L’écrivain et fondateur du festival Étonnants Voyageurs, à Saint-Malo, est décédé dans la nuit de vendredi à samedi, à l’âge de 67 ans. Il avait choisi, à la suite de Mai 68, la voie royale de la fiction et du poème.
Michel Le Bris est mort dans la nuit de vendredi à samedi. Il avait 76 ans. Il était le fondateur du festival Étonnants Voyageurs ancré à Saint-Malo, créé en 1990 avec Maëtte Chantrel, Christian Rolland, Brigitte Morin et Jean-Claude Izzo, point de convergence, selon lui, « des petits enfants de Stevenson et de Conrad ». Des centaines d’écrivains du monde entier s’y sont rendus.
Né le 1er février 1944 à Plougasnou, près de Morlaix (Finistère), d’une mère femme de ménage et de père inconnu, Le Bris est un élève exceptionnel qui « doit tout aux livres et aux instits », comme il dit dans son dernier ouvrage, Pour l’amour des livres (Grasset). Diplômé de HEC en 1967, il est nommé, la même année, rédacteur en chef de Jazz Hot, tout en débutant une carrière de critique au Magazine littéraire. Il dirige aussi la Cause du peuple, relais presse de la gauche prolétarienne.
En 1973, il cofonde Libération
Mai 68 arrive. « Un moment de grâce », dit-il. Le journal est interdit en 1970. Le Bris écope de huit mois ferme à la Santé, « pour délit d’opinion ». En avril 1973, il cofonde Libération. Avec Sartre, il crée et dirige la collection « La France sauvage ». En 1977, Le Bris publie l’Homme aux semelles de vent (Grasset), Il y prend ses distances avec le « dogmatisme politique » et Mai 68, dont l’héritage résiderait dans le retour possible « à la fiction et au poème ». La Porte d’or (Grasset, 1986) raconte son périple en Californie, au cours duquel il a exhumé une œuvre inachevée de Stevenson. Il sera aussi éditeur chez Phébus et lancera la collection « Voyageurs/Payot ». La collection « Gulliver» voit le jour chez Flammarion, ainsi que la revue trimestrielle homonyme, qui paraît à compter d’avril 1990.
« Pour une littérature-monde »
À partir de 2000, des éditions spécifiques du festival ont lieu à Bamako, Port-au-Prince (au moment du terrible séisme), Sarajevo, Dublin, Haïfa, Brazzaville… À Étonnants Voyageurs, tous les genres littéraires se croisent : BD, SF, documentaire. De Jacques Lacarrière à Nicolas Bouvier, d’Alain Borer à Gilles Lapouge, tant d’autres, l’affiche est brillante.
En 2007, sur son initiative, avec Jean Rouaud, Alain Mabanckou et Abdourahman Waberi, c’était le manifeste « Pour une littérature-monde », signé par 44 écrivains de langue française, dont J.-M.-G. Le Clézio et Édouard Glissant. Le texte prônait la mise en lumière d’une « littérature de langue française outrepassant les limites de l’Hexagone ». Il aura organisé des rencontres intenses : Jim Harrison, Patrick Chamoiseau, Boualem Sansal, Derek Walcott… Il a fait paraître, en 1994, le premier volume de la biographie de Stevenson. En 2008, son livre la Beauté du monde était finaliste du Goncourt. En 2009, dans Nous ne sommes pas d’ici, il revenait sur son parcours littéraire. En 2015, il passait les rênes des Étonnants Voyageurs à sa fille Mélani. On aimait son appétit de livres et de vivre.
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