Fabien Roussel entre pour de bon dans l’arène présidentielle après le vote des adhérents du PCF le 9 mai. Déterminé à être « le candidat du monde du travail, des classes populaires comme des classes moyennes », le député communiste du Nord veut, face aux droites LR, LaREM et à l’extrême droite, imposer les questions sociales, l’humain et la planète au centre des débats. Entretien.
Fabien Roussel D’abord, en mobilisant l’incroyable force que nous représentons toutes et tous. Ceux qui ont participé à ce choix, comme ceux qui ne l’ont pas fait mais qui veulent bousculer ce scénario qu’on veut nous imposer, en 2022, entre le président sortant et l’extrême droite. Au Parti communiste, nous venons de débattre pendant plusieurs mois et nous avons voté trois fois : c’est un exercice démocratique sans précédent dans d’autres forces politiques. Mais nous ne nous arrêterons pas là.
Emploi, industrie, jeunesse, santé, climat… nous voulons ouvrir tous ces chantiers et bien d’autres avec le plus de Françaises et de Français possible, dans les mois qui viennent, pour écrire avec eux un pacte pour la France. Nous voulons que des millions d’entre eux s’engagent avec nous sur toutes ces questions, pour les mettre au cœur de la campagne, les rendre incontournables. Et faire en sorte que tous les autres candidats se prononcent sur les propositions indispensables au changement tant attendu par nos concitoyens.
Je veux contribuer à refonder une gauche qui porte un nouvel espoir pour reconquérir tousnos concitoyens qui n’y croient plus. C’est ainsi que la gauche pourra redevenir majoritaire.
Fabien Roussel D’abord ça bouge ! Je suis heureux de voir qu’enfin des commentateurs de la vie politique commencent à dire que tout est possible. Il existe un tel rejet du scénario Macron-Le Pen que des surprises pourraient apparaître. L’enjeu pour nous, à gauche, c’est de faire surgir dans cette campagne toutes celles et tous ceux qui ont soif de changement, de rupture, qui veulent en finir avec le chômage et la pauvreté, défendre leur pouvoir d’achat, leurs emplois, leurs services publics. Du côté de la finance, ils sont ultraminoritaires en nombre de voix, il est possible de leur reprendre le pouvoir.
Fabien Roussel Bien sûr, il faut créer cet espoir. Mais il est quand même plus ambitieux que chacun d’entre nous, à gauche, se fixe l’objectif d’être au second tour, non pas pour soustraire des voix aux autres, mais pour en conquérir de nouvelles. Nous ne sommes pas identiques, nous ne proposons pas la même ambition pour le pays, les mêmes priorités pour le changement, ni les mêmes moyens pour y parvenir. Je veux contribuer à refonder une gauche de rupture avec le capitalisme en plaçant l’humain et la planète au cœur de tous les choix, une gauche qui porte le projet d’une nouvelle République sociale, démocratique, écologiste, féministe, antiraciste, un nouvel espoir pour reconquérir tous nos concitoyens qui n’y croient plus. C’est ainsi que la gauche pourra redevenir majoritaire.
Doubler le budget de l’éducation nationale, augmenter de 50 % celui des universités, mettre fin à la sélection, financer un revenu étudiant autour de 850 euros. Il faut des moyens énormes pour notre jeunesse.
Fabien Roussel Cette candidature vise à faire émerger des idées, des propositions, à les faire gagner, et donc à redonner du sens à un vote de gauche sincère et authentique. Cela ne ferme pas de portes, ça en ouvre. C’est dans le même esprit que j’affiche dès maintenant l’objectif qu’il y ait le maximum de députés de gauche à l’Assemblée nationale et, parmi eux, de députés communistes. Nous menons continuellement le débat à gauche, comme en ce moment pour les élections départementales et régionales, ce qui nous conduit d’ailleurs à être unis dans beaucoup d’endroits. Les législatives comptent 577 circonscriptions avec des contextes très différents, nous avons un immense travail à organiser avec nos concitoyens, localement, pour faire en sorte que, partout, la gauche sorte renforcée.
