https://resister-art-litterature.jimdofree.com/resister-dans-les-camps/walter-spitzer-dessinateur-resistant/
La vie de Walter Spitzer est digne d’un roman. Naturalisé français après la Seconde Guerre mondiale, il a été déporté dans un camp de travail nazi alors qu’il n’avait pas 16 ans. Rare survivant de ces lieux de mort, il ne s’en est pas sorti par sa constitution robuste, mais par son coup de crayon qui, dans les années 1950-60 le rendront fameux (il a alors illustré les œuvres de Sartre, Malraux, etc.).
Né en 1927 à Cieszyn, en Pologne, Walter Spitzer est issu d'une famille juive bourgeoise et traditionaliste. A l'âge de quatre ans, il se prend de passion pour le dessin. C'est d’ailleurs cette passion et son talent qui le sauveront quand il sera plongé dans l'enfer des camps, comme des millions d'autres qui n’en reviendront pas. Le 1er septembre 1939, l'armée allemande envahit la ville de Cieszyn : c'est le début de l'horreur, et l'annexion de la Pologne au IIIème Reich. Les juifs sont peu à peu expulsés et regroupés. Walter perd vite son père Samuel, mort de maladie en 1940 et dont le frère, Harry, la sœur Edith et le neveu Ernst ont été fusillés. Walter est bientôt séparé de sa mère, Gretta. Il apprendra bien plus tard qu'elle a été exécutée par les Allemands.
Pour Walter, c’est direction Blechhammer, un camp de travail rattaché à Auschwitz, en 1943. Il y porte désormais le numéro de matricule n°178 489. Toutefois, au fur et à mesure de l'avance de l'armée soviétique qui n’est bientôt plus loin du camp, les Allemands s'inquiètent : Blechhammer est évacué. C'est alors l'infernale « marche de la mort » qui conduit Walter et les autres déportés rescapés à Buchenwald.
Tout au long de ces terribles mois de déportation, entre Blechhammer et Buchenwald, Walter Spitzer dessine et propose ses dessins à ses camarades prisonniers. Il parvient ainsi à améliorer son quotidien. Il échange ses créations pour un morceau de pain, des pommes de terres ou une soupe de plus.
En 1945, Walter Spizter a 18 ans. Les résistants du camp de Buchenwald en Allemagne, où il se trouve désormais, décident de le cacher et de le sauver contre une promesse : que le jeune dessinateur témoigne de l'enfer des camps, une fois la guerre terminée. Parce que dessiner était interdit dans les camps, et parce que les nazis voulaient cacher ce qu’y s’y passait, les dessins de Walter Spitzer sont des actes de résistance.
Dans son autobiographie parue en 2004 (voir en fin d’article), Walter Spitzer se souvient des paroles formulées par ses camarades l’ayant sauvé début 1945 d’une mort certaine : « Nous, le Comité international de résistance aux nazis, avons décidé de te soustraire [à ton sort]. Depuis que tu es là, nous t’observons. Tu dessines tout le temps, tu sais voir. C’est cela qui nous a décidés. Mais tu dois nous promettre solennellement que, si tu survis, tu raconteras, avec tes crayons, tout ce que tu as vu ici ».
Dessiner dans les camps était un défi pour le jeune Walter. Il fallait trouver un support et de quoi dessiner (des crayons, du charbon …). Voici comment il raconte la création de son premier dessin, lorsqu’il était encore à Blechhammer : « Je me suis procuré un sac de ciment. Il avait quatre couches de papier et celles de l’intérieure sont splendides, couleurs papier kraft. Ensuite, j'ai chauffé du charbon de bois dans une gamelle et j'ai dessiné avec un bout de bois calciné ». Parfois il utilisait le dos des papiers administratifs dérobés par certains gardes. Ses camarades déportés lui donnaient ensuite de quoi dessiner dessus.
La plupart des dessins de Walter Spitzer ont été détruits durant la seconde guerre mondiale. Après-guerre, à Paris où il s’est installé, pour tenir sa promesse, il a alors refait ses dessins de mémoire.
commenter cet article …