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4 mars 2021 4 04 /03 /mars /2021 07:42
Covid-19. Bataille à l’OMC sur les brevets des vaccins - Thomas Lemahieu, L'Humanité, 3 mars 2021
Vaccins anti-Covid. À l’OMC, l’Europe brille par son silence
Mercredi 3 Mars 2021- L'Humanité

Bruxelles refuse toujours de transiger sur les brevets des vaccins. L’étape paraît pourtant un passage obligé pour augmenter la production.

 

Loin des regards, dans les salons – virtuels, pour cause de pandémie – de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), à Genève (Suisse), l’Union européenne n’a, comme les États-Unis, plus que son silence à opposer à l’appel urgent d’une grande partie de la planète. D’après nos informations, les représentants de Bruxelles et de Washington n’ont, au moins au premier jour, lundi, d’une réunion du conseil général de l’institution multilatérale, pas demandé la parole pour s’exprimer sur la proposition de l’Afrique du Sud et de l’Inde. Endossée par 57 autres États et soutenue par près des deux tiers des pays du monde, elle vise à mettre en place une exemption temporaire sur certains droits de propriété intellectuelle pour les médicaments, les vaccins et les technologies contre le Covid-19. Un silence qui, au-delà du mépris, vaut obstruction radicale à toute avancée vers l’objectif affiché de faire de ces instruments indispensables des « biens communs universels ».

« Relever le défi de l’augmentation des capacités de production »

Ce front des pays les plus riches, profitant de la règle du consensus en vigueur à l’OMC, refuse de s’engager dans la rédaction d’un texte sur le sujet avec la majorité des pays en voie de développement, emmenés par l’Inde et l’Afrique du Sud. Pour le fissurer, de plus en plus de voix cherchent à lever la contradiction européenne entre les grands discours généreux des dirigeants comme Ursula von der Leyen, Angela Merkel ou Emmanuel Macron, et les actes manquants, notamment, à l’OMC.

 

Mardi, c’est l’eurodéputé social-­démocrate allemand (SPD) Bernd Lange qui a appelé l’Union européenne à « se ranger derrière Ngozi Okonjo-Iweala », la nouvelle directrice générale de l’OMC, « pour relever le défi de l’augmentation des capacités de production ». « L’Union européenne doit sérieusement réexaminer l’image qu’elle renvoie, insiste celui qui préside la commission du commerce international au Parlement européen . Nous sommes parmi les quelques-uns qui s’opposent au mécanisme d’exemption à l’OMC et qui mettent en place, dans le même temps, des restrictions pour les exportations. Même si, seules, les dérogations aux droits de propriété intellectuelle ne sont pas la solution, nous sommes en train de perdre notre stature morale et nous perdons également du temps contre la pandémie… »

« Des découvertes faites et payées par le secteur public »

À l’occasion d’une visioconférence sur les vaccins comme biens communs universels, organisée mardi et mercredi par le groupe de la gauche au Parlement européen (GUE-NGL), Sangeeta Shashikant, de l’ONG Third World Network, démonte les arguments mis en avant par l’UE pour refuser le mécanisme proposé à l’OMC. « On nous parle de l’argent donné au fonds de solidarité qui doit apporter les vaccins dans les pays les moins avancés, le Covax, mais l’argent ne sert à rien si la production ne suit pas. On nous parle de licences volontaires entre les multinationales, mais ce sont des contrats secrets et restreints. On nous parle de rémunérer les inventions avec des brevets, mais l’essentiel des découvertes ont été faites et payées par le secteur public. »

Dans le même cadre, Emmanuel Maurel voit une « sujétion du public au privé », un « maintien envers et contre tout d’une idéologie mercantile » dans « le veto de l’UE à l’OMC ». « Il faut sortir des cadres existants et obliger les entreprises à partager les technologies, invite l’eurodéputé français (GRS-LFI). Si on ne le fait pas, ça ne marchera pas. »

L’Union européenne aura un passeport vaccinal

La Commission européenne a prévu de présenter, le 17 mars, un projet de « passeport vert », un document numérique qui attestera d’une vaccination ou d’un un test négatif au Covid. Le but est de permettre, dès cet été, de se déplacer au sein de l’Union européenne, alors que plusieurs pays ont restreint les possibilités de franchir les frontières. L’annonce a été faite, lundi, par la présidente de l’exécutif européen, Ursula von der Leyen, dont la lenteur à commander des vaccins reste critiquée.

Covid-19. Bataille à l’OMC sur les brevets des vaccins
Mardi 2 Mars 2021- L'Humanité

L’Afrique du Sud et ses alliés espèrent avancer sur leur proposition d’exemption de droits de propriété intellectuelle. Mais le blocage des pays du Nord demeure. Explications.

