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31 janvier 2021 7 31 /01 /janvier /2021 10:20
Michel Le Bris a chaussé ses semelles de vent (Ouest-France, 30 janvier 2021)

Ouest-France

Fondateur du Festival Étonnants Voyageurs, Michel Le Bris a chaussé ses semelles de vent

L’écrivain breton, journaliste, romancier, essayiste et fondateur du festival Étonnants Voyageurs de Saint-Malo, est décédé hier, à l’aube de ses 77 ans.

 Nous naissons, nous grandissons dans le bruissement des milliers de récits, de romans, de poèmes, qui nous ont précédés. […] Quand sera venu le temps de mon dernier livre, je m’éclipserai de ce monde pour les rejoindre. Et tout sera bien ​, écrit Michel Le Bris, dans Pour l’amour des livres.

Publié en 2019, il restera le dernier ouvrage de l’œuvre monumentale (plus d’une cinquantaine d’essais, romans et biographies) de l’écrivain breton, décédé hier à l’aube de son 77e anniversaire.

Composé après l’apparition de la maladie qui vient de l’emporter, Pour l’amour des livres disait son enfance  pauvre et solitaire entre deux hameaux du Finistère ​. Comment le gamin de Plougasnou qu’il était a pu, grâce à  la puissance de libération des livres et au soutien d’enseignants avisés, accéder à des études supérieures. Avant un incroyable parcours.

Le soutien de Sartre

Diplômé d’HEC en 1967, Michel Le Bris a fait son entrée dans l’univers des lettres par le journalisme. D’abord comme rédacteur en chef de la revue Jazz Hot, puis comme directeur de La Cause du peuple, le journal de la Gauche prolétarienne, en 1970.

Le pouvoir cherche à faire tomber le mouvement d’extrême gauche en multipliant les procès contre ses dirigeants, Michel Le Bris compris. Condamné à 8 mois de prison – purgés à la Santé en 1971 – il a le soutien de Jean-Paul Sartre. Le philosophe l’associera au lancement de Libération, en 1973, et à la création de la collection La France Sauvage​, chez Gallimard.

Il navigue entre journalisme et édition : conseiller littéraire chez Grasset, critique au Magazine littéraire, chroniqueur au Nouvel Observateur, il a également été directeur des programmes de FR3 Ouest au début des années 1980.

Michel Le Bris se laisse  guider par une conviction têtue que lui inspire l’époque : la littérature française, autocentrée, s’est étiolée en tournant le dos à la fiction, au roman, au romantisme. À la recherche  de nouvelles manières de penser le monde ​, il veut lui  ouvrir des espaces où respirer plus large ​.

L’Homme aux semelles de vent, essai publié en 1977, est le premier jalon de ce long  combat ​, mené sur plusieurs fronts. Par ses propres écrits. En publiant des dizaines d’écrivains-voyageurs dans les multiples collections qu’il a créées ou dirigées (chez Phébus, Payot, Hoëbeke, Flammarion, La Table Ronde…). Au travers du festival Étonnants Voyageurs, qui va les fédérer et les faire connaître.

Tout s’accélère en 1990, l’année de la création, avec Olivier Cohen et Alain Dugrand, de la revue Gulliver.  Faite exclusivement de textes d’écrivains se reconnaissant dans notre projet ​.

Et du festival Étonnants Voyageurs,  qui allait grandir à toute vitesse, porté par le public et les écrivains ​. Les premières éditions convoquent une kyrielle de grandes plumes de la littérature de voyage, méconnues – voire inconnues – avant leur passage à Saint-Malo. Patrick Leigh Fermor. Peter Matthiessen. Nicolas Bouvier. Ella Maillart. Anita Conti. Álvaro Mutis. Gilles Lapouge. Jacques Lacarrière. Jacques Meunier…

Étonnants Voyageurs les met dans la lumière – comme il continue à le faire depuis 30 ans, pour des générations d’écrivains du monde entier – tout en s’imposant rapidement comme un lieu de création à part entière, grâce aux prises de position de ses participants. Dès 1992, le manifeste Pour une littérature voyageuse affirme que  la littérature se trouve toujours en danger de s’affadir […] si le monde ne vient pas continûment l’interpeller, la réveiller, l’électriser ​. Ce que permet Étonnants Voyageurs chaque année.

À la rencontre du monde

Depuis le début des années 2000, le festival va même à la rencontre du monde, par l’organisation de répliques dans différentes villes : Missoula (Montana), Dublin, Sarajevo, Bamako, Port-au-Prince, Haïfa, Rabat… En 2017, le mouvement avait inspiré un autre manifeste majeur, Pour une littérature-monde, signé par 45 écrivains de langue française, dont le Prix Nobel de littérature Jean-Marie Gustave Le Clézio.

C’est ce formidable legs que nous laisse Michel Le Bris. Commandeur des Arts et des Lettres, Chevalier de la Légion d’honneur, il avait reçu le Grand Prix de Littérature Henri Gal en 2019, pour l’ensemble de son œuvre.

Une œuvre appelée à se poursuivre.  Fidèle à sa volonté et fort de son éternel enthousiasme, le festival Étonnants Voyageurs vivra, car, comme Michel l’insufflait à chacun, nous sommes plus grands que nous ! annonçaient Éliane et Mélani Le Bris, son épouse et sa fille, hier.

La 30e édition du festival doit se tenir en mai. Michel Le Bris y sera, au cœur du bruissement des livres qui nous disent le monde. Et tout sera bien.

https://www.ouest-france.fr/culture/festivals/etonnants-voyageurs/michel-le-bris-a-chausse-ses-semelles-de-vent-7137227

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