Les communistes ont donc décidé de présenter une candidature communiste à l’élection présidentielle de 2022. Enfin ce retour. Pour quelle raison ? Parce que la profondeur de la crise exige d’avancer de façon créative les idées communistes novatrices avec la posture communiste de contestation et de construction, de luttes et de conquêtes de pouvoirs, d’avancées réalistes et révolutionnaires.
- Face à la précarité de masse et aux interrogations immenses sur la perte de sens du travail, voire des activités humaines, il y a besoin de refonder notre pays, voire le monde, et singulièrement la gauche, sur un projet émancipateur et de transformation sociale radicale. Il y a besoin de faire connaître, et progresser dans les luttes et les votes, les propositions constitutives d’un tel projet. En ce sens, nous avançons le projet d’une sécurité d’emploi et de formation pour chacune et chacun, jumelée avec un nouvel âge des services publics, afin de conjuguer vie émancipatrice sécurisée et construction d’un nouveau mode de production écologique. Il s’agirait de viser l’éradication du chômage, le dépassement du marché du travail, le partage des savoirs et une nouvelle efficacité, pour une société de liberté et de rotation des rôles.
Cela répond au mûrissement accéléré des consciences comme au mûrissement de la réalité travaillée par de véritables révolutions inédites dans l’histoire du genre humain, telles la révolution informationnelle – dont la dimension anthropologique est fondamentale – ou celle de la maîtrise démographique et de la sénescence, et bien d’autres encore comme la révolution monétaire.
– Il y a besoin de porter le débat, face aux renoncements incessants depuis 1983-84, sur la nécessité de moyens financiers et de pouvoirs démocratiques à l’appui d’objectifs sociaux-écologiques ambitieux qui, sinon, resteront lettre morte. Nous mettons au cœur de nos propositions un nouveau rôle des banques, pour une tout autre utilisation du crédit et de la monnaie, et un nouveau rôle des entreprises avec de nouveaux critères de gestion. Tous deux exigent de nouveaux pouvoirs populaires et des travailleur.se.s. Dans ces temps où des milliards sont déversés sur notre économie par la BCE plus que par les recettes fiscales des États, mais en armant les marchés financiers, nous proposons le chemin d’un combat de classe pour que cet argent, bien commun de tous les peuples d’Europe, soit utilisé pour l’emploi, les services publics et le climat, pas pour le capital. Dans ce temps où monte de partout l’idée d’une intervention de l’État dans l’économie (comme s’il n’y intervenait pas déjà massivement 1)
C’est autrement plus ambitieux, et donc réaliste, que les vagues propositions, de gauche comme du centre, sur « la finance » qu’il suffirait de taxer, ou pour annuler la dette comme une réponse magique à tous les problèmes posés par la domination du capital, ou encore pour nier que la dette publique puisse poser un problème, empêchant alors de voir tout le combat de classe à mener face aux marchés financiers et à leur logique sur l’utilisation de la dette et son financement. Nous ne sommes ni suivistes, ni annulationnistes, ni négationnistes. Pour appuyer toutes les luttes sectorielles pour une autre utilisation de la dette publique et un autre financement, nous avançons une proposition précise qui généralise la réponse à ces besoins : celle d’un Fonds national pour l’emploi, la formation et la transformation productive. Il vise l’exercice d’un pouvoir démocratique nouveau sur la création monétaire et sur les entreprises. Cette proposition se doublerait de celle d’un Fonds européen.
- Portons notre conception d’une nouvelle démocratie, en contestant le régime existant et ses évolutions. Portons l’idée de nouvelles institutions avec d’autres relations entre élus et citoyens et à visée autogestionnaire, dont notamment des conférences territoriales (des communes et de leurs communautés aux départements), régionales et nationales pour l’emploi, la formation et la transformation productive. Cela ouvrirait un chemin vers de nouveaux pouvoirs ne séparant pas le politique, du social, de l’économique. Il faut en effet relever le défi des réponses réactionnaires et autoritaires, voire dictatoriales, de toutes sortes mais aussi du simplisme d’une VIème République réduite à une république parlementaire classique, amendée d’un référendum citoyen. Nous avons l’ambition de changer de régime politique, social, économique et même international !
- Portons l’exigence de nouveaux rapports des humains à tout le système du vivant, à leur niche écologique, la terre. Il s’agit de transformer très profondément nos rapports sociaux et technologiques de production, de distribution, nos modes de consommation, nos institutions et rapports de pouvoir, à l’entreprise en particulier. Le « capitalisme vert » est un oxymore, une contradiction dans les termes, une illusion dangereuse, car la défense et la promotion de l’écologie exigent de donner la priorité aux capacités et à la créativité humaines. Ils ne peuvent se conjuguer avec une priorité à l’accumulation, les critères de rentabilité, les pouvoirs et la culture du capital. Libérer l’écologie de la logique de profit et de la dictature de l’argent exige une tout autre économie et de tout autres institutions démocratiques.
