Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
4 juillet 2021 7 04 /07 /juillet /2021 09:46
Côtes d'Armor - la Coop des masques, une coopérative calibrée pour l'après - Audrey Loussouarn, L'Humanité, 3 juillet 2021
La Coop des masques, une coopérative « calibrée pour l’après »
Samedi 3 Juillet 2021

Lancée en plein confinement par des syndicalistes, cette société coopérative d’intérêt collectif basée dans les Côtes-d’Armor tourne à plein régime et déploie ses produits dans le bassin breton grâce à ses 23 salariés. Reportage

 

Dans la zone industrielle de Grâces (Côtes-d’Armor), près de Guingamp, une pelleteuse rompt le ronronnement des allées et venues des camions. Sa mission : adapter l’entrée des locaux de la toute jeune Coop des masques pour ses livraisons de matières premières. Une des dernières étapes d’une immense réhabilitation du bâtiment de 5 000 m2 pour cette société coopérative d’intérêt collectif (Scic), composée de cinq collèges de sociétaires.

Dans « la guerre du feu »

À l’intérieur, non loin de bureaux encore vides, les salariés – 23 au total –, blouses blanches sur le dos et masques (maison, naturellement) au visage, font tourner depuis novembre dernier les deux machines venant tout droit de Saint-Étienne et occupant un infime espace au milieu des nombreux stocks des deux types de masque produits, FFP2 et chirurgicaux. À quelques mètres d’eux, une partie du hangar finit d’être monté. Il accueillera, le 6 juillet, une nouvelle machine : celle qui permettra dès septembre de fabriquer le tissu filtrant « meltblown », jusqu’ici non produit en France.

Un aboutissement pour la Scic « bretonne et solidaire », dont l’origine remonte à mars 2020 alors qu’éclate la crise sanitaire. Le syndicat Solidaires Côtes-d’Armor dénonce la fermeture et la délocalisation en Tunisie, en 2018, de l’usine de masques Honeywell à Plaintel et défend l’idée de créer une Scic. Des organisations (Attac, CGT, FSU, Confédération paysanne…) participent à la mobilisation, vite rejointes par des citoyens. Guy Hascoët, aujourd’hui à la tête de ce collectif de sociétaires, observe à ce moment-là, sidéré, « la guerre du feu déjà lancée » : la commande française de masques est alors détournée par les Américains sur un tarmac. L’ex-secrétaire d’État à l’Économie solidaire sous Jospin veut agir. Hasard, le lendemain, il est sollicité pour participer à ce projet. Mi-juin, la Coop des masques est créée.

Icon QuoteOn est devenus une famille. Il y a un sens à se lever le matin. Personne n’est sur notre dos pour évaluer notre rendement, on participe aux réunions et on sait tout. Nourdin

Achat du bâtiment, puis des machines et du stock, recrutement, travaux, installation des machines… Tout va très vite. Les salariés se souviennent du hangar « vide », de la mise en route puis de l’inquiétude à la vue des stocks qui s’accumulent en attendant la certification qui tarde à arriver. Ces derniers, dont la plupart étaient salariés ou intérimaires du secteur de l’agroalimentaire, parlent aujourd’hui, sourire aux lèvres, d’une « belle aventure ». « On est devenus une famille. Il y a un sens à se lever le matin. Personne n’est sur notre dos pour évaluer notre rendement, on participe aux réunions et on sait tout », s’enthousiasme Nourdin, qui, comme les autres, a acheté cinq parts de la Scic à son arrivée.

Une conquête, pas à pas

Douze salariés sont actuellement en phase de recrutement. Le but : atteindre l’objectif annuel de 45 millions de masques produits. Un chiffre « raisonnable » pour assurer une production pérenne, soulignent les membres de la Scic, qui a fixé un minimum d’achat à 2 000 masques par commande.

« Depuis le début, on est partis sur l’idée d’être calibrés pour l’après », explique Guy Hascoët. La Coop des masques fournit désormais l’hôpital de Guingamp et 21 catégories de métiers en Bretagne. « Une conquête », pas à pas, encore difficile parfois quand il s’agit de convaincre les supermarchés et les pharmacies ou quand les marchés publics privilégient le critère du prix sur ceux du local et de la qualité. 

Économie sociale et solidaire. La Coop des masques, « une histoire inspirante»
Vendredi 2 Juillet 2021

Un an après la création de la société, le collectif Plus jamais ça ! est venu constater la réussite de cette aventure sociale.

 

Grâces (Côtes-d’Armor), envoyée spéciale.

À peine passée la pelleteuse qui retape l’entrée du bâtiment, la troupe des Plus jamais ça ! enfile une blouse blanche ­jetable. Au milieu des stocks de matières premières destinés à la fabrique de masques FFP2 et chirurgicaux, les membres du collectif d’organisations (Greenpeace, CGT, Attac, Confédération paysanne, FSU, Amis de la Terre, Solidaires) ont le sourire en ce 24 juin : ces dernières sont à l’origine de la mobilisation pour la création de cette toute jeune Coop des masques, logée au cœur de la zone industrielle de Grâces  (Côtes-d’Armor).

