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17 mars 2021 3 17 /03 /mars /2021 06:57
Manif du 28 novembre contre la loi Sécurité Globale à Morlaix qui avait rassemblé 600 personnes

Manif du 28 novembre contre la loi Sécurité Globale à Morlaix qui avait rassemblé 600 personnes

La loi de « sécurité globale » arrive au Sénat, ses opposants appellent à la mobilisation
Mardi 16 Mars 2021

Les sénateurs commencent ce mardi l’examen en séance de la proposition de loi LaREM. Malgré la réécriture du décrié article 24, le texte très controversé comporte toujours de multiples dangers. L’opposition s’organise dans la rue comme dans l’Hémicycle.

 

La très controversée loi de « sécurité globale » arrive ce mardi dans l’hémicycle du palais du Luxembourg, quatre mois après avoir été approuvée à l’Assemblée nationale. La droite, majoritaire au Sénat, se targue d’avoir rééquilibré le texte lors de son examen en commission, où plus de 70 amendements ont été adoptés.

Rassemblement square Poulenc, à 16 heures

Cette version « est un nouvel équilibre entre autorité, protection de ceux qui nous protègent et protection des libertés. Cet équilibre est changé, significativement », répète ainsi le président LR de la commission des Lois, François-Noël Buffet. Pas de quoi satisfaire pour autant les opposants à la proposition de loi des députés LaREM Jean-Michel Fauvergue et Alice Thourot.

« La France glisse doucement mais sûrement vers un état illibéral, autoritaire et policier », prévient la coordination #StopLoiSécuritéGlobale. Le collectif, à l’origine de manifestations qui ont compté jusqu’à un demi-million de personnes à l’automne, appelle à regagner la rue. Un rassemblement est organisé ce mardi à 16 heures, square Francis-Poulenc, devant le Sénat.

« Technologie tous azimuts, désengagement de l’État… »

Dans l’Hémicycle ces voix devraient trouver de l’écho, tant la philosophie même du texte est contestée à gauche. « Il s’inscrit dans un continuum qui installe dans notre législation un projet de société libérale dont le maître mot est la répression », explique ainsi la sénatrice PCF Éliane Assassi.

À ce titre, l’élue de Seine-Saint-Denis défendra une « question préalable » dont l’adoption permettrait le rejet de la proposition de loi. « Technologie tous azimuts, désengagement supplémentaire de l’État… il n’y a pas de grands changements », ajoute l’écologiste Esther Benbassa, qui plaidera en séance pour « une police de proximité formée à la désescalade et contre les discriminations ».

Il faut dire que le texte n’arrive pas dans n’importe quel contexte : « Nous avons déjà la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, dite loi Silt, la loi anticasseurs, un schéma national du maintien de l’ordre, un Livre blanc, et le Beauvau de la sécurité en vue d’une loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (Loppsi), qui viendra l’année prochaine », a listé en commission le socialiste Jérôme Durain.

L’article 24 n’est pas le seul danger

Au cœur de la polémique l’article 24, qui prévoyait de proscrire le filmage des policiers, a été totalement réécrit. La nouvelle mouture crée un délit de « provocation à l’identification » dans le Code pénal, sans référence à la loi de 1881. « Je suis sûr que mon texte est constitutionnel », promet le rapporteur LR Marc-Philippe Daubresse.

Mais, à gauche, c’est une suppression pure et simple que l’on entend faire valoir. « La rédaction des rapporteurs nous semble assez confuse et peut-être inapplicable », a jugé la sénatrice PS Marie-Pierre de La Gontrie, estimant sur Public Sénat qu’ « il faut arrêter de raconter aux Français que si on ne vote pas ça, les policiers ne seront pas protégés ».

Las, l’article décrié n’est pas le seul danger. La privatisation rampante que favorise le texte via un « continuum de sécurité » en fait partie. Le secteur de la sécurité privée « a un poids économique non négligeable, puisqu’il compte aujourd’hui 177 000 salariés et 11 500 entreprises, pour un chiffre d’affaires global de 7,5 milliards d’euros », a décrit en commission le corapporteur Loïc Hervé (Union centriste) pour justifier la nécessité d’encadrer la branche. « Nous ne voulons pas du privé dans leur continuum de sécurité. C’est une mission régalienne qui doit rester sous la responsabilité de l’État », réplique Éliane Assassi, dont le groupe défendra via des amendements des dispositions issues de sa proposition de loi « visant à réhabiliter la police de proximité ».

Un risque d’inégalités territoriales

Les prérogatives des polices municipales sont aussi au cœur des discussions. La majorité sénatoriale a, en commission, limité les nouvelles missions qui pourraient leur être dévolues, supprimant notamment la possibilité de réaliser des saisies ou de constater des délits de consommation de stupéfiants, tout en étendant la durée de l’expérimentation à cinq ans.

Même la sénatrice RDSE Maryse Carrère, pas hostile au renforcement de ces missions, pointe « le risque d’inégalités territoriales entre les communes qui disposeront de moyens suffisants et celles qui n’en auront pas les moyens ».

