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Dulcie SEPTEMBER assassinée le 29 mars 1988
Mardi 29 mars 1988, Paris, 10, rue des Petites-Écuries. Il est 9 h 47 et un bruit d’escalier qu’on dévale retentit dans le bâtiment C. Monsieur D. a à peine le temps de s’écarter pour laisser passer en trombe deux grands types aux cheveux courts, d’une quarantaine d’années tout au plus. À 10 heures, on découvre le corps sans vie d’une femme au 4e étage, sur le palier des bureaux de l’African National Congress (ANC), principal mouvement anti-apartheid, interdit en Afrique du Sud depuis 1960. Dulcie Evonne September, cinquante-trois ans, représentante de l’ANC, vient d’être abattue de cinq balles de calibre 22, tirées à bout portant, au silencieux. On ne retrouvera jamais les tireurs. Un non-lieu sera prononcé en 1992 et l’affaire classée. Ce crime est pourtant signé : il s’agit d’une exécution en bonne et due forme par des agents et mercenaires du régime barbare de Pretoria.
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29 mars 1988 : Dulcie Evonne September est abattue à Paris
Robert Clément
Il y a plus d’un quart de siècle, l’Afrique du Sud vivait sous le régime de l’apartheid. Et rien n’arrêtait le gouvernement raciste de Pretoria dans sa lutte implacable contre l’African National Congress. En 1988, la représentante en France du mouvement de Nelson Mandela était abattue à bout portant.
Mardi 29 mars 1988, Paris , 10, rue des Petites-Écuries . Il est 9 h 47 et un bruit d’escalier qu’on dévale retentit dans le bâtiment C. Monsieur D. a à peine le temps de s’écarter pour laisser passer en trombe deux grands types aux cheveux courts , d’une quarantaine d’années tout au plus. À 10 heures, on découvre le corps sans vie d’une femme au 4e étage , sur le palier des bureaux de l’African National Congress (ANC), principal mouvement anti-apartheid, interdit en Afrique du Sud depuis 1960. Dulcie Evonne September, cinquante -trois ans, représentante de l’ANC, vient d’être abattue de cinq balles de calibre 22, tirées à bout portant, au silencieux.
On ne retrouvera jamais les tireurs. Un non-lieu sera prononcé en 1992 et l’affaire classée. Ce crime est pourtant signé : il s’agit d’une exécution en bonne et due forme par des agents et mercenaires du régime barbare de Pretoria.
Dulcie September se savait menacée ; elle avait demandé, sans l’obtenir, une protection policière aux autorités françaises mais elle avait refusé la mutation proposée par la direction de l’ANC, car il n’était pas question de donner l’ impression de déserter le terrain. Perspicace et charismatique, Dulcie était impossible à décourager.
Née en 1935, Dulcie grandit à Athlone, township métisse du Cap. À vingt ans, elle débute sa carrière d’institutrice , sa vocation ; elle veut aider ses élèves à donner sens à leur vie. Très tôt éveillée à la politique. Dulcie rejoint l’Union démocratique du peuple d’ Afrique australe (Apdusa) créée en 1960. Alors que toute organisation anti-apartheid est interdite, elle forme, en 1962, avec huit camarades , le Yu Chi Chan Club , d’inspiration maoïste (devenu le Front de libération nationale en 1963). Cela lui valut une arrestation en octobre 1963. À l’issue de six mois de procès, Dulcie est condamnée à cinq ans de prison où elle subit de mauvais traitements.
À sa sortie, on lui interdit de reprendre son poste et de militer. Le 19 décembre 1973, elle quitte son pays et rencontre des militants de l’ANC et du Parti communiste sud-africain exilés à Londres.
En 1976, elle devient employée permanente de l’ANC. Elle soutient à son tour les nouveaux exilés et se consacre à la collecte de fonds. Restée marquée par la manifestation du 9 août 1956 devant le siège du gouvernement à Pretoria et par les actions des femmes tout au long des années 1950 contre les livrets d’identité , les hausses de loyer ou pour les augmentations de salaire , Dulcie s’engage dans la Ligue des femmes. Au lendemain du soulèvement des lycéens de Soweto (16 juin 1976), qui marque le retour du mouvement populaire sur la scène politique et où les femmes occupent aussi une place importante. Dulcie travaille en liaison avec le comité anti-apartheid de l’ONU et la Fédération démocratique internationale des femmes. Elle impulse mobilisations, conférences et publications sur le sort des femmes et de la jeunesse, noire en particulier. Après un bref passage par le quartier général de l’ANC à Lusaka, dont elle dirigera le comité régional et au cours duquel elle organisera la célébration du 25e anniversaire de la manifestation d’août 1956, la nouvelle représentante en chef de l’ANC pour la France, la Suisse et le Luxembourg arrive à Paris en 1984. Elle y joue très vite un rôle clé en rassemblant les différentes composantes du mouvement de solidarité anti-apartheid autour des exigences de boycott, de désinvestissements et de sanctions du régime sud-africain. En juin 1986, elle monte une conférence internationale qu’Oliver Tambo, président de l’ANC, ouvre en soulignant l’obligation morale de la France d’intervenir en faveur des sanctions internationales.
