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15 février 2021 1 15 /02 /février /2021 06:39
Transports collectifs. Comment relancer le service public ferroviaire ? - Laurent Brun, Cécile Cukierman, Léo Charles - L'Humanité, 10 février 2021
Transports collectifs. Comment relancer le service public ferroviaire ?
Mercredi 10 Février 2021

 En pleine crise sanitaire, toutes les raisons sociales, environnementales et économiques plaident pour un nouvel essor du rail.

 

L’État doit assumer ses responsabilités

Laurent Brun Secrétaire général de la fédération CGT cheminots

La mise en concurrence de la SNCF dans le transport intérieur des voyageurs a été autorisée par la loi de 2018, dite « pacte ferroviaire », que les cheminots ont ­combattue. Plusieurs régions et le gouvernement lui-même mettent en œuvre cette disposition. Passée l’attention médiatique liée à la grève, plus personne n’informe les usagers de ce qui se trame dans les coulisses des autorités organisatrices, de l’impact pour le service public, et des décisions graves qui sont prises.

La CGT cheminots souhaite le redire : la concurrence est inadaptée. Donnons les moyens à la SNCF ! L’échec de l’appel d’offres sur les trains d’équilibre du territoire (TET) Bordeaux-Nantes et Nantes-Lyon illustre que, pour être très concurrencée, la concession proposée doit être très rentable. Il y a donc une vraie menace sur les finances publiques.

Par ailleurs, dans le contexte de crise sanitaire où toutes les entreprises sont affaiblies, il n’est pas bon de fragiliser encore plus l’opérateur public SNCF en le privant de certaines concessions. Le bon sens devrait donc amener le gouvernement à repousser de plusieurs années l’ouverture à la concurrence. Face à la crise sanitaire, il faut une véritable aide de l’État.

Nous considérons que, pour des motifs sociaux et ­environnementaux, il est indispensable de développer le transport collectif. Le mode ferroviaire a des avantages indéniables en termes de capacité de transport, de sobriété énergétique, de vitesse, de confort, de sécurité, et même de coût. Mais, avec les confinements et leurs conséquences, l’entreprise publique SNCF va perdre environ 10 milliards d’euros de recettes commerciales entre 2020 et 2021. L’État doit en partie couvrir ces pertes d’exploitation pour éviter une réduction des investissements ou du service rendu à la population. Il faut aussi que l’État assume ses responsabilités, que les investissements soient augmentés sur l’infrastructure et le matériel roulant afin d’accélérer la résolution des problèmes quotidiens que subissent les usagers.

Remettons complètement à plat la politique ferroviaire. Quitte à ce que l’État subventionne la SNCF face à la crise, c’est l’occasion de définir un nouveau modèle de développement. Jusqu’à présent, le TGV portait l’ensemble du système. Résultat : il représente 60 % des recettes commerciales de la SNCF et 70 % des péages perçus par SNCF Réseau. Or, c’est l’activité la plus touchée par le confinement et le télétravail. Il faut donc profiter de la crise pour rééquilibrer les différentes activités afin que la SNCF soit moins dépendante du TGV. Grâce à une subvention de l’État pour faire face à la crise sanitaire, il serait possible d’engager un vrai développement du fret SNCF, mais aussi des TET (relance des transversales, grand plan pour les trains de nuit, etc.), et de reprendre le développement du TER et du Transilien.

Il faut organiser la complémentarité des offres sur un réseau unique, débarrassée des handicaps du système concurrentiel, mandatée et financée pour développer le service public fret, TET, TER. La SNCF devra aussi se réorganiser en interne pour être plus efficace.

La fédération CGT cheminots a déjà produit un document complet sur l’avenir du fret dénommé « Ensemble pour le fret », toujours d’actualité. Nous rendrons bientôt public un document similaire sur le transport ferroviaire public de voyageurs comportant 21 conditions pour son développement. Le système ferroviaire est un réseau interconnecté dans lequel toutes les activités sont ­dépendantes les unes des autres. Vouloir les segmenter et les séparer est l’erreur majeure de ces vingt dernières années, avec pour conséquence une multiplication des dysfonctionnements. Relancer le service public ferroviaire, c’est possible et nous savons comment faire !  

Un caractère national, les régions et un opérateur

Cécile Cukierman Sénatrice PCF de la Loire

Depuis de nombreuses années, sous l’impulsion politique des gouvernements successifs et une direction de la SNCF consentante, notre bien commun qu’est le service public ferroviaire national se dégrade. Entre les suppressions de trains, de lignes dans les territoires ruraux et la multiplication des fermetures de guichets dans les gares voyageurs et des agences SNCF en ville, la politique de démantèlement est depuis bien longtemps en marche.

Le seul but de cette manœuvre est de tendre vers une privatisation du secteur par l’ouverture à la concurrence et la recherche de réduction des coûts au détriment de la sécurité et de la qualité de service.

A contrario, je suis convaincue que nous devons conserver le caractère national du réseau ferré et de son opérateur historique, la SNCF. Le maintien de ce caractère national est la condition qui permettra de garantir l’égalité des territoires et des Français dans l’accès au ferroviaire. Si nous voulons un grand service public national du rail, nous devons rester mobilisés pour conserver toutes nos lignes, et augmenter l’offre ferroviaire.