L’article 25 devrait aussi faire parler de lui. Celui-ci n’a, pour l’heure, pas été modifié et autorise les membres des forces de police à porter leur arme en dehors de leur service dans les lieux accueillants du public. Des amendements de suppression ont été déposés par la gauche mais aussi par le président centriste de la commission de la Culture, Laurent Lafon, qui estime que cette disposition « peut profondément perturber et inquiéter ».

De nouvelles catégories d’agents

Autre sujet, et pas des moindres : le recours aux technologies de surveillance. La proposition de loi prévoit de nouvelles possibilités d’usage tant pour les caméras-piétons que pour les appareils embarqués à bord de véhicule, autorisant par exemple de nouvelles catégories d’agents à y recourir.

« Cette multiplication des outils qui permettent de surveiller la population et de réprimer élargit l’atteinte aux libertés publiques, notamment celle d’aller et venir anonymement dans l’espace public ou de manifester », dénonce Éliane Assassi. La droite sénatoriale, de son côté, s’oppose à la possibilité offerte aux policiers d’envoyer les images de ces caméras mobiles aux médias ou sur les réseaux sociaux.

Les drones font craindre le pire

Mais ce sont surtout les drones qui font craindre le pire. En commission, quelques garde-fous ont été ajoutés : les enregistrements sonores, la reconnaissance faciale ou encore le croisement des données personnelles sont ainsi proscrits. Les problèmes n’ont pas pour autant disparu.

« Le public est informé par tout moyen approprié de la mise en œuvre de dispositifs aéroportés de captation d’images et de l’autorité responsable, sauf lorsque les circonstances l’interdisent ou que cette information entrerait en contradiction avec les objectifs poursuivis », prévoit toujours le texte. « L’exception est tellement large qu’il n’y a aucune garantie », relevait à ce sujet, dans nos colonnes, la magistrate Magali Lafourcade, notant un « basculement complet » dans un « régime inédit de surveillance généralisée ».

Au vu de la surenchère sécuritaire à laquelle se livre la droite ces derniers jours, à commencer par le président du groupe LR du Sénat, Bruno Retailleau, qui fustige un « hyperlaxisme qui déresponsabilise les coupables », le renversement de la philosophie du texte n’ira pas sans mobilisation.

De la sécurité globale à la surveillance numérique totale
Yann Le Pollotec, dans Progressistes, décembre 2020
 