 

Les grandes puissances capitalistes sont encore plus têtues que les faits. Sans production de vaccins à la hauteur de la pandémie, avec la multiplication des variants du nouveau coronavirus, le monde court à la catastrophe, mais à ce stade, il n’est toujours pas question, pour les États-Unis, l’Union européenne, le Royaume-Uni, le Japon, l’Australie, la Suisse et quelques autres qui ont, d’après l’Organisation mondiale de la santé (OMS), mis la main sur 80 % des doses administrées sur la planète, de toucher aux sacro-saints monopoles de leurs multinationales pharmaceutiques. Selon cette même source, plus de 210 États et territoires, avec une population globale de 2,5 milliards de personnes, n’ont toujours pas reçu la moindre dose d’un quelconque vaccin. Face à la pénurie provoquée par les ruptures sur les chaînes de production, les plus riches se livrent à une guerre entre eux, à travers, par exemple, les mécanismes de contrôle des exportations, comme on a pu voir entre le Royaume-Uni et l’Union européenne, mais aussi avec le reste du monde.

 

Ne pas froisser Big  Pharma

Les faits sont là, mais pas encore le rapport de forces nécessaire pour changer les choses… « Si ce n’est pas maintenant, alors quand ? » s’impatiente Tedros Adhanom Ghebreyesus, le directeur général de l’OMS. Défendues par de plus en plus d’organisations sur la planète, les propositions prennent la poussière sur la table, mais après les avoir écartées d’un revers de main au printemps dernier, les grandes puissances capitalistes font le dos rond pour ne pas froisser Big Pharma. À l’OMS, la plateforme d’échange volontaire des technologies anti-Covid (C-TAP) n’a strictement rien reçu des conglomérats industriels occidentaux. Hier et aujourd’hui, à l’occasion d’une réunion formelle de son conseil général, c’est à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) que le combat se déplace.

Éternel refrain

Formulée depuis l’automne par l’Afrique du Sud et l’Inde, endossée depuis par près d’une centaine de pays, la proposition d’une exemption sur certains droits de propriété intellectuelle pour les traitements et vaccins anti-Covid est toujours débattue, mais elle risque de ne pas être soumise au vote des États membres. Les États les plus riches qui ont largement, voire complètement, financé avec des fonds publics la recherche, le développement, les essais cliniques, la fabrication et la logistique des vaccins brevetés pour leur seul profit par quelques géants du secteur, s’y opposent, reprenant systématiquement le refrain composé par Big Pharma : « Supprimer les brevets ou imposer une suspension ne produirait pas une seule dose de plus, c’est avant tout une question de savoir-faire », explique Thomas Cueni, le président de la Fédération internationale de l’industrie pharmaceutique (Ifpma).

 

Seul vrai-faux écart par rapport au business habituel que les mêmes proposent désormais pour esquiver la pression citoyenne mondiale : les pays du Nord prétendent aider les producteurs à s’allier, sous un régime de licences volontaires – et non pas « obligatoires » ou « d’office » qui permettraient de ne pas laisser les monopoles décider seuls –, avec d’autres fabricants, à l’instar de Sanofi qui est mobilisé pour fabriquer les vaccins Pfizer et Johnson & Johnson. Pour la France, Emmanuel Macron voudrait y ajouter une promesse européenne de livrer 13 millions de doses d’ici au mois de juin en Afrique, soit de quoi vacciner 6,5 millions de personnes.

« Les peuples sont littéralement en train de mourir... »

Pour les partisans d’un régime dérogatoire à l’OMC, ces manœuvres ressemblent à des pansements sur des jambes de bois. Représentant de l’Afrique du Sud auprès des institutions multilatérales à Genève, Mustaqeem De Gama accuse : « Les peuples sont littéralement en train de mourir parce que nous ne parvenons pas à un accord sur les droits de propriété intellectuelle. » Alors qu’une entreprise de son pays, Biovac, négocie depuis des mois, mais sans conclure, un accord de production de vaccins avec un fabricant occidental, le diplomate récuse vertement : « Les licences volontaires sont absolument insuffisantes dans une telle pandémie. » Les Danois de Bavarian Nordic mettent à disposition des capacités de production de 200 millions de doses, sans succès auprès des autres géants pharmaceutiques. Le Canada, qui n’a pas accès à la production faite aux États-Unis, s’approvisionne dans les usines européennes et ne réussit pas à nouer des accords avec les multinationales pour produire sur son sol. Par leur intransigeance, les pays les plus riches, Union européenne en tête, enfoncent le monde dans leur impasse.

Piratage sans vergogne

Faute d’obtenir les vaccins qu’elle a commandés à AstraZeneca, l’Union européenne (UE) envisage-t-elle sérieusement de chaparder des doses produites en Inde pour les pays du Sud ? Apparemment, oui. D’après Reuters, Bruxelles est en train d’effectuer un audit de la production chez le plus gros fabricant au monde, le Serum Institute of India, qui travaille pour la multinationale anglo-suédoise. Une étape indispensable avant de recevoir l’aval de l’Agence européenne des médicaments pour des exportations vers l’UE. De quoi pallier, selon les stratèges sans vergogne, les ruptures dans les chaînes industrielles sur notre continent.

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