- Portons l’exigence d’une tout autre mondialisation, pour un monde de paix, de désarmement, de partage, de culture plurielle et commune, de développement des biens qui devraient être communs (emploi, santé, climat, connaissances et résultats des recherches…). Portons-la pour une contribution internationaliste de la France face à la fuite en avant dans l’intégration européenne et dans la folie d’un partage impérialiste du monde sous la coupe du dollar, de l’ordre de Wall Street et de ses supplétifs dont l’OTAN. Portons-la, pour une transformation radicale, une refondation de toute cette construction européenne mais aussi des institutions mondiales – alors qu’il y a tant besoin de coopérations nouvelles et intimes. Portons-la face à la violence des délocalisations comme face à la montée des nationalismes, des souverainismes. Portons-la face au besoin de réponses communes, de souveraineté populaire, face à des défis qui, comme le climat et les pandémies, ne connaissent pas de frontières. Portons-la en tendant la main à cette recherche de tant de peuples du Sud et des émergents pour de tout autres institutions mondiales, pour une mondialisation gagnant-gagnant face à l’ennemi commun : le grand capital financier. De nombreuses forces politiques et sociales dans le monde y sont disposées, tout particulièrement les communistes de tous les pays.
Faisons vivre notre solidarité avec les peuples qui résistent et luttent. Les marches en avant vers un dépassement du capitalisme pour une civilisation de partage de toute l’humanité et d’émancipation de chacun.e, le communisme, sont en pratique des luttes acharnées. L’ordre existant, en crise profonde, entend rester dominant, tandis que grandit l’appel à des règles, principes, critères d’une civilisation supérieure. C’est la recherche d’une société supérieure qui n’est pas encore communiste, dans un long affrontement historique partout dans le monde, un processus de transition socialiste.
- Pour une société de l’émancipation de toutes et tous, contre l’enfermement dans un rôle, un genre, une origine supposée, une religion ou une apparence… une société du droit à l’intervention pour toutes et tous. Portons l’idée d’une société qui allie développement de soi, dans sa singularité, et faire société. Une société de liberté et de dignité pour dépasser dans un même mouvement l’exploitation capitaliste et les dominations (patriarcale, raciste, LGBTIphobes, d’âge, ou culturelles), car exploitation et dominations se renforcent l’une l’autre.
Face aux forces conservatrices qui veulent masquer la lutte des classes et imposer une guerre de civilisations enfermées dans le capitalisme, la candidature PCF portera l’affirmation de notre refus des divisions racistes, de genre ou LGBTIphobes.
Une société où les définitions sociales ou sociétale de chacun-e ne pré-déterminent pas son parcours, sa place dans la société mais permettent de se construire soi-même avec les autres dans une universalité nouvelle.
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Au cœur de ces questions se situe l’exigence de conquérir des pouvoirs « sur l’économie » pour s’en libérer. Elle est objectivement incontournable. Mais elle se heurte à des contre-tendances délégataires, vers l’État ou vers les patrons, renforcées par la crise et par un certain désarroi des plus fragiles. De l’autre côté, voyons comment l’idée de pouvoirs nouveaux peut monter de la société à partir d’un souci éthique et anthroponomique sur l’économie (sens du travail, écologie, domination des GAFAM contre les libertés, évasion fiscale face au besoin de services publics…) à condition qu’il ne soit pas dévié vers de fausses pistes du « dé », comme la décroissance généralisée ou la démondialisation, ou encore du keynésianisme et de la sur-délégation vers un État « régulateur éthique ». Il s’agit d’aider à identifier les lieux (entreprises, banques) et la logique (rentabilité financière). Une piste majeure se situe du côté de la jonction avec les couches salariales non ouvrières – cadres, chercheurs, techniciens, enseignants, soignants – ou avec la jeunesse. Il s’agit aussi de conforter la prise de conscience du monde du travail dans ses capacités d’exercer des pouvoirs nouveaux.
Cette exigence concerne des luttes concrètes envers les entreprises, les banques, les services publics avec des contre-propositions. Elle exige des prises de pouvoir politiques (État, mais aussi départements ou régions) pour que ceux-ci créent des pouvoirs démocratiques nouveaux sur les entreprises, les banques et l’utilisation de l’argent. Elle exige des idées et une culture nouvelle.
Car ce n’est pas qu’une question de « volonté » ou d’une gauche qui « ne renonce pas ». C’est une question de fond. Exercer le pouvoir, c’est ne pas reproduire la logique du capital, même malgré soi. Nous connaissons l’exemple des nationalisations de 1982-83 qui, sans changer les critères de gestion des entreprises ni conférer de pouvoirs effectifs aux salariés sur la gestion, ont conforté la domination du capital. Nous savons aussi l’exemple de l’Union soviétique qui, à partir de son socialisme de rattrapage étatique autoritaire (SRE), nécessité par l’arriération russe, n’a pas su, pas pu ensuite inventer le chemin d’un développement véritablement alternatif à l’accumulation du capital, avec des critères d’efficacité nouveaux, décentralisés aux mains des travailleurs et des populations. Elle s’est trouvée vaincue, pour une large part, par sa propre crise d’efficacité économique inséparable de sa faillite démocratique.
