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17 mai 2021 1 17 /05 /mai /2021 09:04

 

Il s’est dit beaucoup de choses, il s’est tenu beaucoup d’émissions autour du 10 mai dernier à l’occasion du 40ème anniversaire de la victoire de la gauche en 1981, sans jamais dire que celle-ci n’a été possible que par une conjonction de forces, d’aspirations populaires et l’apport considérable du Parti communiste. Je ne peux revenir ici sur l’ensemble de cette période de l’histoire, mais je me sens obligé d’en dire quelques mots.

Cette victoire est d’abord le résultat d’un long processus de luttes sociales et sociétales (parmi lesquelles le grand mouvement de mai 1968), de confrontations politiques dans la société et au sein de la gauche elle-même, de la reconstruction d’un Parti socialiste abandonnant les oripeaux de la vieille SFIO et d’un travail patient des communistes pour l’union populaire et l’union de la gauche.

En 1965 puis en 1974, le PCF choisit l’union et le rassemblement autour d’un candidat commun de la gauche, issu du Parti socialiste. La candidature de Jacques Duclos en 1969 vise également cet objectif et elle est comprise comme telle par un électorat issu de toute la gauche. Celle de Georges Marchais en 1981, porteuse du Programme commun, est nettement une candidature anti-droite (anti-Giscard) tout en ayant l’ambition de créer à gauche un rapport de force favorable à la prise en compte des espoirs des travailleurs. Devancé par François Mitterrand, il réalise cependant un score important, lors de l’élection présidentielle la plus difficile pour les communistes. D’autant plus qu’au niveau international, après les avancées des « révolutions » sur plusieurs points de la planète, on assiste au début de la contre-offensive conservatrice et réactionnaire, fortement teintée d’anticommunisme, avec le reaganisme – le thatchérisme plus près de nous – le tout étant cornaqué par une instance mondiale du capitalisme et de l’impérialisme : la Commission trilatérale.

Cette pression n’était déjà pas sans effet sur F. Mitterrand et le Parti socialiste. Dès la signature du Programme commun, F. Mitterrand dira à l’Internationale socialiste à Vienne qu’il avait signé un programme de gouvernement pour « prendre trois millions de voix au Parti communiste ». Les élections qui suivirent montrèrent que le recul constaté lors du scrutin présidentiel, qui avait pu être attribué à son caractère spécifique et sa dimension de pouvoir personnel, s’inscrivait en réalité de façon durable dans la vie politique française.

La bataille pour l’union du Parti communiste a profité électoralement à toute la gauche, jusqu’en 1978. A partir de 1981, l’union réalisée, c’est au Parti socialiste qu’en est attribué le mérite. Et quand les communistes s’efforcent, tant bien que mal, dans un même mouvement, de préserver, d’amplifier le contenu transformateur des politiques menées et l’union indispensable pour y parvenir, il n’est pas compris par de nombreux progressistes. La période difficile de l’actualisation du Programme commun en 1977 en a témoigné. Rien n’est venu depuis contredire les reculs électoraux du Parti communiste, en dépit de toutes les tentatives qui ont suivi. Sans doute convient-il d’approfondir la réflexion pour en déterminer les causes les plus profondes et radicales, nationales, européennes, internationales et internes au parti lui-même et à la gauche.

Du reste, c’est partout dans le monde que ce phénomène se constate. Cela ne doit cependant pas conduire à minimiser ce qu’a apporté la victoire de l’union de la gauche en 1981. Aujourd’hui encore, les salariés se mobilisent pour en préserver les acquis, mis à mal par les gouvernements qui se sont succédés, par le patronat et l’Union européenne.

Dès les premiers mois, des réformes de progrès ont été votées et mises en œuvre. Le 1er juillet 1981, une hausse de 20% de l’allocation handicapés, de 25% des allocations familiales et de logement. Le 4 août, la suppression de la Cour de sureté de l’Etat. Le 2 octobre, l’autorisation des radios locales. Le 8 octobre, le blocage des prix, le 9 octobre, l’abolition de la peine de mort, le 15 décembre, l’abrogation de la loi anticasseurs, le 30 décembre création de l’impôt sur la fortune. Le 14 janvier 1982, l’instauration des 39 heures de travail hebdomadaire et de la 5ème semaine de congés payés. Le 13 février, le vote des nationalisations de grandes entreprises et banques. Le 3 mars, la loi de décentralisation. Le 25 mars, l’abaissement de l’âge de la retraite qui passe de 65 à 60 ans puis le vote des lois Auroux pour de nouveaux droits des salariés dans les entreprises.

