cela doit s’inscrire dans le cadre d’une planification, un ensemble de mesures coordonnées, mais aussi discutées avec tous les partenaires économiques et sociaux.

La France a eu une planification après la Deuxième Guerre mondiale, le pays avait un plan indicatif à cinq ans – il faudrait sans doute un horizon plus long – pour reconstruire l’appareil productif détruit. Aujourd’hui, il doit être reconfiguré pour être conforme aux exigences climatiques. La planification écologique doit aussi permettre l’acceptabilité sociale. Sur le prix des carburants ou la facture de chauffage, les citoyens ne sont pas touchés de la même manière : les plus pauvres sont aussi les plus dépendants du transport individuel. À l’inverse, les plus riches, entreprises ou citoyens, qui polluent plus par euro gagné, contribuent le moins en proportion de leur richesse.

La transition ne sera acceptée qu’à condition qu’elle soit juste et que des solutions alternatives soient proposées : on ne peut augmenter la facture de carburant ou de chauffage ou interdire les moteurs thermiques, sans, par exemple, rendre ces véhicules accessibles via des subventions et des transports collectifs de réelle substitution.

 

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