Fabien Roussel Je ne vais pas mener campagne avec le nez sur les sondages. L’objectif, c’est de faire le score le plus élevé possible, mais aussi de rendre incontournables les idées que nous défendons, et de créer les conditions de nouvelles avancées sociales et démocratiques. Tout comme le score de Georges Marchais en 1981 avait non seulement permis la victoire de la gauche au second tour, mais avait aussi imposé un certain nombre de conquêtes sociales.
Fabien Roussel À l’élection présidentielle comme aux législatives, nous voulons être les candidats du monde du travail, des classes populaires comme des classes moyennes. Et de la jeunesse ! Cette campagne ne doit pas n’être qu’un moment où l’on vote, elle doit aussi être un moment où l’on lutte. N’attendons pas avril 2022 pour imposer l’arrêt des délocalisations qui suppriment des emplois et menacent le climat avec pour seul objectif la rentabilité pour les actionnaires. Pour développer les services publics, sortir la santé des mains du marché et des laboratoires pharmaceutiques.
Lançons une grande campagne pour nous libérer du poids de la finance, faire jouer un autre rôle aux banques et aux assurances, obtenir des prérecrutements dans la santé, l’éducation nationale. Permettons ainsi à des centaines de milliers de jeunes de se former et d’avoir une perspective d’emploi. Il s’agit aussi de répondre à cette aspiration à pouvoir vivre de son travail, d’obtenir la baisse des factures de gaz et d’électricité, des loyers, l’augmentation générale des salaires, depuis trop longtemps gelés, brimés, mis sous l’éteignoir. N’attendons pas 2022, ces idées doivent devenir incontournables.
Cette crise a montré que la question n’est plus “où est l’argent ?”, mais “à quoi est-il utilisé ?”. Il doit être investi dans l’emploi, l’enseignement l’écologie... Cela créera de nouvelles richesses.
Fabien Roussel La question de « l’argent magique », du manque de moyens, a été complètement battue en brèche par la pandémie. Le gouvernement et l’Union européenne ont remis en cause pour partie leurs propres dogmes dans une situation d’urgence comme celle que nous vivons. La planche à billets a tourné. Mais, pour eux, cela doit conduire à plus d’austérité demain ! La droite, Macron, l’extrême droite vont nous dire qu’il faut payer la dette en travaillant plus, en faisant des économies sur nos services publics, en continuant à privatiser.
Pourtant cette crise a montré que la question n’est plus « où est l’argent ? », mais « à quoi est-il utilisé ? ». Il doit être employé pour investir dans l’enseignement, la formation et l’emploi, dans la transition écologique. Cela créera de nouvelles richesses ! La dette liée au Covid doit être annulée. Au-delà, un autre partage des richesses, aujourd’hui très majoritairement au service des plus riches et du capital, est indispensable. C’est possible notamment par une autre utilisation de l’argent des banques, des entreprises et de l’argent public. Je porterai une réforme de la fiscalité sur les multinationales, sur le capital, sur les grandes fortunes, sur les transactions boursières. Je mènerai aussi le combat pour un président de la République et un gouvernement incorruptibles face à l’évasion fiscale. Je souhaite être l’Eliot Ness de la lutte contre ce fléau, celui qui ne négociera pas avec les voleurs et les tricheurs.
Fabien Roussel C’est la donne qui a changé naturellement, par pragmatisme. Parce que si nous voulons lutter contre les énergies fossiles et les réduire le plus possible, il nous faut augmenter la production d’énergies renouvelables, mais aussi la production d’énergies pilotables et décarbonées. Une grande majorité de nos concitoyens, d’acteurs des ONG que j’ai rencontrés, des chercheurs, des salariés, des syndicats estiment aujourd’hui que, face à l’urgence climatique, nous allons avoir encore besoin de l’énergie nucléaire.
Mais surtout nous avons besoin d’une maîtrise publique, seule garante, même pour les renouvelables, du respect de la planète. Quant à notre image, en réalité, les communistes ont souvent été à la pointe de ces combats, en particulier dans les politiques des communes et du département du Val-de-Marne que nous dirigeons, où nous sommes en tête de l’action pour la production d’énergies décarbonées, sur le développement des transports en commun écologiques et de la lutte pour leur gratuité.