Les quatre ministres communistes, Charles Fiterman, Anicet le Pors, Jack Ralite et Marcel Rigout, ont pris leur part dans ce bilan impressionnant de tout le gouvernement et de la majorité parlementaire. Avec certains apports particuliers, comme celui de Charles Fiterman qui, à l’opposé de ce qui se fait aujourd’hui, fait transformer les dettes des entreprises concessionnaires d’autoroutes en participations au capital de l’Etat, ce qui les nationalise. L’argent ainsi économisé est réinvesti dans de nouvelles infrastructures. Le chantier de l’A380 est lancé et le ministre d’Etat pousse ainsi à la diversification d’Airbus. Il fait voter la loi des transports intérieurs, premier acte d’un projet écologique pour les transports. Il fait voter une loi ancrant la maîtrise publique des entreprises de transport en contrôlant la concurrence et en obligeant les entreprises du secteur à endosser la responsabilité des coûts sociaux et environnementaux.

Le statut de la SNCF en fait un nouvel établissement public industriel et commercial tout en y renforçant l’emploi. Il met en place le remboursement à 50% de la Carte orange, supprime les deux classes dans le métro et participe au lancement du TGV.


Marcel Rigout, ministre de la formation professionnelle, fait voter la loi du 24 février 1984 portant réforme de la formation professionnelle continue et modifies en ce sens le Code du travail. Elle est complémentaire des lois Auroux que Macron a rendues caduques avec les « lois travail ». Il lance 600 000 contrats nouveaux de formation professionnelle pour des jeunes. 300 000 d’entre eux débouchent sur des contrats à durée indéterminée.


Jack Ralite, ministre de la Santé puis de l’Emploi, supprime le secteur privé à l’hôpital public, lance les centres de santé publics, équipe plusieurs hôpitaux de scanners, abroge la loi de 1938 qui mettait les malades mentaux à l’écart de la société, fait adopter une loi de réorganisation de l’hôpital. C’est lui qui fat supprimer la pénalisation de l’homosexualité. Comme ministre de l’Emploi, il lance les contrats « emploi-formation-production » et permet ainsi de sauver plusieurs petites et moyennes entreprises et leurs emplois.

 

Anicet Le Pors conduit une réforme fondamentale de la fonction publique et du statut en introduisant notamment le droit de grève, la liberté d’opinion, le droit de négociation. Il ouvre la troisième voie d’accès à l’ENA pour des élus, responsables associatifs, des agents des collectivités, des hôpitaux et de la recherche. La fonction publique est étendue aux collectivités locales, aux établissements hospitaliers et de recherche. Le statut général des fonctionnaires se décline avec lui en quatre lois nouvelles.


Ces éléments de bilan, trop souvent sous-estimés, ne peuvent s’inscrire dans le simplisme binaire des mots « échec » ou « succès ». La présence de ministres communistes concrétisait l’état de rapports de force politiques, sociaux, culturels. Trop souvent les concrétisations sont restées comme en suspens car la victoire de la gauche n’a pas été accompagnée d’une mobilisation sociale suffisante pour contrebalancer les pressions d’un contexte international nouveau et la tendance d’importantes fractions du Parti socialiste à revenir aux démons de l’adaptation au capitalisme. Dès le 26 novembre 1981, le ministre des Finances, Jacques Delors, réclame une « pause ». Jusqu’au tournant économique de l’année 1983 qui est sans doute le début de l’affaiblissement des idées de la gauche de transformation économique, sociale, démocratique dans le cadre de l’affaiblissement de l’Etat national au profit des carcans de l’Union européenne et de la mondialisation capitaliste.

 

Cela ne veut évidemment pas dire qu’il faut s’en satisfaire au moment où, aujourd’hui, l’enjeu du post-capitalisme est à l’ordre du jour. Il se pose avec une force accrue car le « tout-capitalisme mondialisé » ne fait qu’aggraver toutes les tares que sécrète ce système inhumain, du développement des inégalités à celui de la pauvreté, de l’épuisement de la planète à celui de la biodiversité, des guerres aux atteintes aux libertés… Les dénoncer, les combattre, pied à pied, est indispensable. Mais reste posée dans son entier l’immense question de l’alternative, de l’engagement dans un processus populaire démocratique mondial d’émancipation humaine. En ouvrir la voie, pour la gauche et l’écologie toutes entières et singulièrement pour le Parti communiste et le Parti socialiste, suppose, me semble-t-il, de prendre la mesure des deux déflagrations qui au XXe siècle les ont atteints l’un et l’autre, l’effondrement du l’URSS et l’échec de la social-démocratie. La tâche est d’autant plus ardue que l’activité politique a, elle-même, été durement atteinte, la désindustrialisation a produit des ravages, les cadenas de l’Union européenne aussi au point de voir tant de nos concitoyens s’en détourner.

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