L’Afrique du Sud traverse alors une phase décisive de son histoire . L’ANC appelle le peuple à « rendre le pays ingouvernable ». La répression policière et la violence des forces de sécurité contre la population ontatteint leur paroxysme en 1988 ; tous les jours , révoltes et répressions secouent le pays. C’est l’état d’urgence . Le régime a soif de sang . Il bombarde aussi les camps de l’ANC, notamment au Botswana, intervient en Angola contre les indépendantistes et organise des attentats contre des dirigeants anti-apartheid aux quatre coins du globe . Il faut donc couper les vivres à ce régime qui excelle dans les crimes contre l’humanité.
La France est alors présidée par François Mitterrand et c’est la cohabitation : Jacques Chirac est premier ministre, Charles Pasqua à l’Intérieur et Robert Pandraud à la Sécurité publique. La Françafrique est donc aux commandes. En intervenant publiquement, en 1986-1987, en faveur de Pierre-André Albertini. Dulcie provoque des contrariétés. La mobilisation des Français pour la libération de ce coopérant, emprisonné par Pretoria, gêne. Mais surtout, depuis plusieurs mois, elle a entrepris demettre au jour les filières de vente d’armes et cela ne plaît pas à grand monde, certainement pas à ce régime aux abois. La France était jusqu’alors un gros fournisseur de l’aéronavale sud-africaine. Avec le boycott, les ventes d’armes constituent un secteur porteur pour qui sait manœuvrer entre les gouttes.
Le mobile est là, sans doute. Les preuves ont disparu et la commission Vérité et Réconciliation, elle-même, malgré les aveux d’un ancien cadre des forces de sécurité, n’a pas réussi à traduire les coupables devant les tribunaux mais a démontré que, si la France en avait la volonté, elle contribuerait à rendre justice à Dulcie September.
Les sud-africaines donnent une leçon politique
9 août 1956. Les forces de police protégeant les abords des Union Buildings, siège du gouvernement à Pretoria, ont du mal à en croire leurs yeux. 20 000 femmes de tout le pays déposent une montagne de pétitions contre le livret d’identité, qui sert à contrôler à tout moment les mouvements des « non-Blancs ». Il mentionne le domicile, la catégorie« raciale », la nature, le lieu et la durée de l’emploi occupé en « zone blanche ». L’impossibilité de le produire entraîne peines d’amende, de prison et déportation.
La manifestation est exceptionnelle , par son ampleur et l’éventail de son rassemblement ; Indiennes, Africaines ou métisse, et Blanches venues en solidarité, unies, elles contestent l’un des piliers de l’apartheid : le contrôle discriminatoire de la population ségréguée et l’organisation de l’exploitation de la main-d’œuvre des townships. La Journée nationale des femmes est née ce jour-là.
La France s’honorerait de permettre des avancées décisives pour connaître la vérité
Assassinat de Dulcie September à Paris - Par Pierre Laurent, Sénateur Communiste de Paris / 4 mars 2021
Ma lettre au Ministre de la Justice
Monsieur le Ministre,
Je me permets d’attirer votre attention sur un nouvel élément d’actualité concernant le dossier de l’assassinat de Dulcie September, représentante du Congrès National Africain (ANC) le 29 mars 1988 à Paris.
Ce meurtre, exécuté sans doute par un professionnel, avait suscité une grande émotion populaire. Beaucoup d’éléments indiquent une implication des services secrets du régime d’apartheid. Pourtant le 17 juillet 1992, une ordonnance de non-lieu est rendue par la justice française suite à un abandon précoce de la procédure, ouverte par le Procureur de la République le 11 avril 1988.
Tous les observateurs s’accordent à dire que des moyens particulièrement faibles avaient été affectés à cette affaire et que cette procédure était marquée par un défaut très sérieux dans la collecte d’informations élémentaires.
Il est à noter par ailleurs que le ministère public pouvait à l’époque recevoir des instructions individuelles de la part du Garde des Sceaux sur la base la loi du 31 décembre 1957 instituant le code de procédure pénale (article 36).
Pourriez-vous m’indiquer si cela a été le cas pour le dossier de Dulcie September ?
En tout état de cause sa famille a saisi le 16 février dernier le tribunal judiciaire de Paris sur le fondement de l’article 141-1 du code de l’organisation judiciaire qui prescrit expressément que l’État est tenu de réparer le dommage causé par le fonctionnement défectueux du service de la justice.
Je partage les préoccupations exprimée par la famille de Dulcie September et de tous ceux qui depuis des décennies veulent que la vérité apparaisse au sujet de ce meurtre et de son traitement par l’institution judiciaire.
La France s’honorerait de permettre des avancées décisives en la matière.
Par conséquent je vous serais reconnaissant, Monsieur le Ministre, de suivre ce dossier avec toute l’attention nécessaire.
Je vous prie d’agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de mes salutations les plus distinguées.
Contre l'apartheid, les communistes se sont levés. Hommage à Dulcie September. Aujourd'hui, jour anniversaire de son assassinat à Paris le 29 mars 1988, les " belles rouges " du PCF à Saint Brieuc, qui avaient déjà débaptisé symboliquement une rue Thiers il y a quelques jours pour donner le congé de la République au nabot massacreur des communards, rendent hommage à Dulcie September, venue inaugurer la rue Mandela à Saint-Brieuc avant son assassinat.
Published by Section du Parti communiste du Pays de Morlaix
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