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5 mars 2021 5 05 /03 /mars /2021 20:15
Lutte contre les violences sexuelles. Mettre fin à la barbarie du patriarcat - Texte collectif, L'Humanité, 5 mars 2021
Lutte contre les violences sexuelles. Mettre fin à la barbarie du patriarcat - Texte collectif, L'Humanité, 5 mars 2021
Lutte contre les violences sexuelles. Mettre fin à la barbarie du patriarcat
Vendredi 5 Mars 2021- L'Humanité

Texte collectif

 

Nous, femmes, militant-e-s, féministes, adhérent-e-s du Parti communiste français, dénonçons l’utilisation du principe pénal de présomption d’innocence pour museler les victimes qui dénoncent leurs agresseurs. Dernièrement, des personnes que l’on n’entend pas d’ordinaire sur le sujet des violences sexuelles ou le respect, dans d’autres contextes, de la présomption d’innocence, interviennent tout à coup. Alors qu’elles restent silencieuses face à la normalisation des violences sexuelles, elles montent au créneau avec passion pour défendre la présomption d’innocence d’un violeur présumé. À travers leurs propos, transparaît finalement une présomption de culpabilité et de mensonge pour la victime. Un individu est présumé innocent tant qu’il n’a pas été déclaré coupable par la justice. Cela est un principe du monde pénal. Cependant, au vu de la gravité des accusations de viol et des délais d’une procédure judiciaire, il paraît sage dans la société civile d’appliquer aussi un principe de précaution. La présomption d’innocence n’exclut pas la méfiance. Ce n’est pas un totem d’immunité. D’autant que les fausses accusations de viol sont rares : entre 2 % à 8 % des plaintes.

Lorsqu’on lutte contre les violences sexuelles, on accorde une présomption de sincérité aux victimes qui s’expriment. Ainsi, on ne les traîne pas dans la boue, on ne joue pas la fausse compassion pour sous-entendre dans le même temps que « la victime a trop tardé à parler, la victime était pourtant une intime des accusés, il ou elle n’avait pas porté plainte et, décidément, que c’est louche ». Nous observons trop fréquemment ces techniques de mise en doute de la parole des victimes ; si elles relèvent parfois d’une méconnaissance de ce que vit une victime de violences sexuelles, elles restent un outil puissant du patriarcat.

Oui, l’accusation peut se faire plusieurs années après les faits reprochés : la mémoire traumatique peut rester illisible tant que la victime n’est pas en capacité de gérer ces souvenirs. C’est un mécanisme de protection dont la victime n’est pas responsable et qui n’invalide pas sa parole. Oui, la victime peut partager la vie de son agresseur : l’emprise exercée par ce dernier ou les mécanismes tels que la sidération et la dissociation empêchent la fuite. La majorité des viols est commise par un proche de la victime. Souvent par son compagnon. Oui, prendre la décision de porter plainte est difficile. D’ailleurs, on estime que seules 10 % des victimes portent plainte, et 1 % obtiennent justice. Pour porter plainte, il faut avoir de l’argent et suffisamment d’optimisme ou de détermination. Et être prêt-e à affronter ce qui l’attend : la vie intime des victimes est passée au crible et exposée, seconde humiliation après la violence. Chaque année, au moins 94 000 femmes et 150 000 enfants sont victimes de viol ou de tentative. Un grand nombre de ces victimes restent murées dans le silence. Contrairement à ce que certains sous-entendent, parler n’est pas un acte facile. Parler, c’est admettre que ça n’arrive pas qu’aux autres. C’est s’exposer, perdre le contrôle, voir des médias et de nombreuses personnes pas toujours bien intentionnées s’accaparer son histoire. C’est aussi être à la merci de la misogynie ou de l’homophobie, on devient « la folle » ou « l’hystérique ». Parler, c’est encore plus difficile peut-être quand on est militant.e et que l’on craint d’affaiblir ou d’exposer médiatiquement l’organisation dans laquelle on a choisi de militer.

Alors que certain-e-s se cachent derrière les injonctions à la plainte et la nécessaire enquête judiciaire, il est de notre devoir de démasquer le caractère profondément idéologique du traitement pénal des violences sexuelles et sexistes. C’est bien la maltraitance institutionnelle des victimes qui permet aujourd’hui la persistance de la violence et de la domination masculines. Cette violence structure nos existences collectives. Beaucoup n’ont pas intérêt à ce que cette parole émerge. Les agresseurs, les violeurs, les harceleurs et tous ceux qui profitent d’une situation de domination n’ont aucun intérêt à ce que la société prenne enfin la mesure de la situation.

Pour les victimes, les moyens ne sont pas là : accès difficile aux soins psychologiques – étape pourtant vitale pour apaiser la mémoire traumatique et ses séquelles –, du fait de consultations libérales très chères et non remboursées et des centres médico-psychologiques débordés. La justice est un monument effrayant qui a trop peu à offrir aux victimes en termes de réparation et qui les maltraite trop souvent. Une société qui sacrifie les plus vulnérables est une société perdue.

La présomption d’innocence est inscrite dans la loi, elle est reconnue et a peu de risques de disparaître. Mais les victimes, elles, sont très mal protégées. Plutôt que de dénigrer le moyen qu’ont trouvé des victimes de réagir aux violences sexuelles, cherchons à comprendre : pourquoi les réseaux sociaux remplacent-ils les commissariats ?

Agissons. Protégeons les victimes de leurs agresseurs et des conséquences psychotraumatiques du viol. Mettons fin à la prédation au sein de nos organisations politiques. Ne rien faire, c’est prendre le parti de ceux qui violent, agressent, harcèlent, frappent, parfois tuent. Jamais plus nos organisations ne doivent abriter des agresseurs. Jamais plus une victime ne doit quitter notre organisation face à un silence trop pesant, ou nous quitter à jamais.

Alors que la parole se libère, il est de notre responsabilité collective de faire advenir le changement. Alors, que faire face à la violence masculine ? Cette question, d’apparence si insoluble, se résume pourtant en quelques mots transparents de clarté : comment faisons-nous pour que les hommes arrêtent de violer ?

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