Fabien Roussel La jeunesse était déjà particulièrement en difficulté, mais la crise a montré que le gouvernement l’a définitivement abandonnée. Or, les séquelles de cette crise seront profondes. Six jeunes sur dix sont en détresse psychologique. La jeunesse de France est sous antidépresseurs. C’est pourtant l’avenir de notre pays, ce sont nos enfants. Nous voulons leur garantir les meilleures conditions de formation, de la primaire à l’enseignement supérieur ; la liberté d’avoir un travail à temps plein et bien payé en fonction de leurs diplômes.
Pour cela, c’est incontournable, il va falloir y consacrer des moyens énormes : quasiment doubler le budget de l’éducation nationale, augmenter de 50 % celui des universités, mettre fin définitivement à la sélection, financer un revenu étudiant autour de 850 euros pour que chacune et chacun puisse apprendre à égalité, quels que soient son origine sociale et son lieu d’habitation…
Ces propositions, nous voulons leur soumettre, que les jeunes, dans toutes les villes et les villages, prennent le stylo et qu’ils soient les auteurs de ce que la France doit mettre en œuvre pour eux et avec eux. Nous ouvrirons aussi ces espaces de discussion aux enseignants, aux élus locaux, aux syndicats, à la vie associative, à l’éducation populaire… Nous devons avoir une ambition démesurée pour notre jeunesse.
C’est trop facile de la part du président de dire que la levée des brevets ne sert à rien.
Fabien Roussel Je veux engager une révolution féministe de la société, placer la laïcité au cœur d’une nouvelle République et en finir avec le racisme, l’antisémitisme et toutes les discriminations. Le combat pour l’égalité des droits devrait rassembler la gauche. Je fais une différence entre les débats et les invectives. Et je regrette que certains y cèdent. Ce procès en islamo-gauchisme n’a pas à exister à gauche.
Ces mots sont les mêmes que ceux qu’employait déjà l’extrême droite soixante-quinze ans en arrière, en parlant de judéo-bolchevisme. Nous aurions plutôt intérêt à conserver l’esprit de fraternité. Ces débats ont toujours existé, y compris aux États-Unis et au sein de ce grand mouvement des années 1970 pour les droits civiques.
Fabien Roussel Je me félicite du changement de braquet total du président de la République. La campagne que nous avons menée en France avec d’autres organisations, associations, syndicats, chercheurs n’y est pas pour rien. Elle a fait écho à la mobilisation internationale. Emmanuel Macron a bougé sous la pression mais, comme ce n’est pas sa conviction, soyons exigeants notamment sur l’attitude de la France à l’OMC, les 8 et 9 juin, lorsque cette décision devra être prise à l’unanimité.
Une autre question doit aussi nous mobiliser : celle des investissements pour former et adapter les outils de production pharmaceutiques en France et dans le monde. C’est trop facile de la part du président de dire que la levée des brevets ne sert à rien puisqu’on ne sait pas fabriquer les vaccins. Quel défaitisme ! Au contraire, mobilisons-nous pour former et embaucher, pour adapter les outils de production et être en capacité de produire les vaccins en France car ce combat contre la pandémie va durer des années.
CONSULTATION DES ADHÉRENTS DU PCF SUR LA STRATÉGIE PRÉSIDENTIELLE
Inscrits : 43 473 Votants : 30 190 (69,45 % de participation) Exprimés : 29 617
---------
Choix des options
Option 1
Présenter un candidat communiste : 21 337 voix, 72,40 %
Option 2
Travailler un processus commun avec les autres forces de gauche : 6 817 voix, 23,13 %
Abstention : 1 317, 4,46 %
---------
Choix du candidat
Fabien Roussel : 23 225 voix, 82,32 %
Emmanuel Dang Tran : 512 voix, 1,81 %
Grégoire Munck : 46 voix, 0,16 %
Abstention : 4 431, 15,70 %
commenter cet article …