Bref, un autre pouvoir, c’est bien plus que de dire « l’État est propriétaire ». Et d’ailleurs, dans la conjoncture actuelle, un bras de fer se profile où les dominants actuels cherchent à renforcer encore la pénétration de l’État dans l’économie et son appui au service du capital et de sa rentabilité. Ce que j’ai pu appeler la recherche d’une impossible nouvelle alliance État-capital, impossible, non pas comme alliance, mais comme nouveauté et comme issue à la crise. Ni super-CMES (capitalisme monopoliste d’État social), ni CME international. Mais plutôt toujours une hypothèse de nouvelles institutions de crise du CME. Des réformes conservatrices, plus encore que Necker et Turgot sous Louis XVI : changer pour ne rien changer ! Il faudra de ce point de vue poursuivre l’analyse de ce qui se cherche et se construit par le gouvernement Biden et par les institutions internationales (OCDE, FMI, etc.), notamment en matière de multinationales. Quelle conservation se cherche derrière ces changements ? Quelle pression sociale tellurique exprime-t-elle ? Quels obstacles vont être rencontrés ?
Or, face à la culture du capital et de sa rentabilité il faut du nouveau ! Et il faut faire le poids, en idées et dans les luttes. N’opposons pas les deux : les idées arment les luttes. Et la perspective peut donner passion, envie et donc courage aux luttes.
C’est dire l’importance que peut prendre cette revue, si cette question de prendre le pouvoir sur l’argent – et plus généralement sur l’économie, sur les banques et les entreprises – devient effectivement centrale. En lien avec la nouveauté du monde, que nous assumons pleinement ! Il va s’agir de donner chair à cette idée, qui n’est pas si neuve pour nos lecteurs mais qui l’est tant dans notre société. Il va s’agir de la populariser, d’en faire la pédagogie, de donner à voir les luttes qui cherchent dans ce sens.
L’économie, c’est très politique, comme le dit le nom de notre revue – sans s’y réduire bien sûr ! l’économie, ce sont des pouvoirs. C’est aussi le besoin d’une confluence de valeurs, de subjectivités, de règles communes, portées par des institutions et une culture.
Entrons dans cette bataille en étant nous-mêmes, en développant notre originalité, en étant porteurs de ces idées et de cette posture, originales. En écho, en dialogue et en appui aux idées de recherche d’alternative qui germent et aux luttes qui se construisent.
Non pas pour une quelconque affirmation identitaire mais à cause de la profondeur de la crise de civilisation qui ébranle le monde, une crise économique, sanitaire, écologique, morale, institutionnelle. Face à cette crise, face aux solutions illusoires, face à l’alliance Etat-capital exacerbée que construit le pouvoir macronien, pour battre la droite et l’extrême-droite, il y a besoin de faire lever une ambition de transformation profonde, une force de résistance et de construction, de portée révolutionnaire, un espoir raisonné.
C’est sur la domination de la rentabilité financière et de ses critères que se sont fracassées les expériences de gauche de 1981 comme celle de 1997-2002, alors qu’il s’agissait d’imposer, par la lutte et par des mesures institutionnelles sur l’utilisation de l’argent, d’autres critères de gestion, tout particulièrement dans les entreprises nationalisées. Ces échecs ont nourri le désarroi et ouvert un champ au vote lepéniste. On ne peut faire le silence là-dessus.
Elles se sont fracassées sur l’incohérence entre des objectifs sociaux explicites (retraite à 60 ans, réduction du temps de travail, lutte contre le chômage) et des pouvoirs et moyens qui n’étaient pas à la hauteur, voire contradictoires (les baisses des cotisations sociales et privatisations du gouvernement Jospin, jusqu’au naufrage Hollandais dans le CICE et le pacte de stabilité européen).
La question de la cohérence entre objectifs, moyens et pouvoirs est fondamentale au moins autant que celle d’objectifs socio-écologiques hardis.
Sur ces différents domaines, l’élaboration originale de la pensée communiste, du collectif national que forme le PCF, constituent des alternatives à mettre en débat pour faire grandir les rassemblements. Pendant des années, elles ont été mises de côté pour réaliser des alliances sur un contenu minimal, qui s’est avéré désarmé face aux problèmes. La campagne présidentielle doit être l’occasion de faire fructifier toute la richesse de l’apport intellectuel marxiste et l’apport militant des communistes.
Discuter, faire discuter de tous ces enjeux, c’est déjà engager la bataille de l’élection présidentielle. Cela s’enracine dans les luttes actuelles, et le déploiement de notre campagne pour l’emploi, pour un autre projet de société à travers une tout autre conception de l’emploi, alliant travail plus épanouissant et utile avec une émancipation hors travail et un développement de chacune et chacun dans sa personne humaine singulière et commune, bien au-delà du travail.
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