Excellent article de notre camarade Yann Le Pollotec, responsable de la commission Révolution numérique du PCF, et membre de la direction nationale du PCF, sur les enjeux effrayants du virage technologico-politique que nous sommes en train de vivre: alors que la loi de « sécurité globale » provoque une colère et une forte opposition, Yann Le Pollotec pousse ici un cri d’alarme sur le risque d’aboutir à une société sous surveillance généralisée, ce que permet aujourd’hui les technologies du numériques si elles sont dévoyées.
De la sécurité globale à la surveillance numérique totale, Yann Le Pollotec (Revue Progressistes)
Alors que la loi de « sécurité globale » provoque une colère et une forte opposition, Yann Le Pollotec pousse ici un cri d’alarme sur le risque d’aboutir à une société sous surveillance généralisée, ce que permet aujourd’hui les technologies du numérique si elles sont dévoyées.
Bernard Cazeneuve, lorsqu’il était ministre de l’Intérieur, se plaignait que les GAFA en savaient plus sur chaque Français que ses services, oubliant ainsi que le problème venait du pouvoir acquis grâce à la collecte de masse et à la centralisation de données et métadonnées personnelles et non à la qualité des propriétaires de ce pouvoir. Aujourd’hui, avec sa proposition de loi sur la « sécurité globale », le groupe LREM de l’Assemblée nationale est en train de réaliser une partie du rêve du ministre.
Cette proposition de loi, loin de se réduire à la question de la diffusion des images de visages de policiers, montre une LREM et un gouvernement qui se vivent en guerre contre toute une partie de la société française. À ce propos, la question de l’usage des images des caméras individuelles des forces de l’ordre est particulièrement révélatrice. Jusqu’ici ces images ne pouvaient être utilisées que pour la prévention des incidents au cours des interventions, le constat des infractions, la poursuite de leurs auteurs par la collecte de preuves et à la formation. Les députés LREM proposent d’élargir l’usage de ces images à « l’information du public sur les circonstances de l’intervention » des forces de l’ordre, c’est-à-dire à la propagande gouvernementale. Or un tel usage porterait atteinte au bon fonctionnement de la justice en violant le secret de l’instruction. Or le député LREM, rapporteur de la proposition de loi, justifie de manière sidérante cette remise en cause de l’État de droit en déclarant : « Il faut se déniaiser par rapport à toutes les situations. On est en train de perdre la guerre des images sur les réseaux sociaux (…) Il faut lutter à armes égales, nous sommes dans une société moderne, il n’y pas de raison que ceux qui représentent l’autorité de l’État aient un temps de retard. » CQFD, l’État doit s’aligner et être en guerre contre la société.
La loi proposée va jusqu’à permettre aux porteurs de ces caméras individuelles d’accéder aux enregistrements vidéo, ouvrant ainsi la porte à toutes les manipulations puisque les amendements demandant une sécurisation de ces fichiers en étant « unitairement chiffrés, signés et horodatés sur le serveur de stockage » ont été repoussés.
Lors du 1er confinement, la préfecture de Paris avait utilisé des drones hors toute légalité, ce qu’avait condamné et interdit le Conseil d’État. C’est pourquoi la loi de la LREM vise à consacrer l’usage de drones de surveillance quasiment en tous lieux et en toutes circonstances. Tous les amendements visant à interdire l’utilisation de la reconnaissance faciale ou à protéger les domiciles et espaces privatifs de cet espionnage ont été repoussés.
La loi sur la sécurité globale vise en fait à transformer tout l’espace public en espace sécuritaire. Elle prépare le terrain à la mise en réseau des caméras mobiles, des drones, des centaines de milliers de caméras fixes, afin de les coupler avec des systèmes d’intelligence artificielle et de reconnaissances faciales, ouvrant la porte à un fichage généralisé des participants à des manifestations ou à de la répression « préventive » (sic) basée sur l’analyse prédictive des comportements.
C’est pourquoi il faut soutenir la démarche des 66 organisations de défense des droits et libertés, dont ATTAC, la Quadrature du Net, la Ligue des droits de l’homme, les Moutons numériques, le SNJ-CGT, demandant au Parlement de repousser les articles 21, 22 et 24 de cette loi.
Au-delà de la « grande peur » (1) des mouvements sociaux qu’ont le pouvoir et ses députés, il s’agit d’abandonner les concepts de défense nationale et de sûreté des citoyens au profit de celui de sécurité globale incluant un continuum allant des forces armées jusqu’aux sociétés de sécurité privée. Le « modèle » (sic) mis en avant est celui de l’État d’Israël où la majeure partie de la sécurité intérieure est sous-traitée à des milices privées et à des sociétés de sécurité qui sont par ailleurs intégrées dans un même système avec l’armée et la police. Or le concept de « défense nationale » et de « sûreté des citoyens » participe à ce qui fait nation en France, alors que celui de « sécurité globale » divise en fabriquant des « ennemis de l’intérieur » sans permettre, contrairement aux idées reçues, une meilleure coopération entre les services de l’État contre la menace terroriste entre autres. La notion de « sécurité globale » débouche sur une privatisation de la mise en œuvre du droit à la sûreté au profit de grands groupes transnationaux vendeurs de solutions globales de service sécurité à la seule destination de ceux qui pourront se les payer. Avec la « sécurité globale », il ne s’agit pas de protéger les citoyens mais d’une fuite en avant dans le solutionnisme technologique sécuritaire. Il est illusoire de penser que l’on réglera à coups de drones, de caméras, de robots, d’intelligence artificielle les problèmes de sécurité et de dérives maffieuses de pans entiers de notre société. Pense-t-on sérieusement régler avec la seule technologie le fait gravissime que l’économie de la drogue génère dans le 93 un chiffre d’affaires annuel de plus d’un milliard €.
Cette loi affaiblira la cohésion sociale du pays afin de dégager les moyens nécessaires à la privatisation des fonctions régaliennes de défense et de sécurité. Sous couvert de sécurité globale, on renforce les causes de l’insécurité et on porte atteinte aux capacités de résilience de la société que représente l’intervention citoyenne au travers des luttes et mouvements sociaux. On a besoin de voisins solidaires et non de voisins vigilants. À cette loi qui ne ferait qu’enfermer notre pays dans un cercle vicieux où le terrorisme, la délinquance et l’insécurité se nourriraient d’eux-mêmes, il faut opposer la déclaration du chef de l’État norvégien au lendemain de la tuerie d’Utoya : « Nous allons répondre à la terreur par plus de démocratie, plus d’ouverture et de tolérance. »
Cette loi n’est que la pointe immergée d’un capitalisme de la surveillance : Multiples capteurs au travail comme à domicile avec l’internet des objets, géolocalisation, caméras de surveillance, reconnaissances faciales, fichage biométrique, traçage de notre activité sur le web, méta données…, toute une économie de la surveillance de notre vie est en train de s’installer et de croître. Elle repose sur la captation et l’exploitation économique de nos données personnelles. Exercée par des États comme par des plateformes numériques marchandes, elle permet de nouvelles formes de contrôle social qui se donnent le pouvoir de repérer, de stigmatiser, de rappeler à l’ordre et de sanctionner ce qui ne serait pas dans la norme. Face à cela, le code informatique ne peut être la loi, il faut construire un nouveau système de droits, donner de nouveaux pouvoirs aux citoyens de garantir et développer les libertés. Le règlement général de protection des données (RGPD) a été un premier pas dans ce sens mais, face à la puissance du développement du big data et de l’intelligence artificielle, il faut aller bien plus loin en passant de droits individuels à un droit collectif. µ
Yann Le Pollotec est ingénieur et spécialiste des enjeux du numérique
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