Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
13 juin 2021 7 13 /06 /juin /2021 05:37

 

L’Exposition coloniale internationale s’est tenue à Paris, du 6 mai au 15 novembre 1931, pour « présenter les produits et réalisations » des colonies. Seuls les communistes, l’Humanité et certains artistes dénoncèrent l’événement.

Il a fière allure, le maréchal Lyautey, ce mercredi 6 mai 1931, lorsqu’il inaugure la grande Exposition coloniale internationale (c’est son titre complet). À ses côtés, le président de la République Gaston Doumergue, dont ce sera la dernière apparition officielle. Plus une pléiade d’officiels venus de tous les pays colonisateurs (sauf le Royaume-Uni) et quelques représentants (muets et résignés) des « indigènes ».

Au terme d’un vaste chantier, l’Exposition regroupa, sur un espace de 110 hectares, entre la porte de Reuilly et le bois de Vincennes, plusieurs dizaines de pavillons (dont une reproduction grandeur nature du cœur du temple d’Angkor-Vat), plus le Palais permanent, orné d’une gigantesque fresque, œuvre réalisée sous la direction du sculpteur Alfred-Auguste Janniot. Une très haute statue dorée, représentant la France apportant la civilisation à ses colonies, trônait en haut des marches.

C’est que la France officielle, alors, est en plein dans l’ère des certitudes : nous avons « pacifié » des régions entières, nous y avons apporté la « civilisation », les populations noires, jaunes, brunes, nous sont reconnaissantes… Pour donner de la véracité à l’ensemble, les autorités mobilisèrent des « indigènes » chargés de reproduire des scènes de la vie professionnelle – forgerons, pêcheurs, cordonniers, brodeurs... – et artistique – danseurs, musiciens, bijoutiers... Il y eut également de nombreux soldats réquisitionnés. En tout, de l’ordre de 2 500 figurants dans des jeux de rôle. Enfin, sans se douter du caractère vexatoire de cette initiative, le zoo de Vincennes fut inauguré en même temps que l’Exposition. Même si l’exhibition des Kanak au Jardin d’acclimatation, exactement contemporaine, ne peut être reprochée aux organisateurs de la grande Exposition, il reste que bien des spectateurs visitèrent les deux… et que souvent ils ne firent guère la différence.

Rien ne fut épargné pour faire de l’Exposition un grand moment festif. Chaque soir avait lieu un spectacle, style son et lumière, avec défilés d’« indigènes » en « costumes exotiques ». Les scènes parisiennes programmèrent toutes des spectacles. Comble de la confusion, Joséphine Baker, native du Missouri, fut même proclamée « reine des Colonies ».

Condescendance, paternalisme, ces autres expressions du racisme

Toutes les instances de l’appareil d’État, dont l’éducation nationale, se mobilisèrent pour assurer un grand succès à l’Exposition. La quasi-totalité de la presse – l’Humanité faisant figure de seule exception – appela les Français à venir mesurer l’ampleur de « l’œuvre civilisatrice sur 11 millions de kilomètres carrés, vingt-deux fois le territoire de la métropole ». Comble de félicité, ces colonies étaient également un apport considérable à notre économie.

Le résultat fut à la mesure de cet immense travail de propagande. Les travaux d’historiens ont depuis longtemps établi que de l’ordre de 8 millions de visiteurs s’y rendirent, soit un Français sur cinq, ce qui la place, aujourd’hui encore, comme le second succès populaire de l’histoire des expositions en France (après celle de Paris en 1900). Durant six mois, les « Français moyens » ont pris le chemin, parfois à plusieurs reprises, du bois de Vincennes. Certains venaient de loin, comme ce petit garçon venu de Sète avec ses parents, un certain Georges Brassens. Certains avec étonnement, d’autres avec amusement, mais quasiment tous avec condescendance, paternalisme, ces autres expressions du racisme. Qu’importait, pour le « parti colonial », alors à l’offensive. Le ministre des Colonies, Paul Reynaud, trouva les mots justes : « Aujourd’hui, l’idée coloniale s’est emparée des colonnes des grands journaux ; l’opinion publique s’est enfin éveillée. Elle ne sera pas l’opinion publique d’avant » (7 juin 1931).

Les « élites » de la nation participèrent à cette autoglorification. Un temps, Paris, fut la capitale économique, intellectuelle et culturelle du monde colonial. Il s’y tint près de deux cents congrès et rencontres, de la Confédération des travailleurs intellectuels aux chambres de commerce et d’agriculture, en passant par l’Alliance française.

Qui brisa ce consensus ? On sait, par quelques rapports de police, qu’il y eut des manifestations, vite réprimées, de colonisés, en particulier de Vietnamiens. D’autre part, quelques intellectuels anticonformistes (André Breton, Paul Éluard et les autres surréalistes) imprimèrent un tract incendiaire : « Ne visitez pas l’Exposition coloniale ! »  Ils se joignirent également aux communistes pour organiser une contre-exposition anti-impérialiste, place du Combat, aujourd’hui du Colonel-Fabien.

 

Partager cet article
Repost0

commentaires

Présentation

  • : Le chiffon rouge - PCF Morlaix/Montroulez
  • : Favoriser l'expression des idées de transformation sociale du parti communiste. Entretenir la mémoire des débats et des luttes de la gauche sociale. Communiquer avec les habitants de la région de Morlaix.
  • Contact

Visites

Compteur Global

En réalité depuis Janvier 2011