Députée du Parti démocratique des peuples (HDP) au Parlement turc, Tulay Hatimogullari vient d’interpeller le ministre des Affaires étrangères, Mevlüt Çavusoglu. Plusieurs articles et témoignages récents font état de centaines de femmes et de filles kurdes qui auraient été enlevées dans le nord de la Syrie par des milices pro-Turcs et emmenées en Libye pour y être vendues comme esclaves sexuelles. « Enquêtez-vous sur les allégations selon lesquelles des filles et des femmes d’Afrin ont été envoyées en Libye comme esclaves ? Votre ministère est-il au courant des agressions sexuelles dans les camps et les prisons d’Afrin ? Allez-vous prendre les mesures nécessaires pour faire face à ces violations des droits ? Allez-vous mener des activités coordonnées avec les organisations internationales à cet égard ? » a demandé la parlementaire malgré les menaces qui pèsent sur les élus du HDP et dont certains sont emprisonnés, comme Selahattin Demirtas. Au total, plus de 1 000 femmes et filles seraient portées disparues uniquement à Afrin depuis l’invasion turque au printemps 2018.
Les mineures sont les principales victimes
Fin décembre, Sky News Arabia a publié des témoignages selon lesquels « le viol, la captivité et l’oppression des femmes kurdes à Afrin sont perpétrés avec la connaissance et l’approbation de la Turquie, où des dizaines de femmes, en particulier des mineures, sont tuées (…). Elles sont extorquées financièrement, violées et soumises à la violence et aux abus (…) ».
C’était au milieu du mois d’août. Salwa Ahmed Shasho, 14 ans, se trouvait devant sa maison située dans une bourgade du canton d’Afrin, en Syrie, occupé par l’armée turque et ses supplétifs islamistes. C’est alors qu’ont surgi des hommes armés, membres de Jaych al-Nokhba (l’Armée de l’élite), qui ont emmené cette jeune Kurde à leur quartier général, dans le village d’Amara. Les voisins ayant assisté à l’enlèvement ont prévenu la « police militaire » créée par l’occupant dont le rôle est non pas de protéger les populations mais de gérer, voire d’apaiser les tensions permanentes entre les groupes armés responsables d’exactions, de pillages, de kidnapping, de vols et de viols. D’ailleurs, pour emmener Salwa Ahmed Shasho d’Afrin à leur QG, les djihadistes ont dû passer deux postes de contrôle tenus par les services secrets turcs.
La jeune fille a néanmoins pu être libérée près de 24 heures après. Selon un journaliste d’ Afrinpost, une publication qui documente avec courage ce qui se passe dans cette zone, après le retour de Salwa à son domicile, totalement bouleversée psychologiquement, ne cessant de répéter : « Je ne veux pas aller en Libye », indiquant que les ravisseurs avaient l’intention d’envoyer cette jeune femme en Libye pour la vendre à des marchands qataris comme « esclave sexuelle ». Rien de malheureusement surprenant lorsqu’on se souvient du sort réservé aux femmes yézidies du Sinjar par les djihadistes de l’organisation dite de l’« État islamique ». Or, les milices supplétives qui sévissent dans les zones syriennes occupées par l’armée turque sont constituées en grande partie d’anciens combattants de Daech et/ou d’al-Qaida (le Front al-Nosra, devenu Hayat Tahrir al-Cham, qui contrôle la province d’Idleb).
Un hôpital encombré de cadavres de personnes kidnappées
Parmi les multiples histoires qui brisent l’horreur quotidienne que vivent les femmes d’Afrin, celle-ci. Il n’y a pas si longtemps, un groupe armé affilié à la milice Sultan Murad a enlevé une petite fille qui n’avait même pas 13 ans. L’Organisation des droits de l’homme d’Afrin – qui travaille dans des conditions extrêmement difficiles – a affirmé qu’elle avait été victime de violences sexuelles de la part de ces miliciens et qu’elle avait été transférée à l’hôpital après avoir été exposée à ce crime odieux, et qu’elle avait depuis disparu, malgré les questions répétées de sa famille à son sujet.
Le directeur de cette même ONG, Ibrahim Sheikho, qui a pu recueillir le témoignage de femmes qui ont fui, insiste : « Les fugitifs d’Afrin parlent de l’hôpital d’Afrin encombré de cadavres de femmes kidnappées, accusées d’être des terroristes et d’avoir menacé la sécurité de l’État turc, y compris des enfants. »
Sakine Cansiz, 54 ans, une des fondatrices du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), Fidan Dogan, 28 ans, et Leyla Soylemez, 24 ans, ont été tuées le 9 janvier 2013 en plein Paris. Plus de 5 000 personnes, parmi lesquelles de nombreux élus du PCF, ont défilé samedi pour réclamer justice pour ces trois militantes kurdes dans cette affaire jamais jugée. « Nous dénonçons un assassinat politique et aussi un féminicide. On essaie de nous faire oublier ce crime inacceptable qui s’est passé en France », dénonce Yekbun Eksen, membre du Conseil démocratique kurde en France.
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