Il est totalement illusoire de penser que l’on peut marier une politique d’aménagement du territoire digne avec la libéralisation du rail, conduisant à des politiques court-­termistes, centrées sur la rentabilité de l’offre. À cette vision j’oppose l’intérêt général, la réponse aux besoins exprimés en termes d’aménagement du territoire, de droit à la mobilité ou de transition environnementale.

En ce sens, les régions ont un rôle majeur à jouer. Elles doivent être les défenseurs de l’existant et en partenariat avec la SNCF accompagner le développement de l’offre, son amélioration. À l’heure des contrats de plan État-­région, nous devons être ambitieux et à l’offensive pour inscrire la rénovation, la réouverture de lignes ferroviaires. Le service public ferroviaire n’est utile que s’il est performant, fiable et régulier. Les agents, dans la diversité de leur métier, sont indispensables. La ­déshumanisation à outrance fragilise également le service public ferroviaire.

D’un point de vue plus législatif, je considère que les ­directives européennes sont faites pour être révisées si elles ne répondent pas à leur postulat de départ, en l’occurrence une amélioration du service. La France a déjà connu l’ouverture à la concurrence avec le fret ferroviaire, et pour quel résultat ? Un recul du rail au profit de la route, une rétraction du réseau et même son abandon parfois.

Enfin, les expériences étrangères nous démontrent que cette voie n’est pas souhaitable pour les usagers du train. Partout ailleurs, avec l’arrivée de la concurrence, les tarifs ont explosé, excluant les plus pauvres de son accès. Les aspects de sécurité ferroviaire ne doivent être ­négligés, or l’on constate que celle-ci est bien plus difficile à obtenir avec la multiplication des opérateurs.

La relance du service public ferroviaire est une impérieuse nécessité, tant pour garantir les déplacements indispensables à chacune et chacun, pour aller se former, travailler mais aussi tout simplement s’évader, que pour garantir un aménagement du territoire équilibré, et pour contribuer à relever le défi climatique en réduisant drastiquement camions et voitures. 

Pour un « quoi qu’il en coûte »

Léo Charles Économiste

Il faut le réaffirmer. Le ferroviaire est et doit rester un service public. Face aux défis du changement climatique et de la hausse des inégalités, seul un service public ferroviaire de qualité permettra de combiner les enjeux d’écologie, de réduction des inégalités territoriales et sociales. Car l’histoire nous l’a prouvé. Le secteur privé est incapable de maintenir un service ferroviaire de qualité, sécurisé et accessible à tous. C’est donc bien à l’État de réinvestir massivement ce domaine trop ­longtemps délaissé.

Alors pour qu’il soit de qualité, il doit être public et financé à la hauteur des besoins et des objectifs. Les  ­différents rapports estiment qu’il faudrait quelque 60 milliards d’euros pour régénérer les infra­structures. Il faudra bien entendu aussi prévoir la modernisation du matériel roulant et l’embauche de salariés.

Pour cela, deux solutions : dans un premier temps, comme pour tout investissement public nécessaire, l’État doit s’endetter. Cela tombe bien, aujourd’hui les taux d’intérêt sont bas, voire négatifs : emprunter nous coûte de moins en moins cher. Ainsi, selon l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), l’État pourrait prévoir d’emprunter 100 milliards d’euros supplémentaires sans pour autant faire payer la facture aux ménages à travers un supplément d’imposition dédiée. En effet, par le ­truchement des taux bas, la charge réelle de la dette française (les intérêts que l’on doit rembourser) a ­diminué de près de 15 milliards d’euros entre 2011 et 2019. Autant de marge de manœuvre pour soutenir le service public ferroviaire. Par ailleurs, à l’occasion du plan de relance européen, la France a précisé que 30 milliards d’euros seraient alloués à la transition énergétique. Avec une plus grande volonté politique, ce montant pourrait être augmenté, puisqu’il correspond à la ­volonté affichée par la Commission européenne d’engager la lutte contre le réchauffement climatique.

Dans un second temps, l’objectif de transition écologique et sociale porté par le rail nécessite de mettre en place une réforme fiscale nous permettant de dégager les marges de manœuvre nécessaires au financement de notre modèle social et de la transition. Notamment, le rétablissement d’une contribution sur les plus hauts revenus serait bienvenu pour relancer le rail. Si l’on se base sur les ­recettes fiscales tirées du feu impôt de solidarité sur la fortune (ISF), ce ne serait pas moins de 5 milliards d’euros qui pourraient être entièrement dédiés à la refondation de ce service public. Cette contribution « verte » est d’autant plus justifiée dès lors que les 10 % des ménages les plus riches sont responsables de 45 % des émissions de CO2.

Si la transition écologique et sociale est notre objectif, alors des investissements publics sont nécessaires, en particulier pour favoriser une mobilité plus écologique et inclusive. Le service public du rail doit être l’un des maillons centraux de ces investissements utiles et ce… quoi qu’il en coûte. 

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