Objectif : produire 45 millions d’unités par an

Les débuts de la société coopérative ­d’intérêt collectif (Scic) « bretonne et solidaire », qui aujourd’hui réunit 23 salariés, remontent à mars 2020 alors qu’éclate la pandémie. Solidaires Côtes-d’Armor dénonce alors le « scandale d’État » que sont la fermeture et la délocalisation en Tunisie, en 2018, de l’usine de masques Honeywell, à Plaintel, et appelle à la création d’une coopérative pour reprendre l’activité. « Le gouvernement est alors empêtré dans ses contradictions. Face à l’incurie, il fallait une mobilisation », explique Serge Le Quéau, de Solidaires 22. Attac fait dès lors office de « fédérateur » entre les organisations, explique le syndicaliste. Un comité ­national de soutien à la Scic se crée, une pétition est lancée et les citoyens se mobilisent. « Pourquoi on a soutenu ce projet ? Vu le résultat, ça paraît évident ! On était, nous, en train de monter le collectif Plus jamais ça ! Et cette coopérative, c’est une initiative très concrète de ce que nous défendons », adoube Simon Duteil (Solidaires). En janvier, les représentants des organisations signaient une tribune dans le JDD, avec un mot d’ordre : « Il n’y aura pas d’emplois sur une planète morte. » Le collectif s’attable ensuite autour d’un « plan de sortie de crise » du Covid. « On vient de cultures et de combats différents et on trouve de plus en plus de points communs. On est aussi de plus en plus francs sur nos désaccords », observe aujourd’hui Cédric Gervet, de Greenpeace France. Les membres multiplient depuis les propositions et les visites sur le terrain. Site de la raffinerie de Total à Grandpuits, ferme bio en Loire-Atlantique, papeterie de Chapelle Darblay… Là aussi, le problème est bien le « besoin ­d’engagement de l’État », selon Marie ­Buisson (CGT), qui parle d’aller au-devant de « solutions qui passent par l’expérience des travailleurs qui connaissent le mieux les bonnes conditions de fabrication, la manière de s’organiser… ». Le leitmotiv : être sur « des histoires inspirantes, afin de formuler des propositions irriguant le débat public », complète Cédric Gervet.

La Coop des masques en est un parfait exemple. Depuis sa mise en route en novembre, après une création en quatrième vitesse dès la mi-juin, les deux machines, impressionnantes d’efficacité – et fabriquées à Saint-Étienne –, tournent à plein régime. L’objectif : produire 45 millions de masques par an avec l’idée d’être ­calibré pour « l’après », en ne misant pas sur le « besoin éphémère » et en approvisionnant des secteurs professionnels qui n’ont « plus envie de se retrouver à cours de masques », explique Guy Hascoët, à la tête des ­sociétaires. Dans le lot, l’hôpital de ­Guingamp­, mais aussi plus largement 21 catégories de métiers en Bretagne (­sanitaire et social, agroalimentaire, énergie, etc.). « Souveraineté alimentaire et souveraineté sanitaire ont la même logique. Ici, il y a des actes. On crée de l’emploi et on produit des masques pour le territoire », s’enthousiasme Nicolas Girod (Confédération paysanne). Douze salariés sont en phase de recrutement. Notamment pour encadrer la machine installée le 6 juillet qui fabriquera, dès septembre et 24 heures/24, le tissu filtrant « meltblown », jusqu’ici non produit en France. Pour Alma ­Dufour (Amis de la Terre), si « la pandémie a forcé tout le monde à se poser la question de l’origine de la production » et si « le gouvernement a juré qu’il allait relocaliser la production », « les actes ne suivent pas » : « Les masques qui concurrencent la Scic viennent de Chine, dont le mix électrique est extrêmement dépendant du charbon. Il y a donc un vrai lien entre relocalisation et environnement, un moyen de réconcilier aussi social et écologie. »

« Ce modèle de production est une réponse à la crise »

Tous relèvent l’ « utilité » de ces structures, mais aussi leur « fragilité » alors que la Coop démarche « un à un » les ­potentiels acheteurs. « Il y a des luttes à mener pour que les décideurs locaux privilégient ces masques et ne mettent pas seulement en avant le critère du prix », estime Marie Buisson (CGT). Pour Benoît Teste (FSU), germe alors l’idée de tenter de « peser sur les grandes centrales d’achat et sur la manière dont sont passés les ­marchés publics ». « Ça pourrait être une ­traduction concrète de notre visite », conclut-il. Au milieu des 5 000 m2 autrefois occupés par la coopérative ouvrière AOIP, la plus grande dans les années 1970-1980, les salariés partagent avec eux leur passage, pour une grande partie d’entre eux, du secteur de l’agroalimentaire à cette Scic. Pour Youlie Yamamoto (Attac), ce « modèle de production est vraiment une réponse à la crise par une réappropriation des moyens de production », alors que la Scic se compose de cinq collèges de sociétaires et que chaque salarié achète cinq parts dès son arrivée. Et justement, ces derniers, donc la Coop, sont déjà en pleine réflexion pour la suite : travailler à la recyclabilité de leurs masques. 

Partager cet article
Repost0

commentaires

Présentation

  • : Le chiffon rouge - PCF Morlaix/Montroulez
  • : Favoriser l'expression des idées de transformation sociale du parti communiste. Entretenir la mémoire des débats et des luttes de la gauche sociale. Communiquer avec les habitants de la région de Morlaix.
  • Contact

Visites

Compteur Global

En réalité depuis Janvier 2011