Il faut construire en conciliant l’écologie et le social
Ian Brossat Maire adjoint PCF à Paris, en charge du logement
Imaginait-on, il y a encore quelques années, qu’une étrange coalition contre nature, associant la droite la plus réactionnaire, EELV et la France insoumise, puisse s’opposer à la création de 80 logements sociaux (55 pour des familles modestes, 25 pour des sans-abri) en plein cœur du 16e arrondissement ? Une telle perspective aurait été tout simplement inenvisageable. C’est pourtant ce qui s’est produit, rue Erlanger. Pour annuler le permis de construire, le tribunal administratif s’appuie sur un vœu adopté au Conseil de Paris, au printemps dernier, par cette alliance de la carpe et du lapin.
Les arguments invoqués par les opposants sont pourtant d’une insondable faiblesse, arguant du fait qu’il s’agirait de « bétonner » un espace vert, oubliant que les logements prendraient la place d’une cour d’école bitumée et ignorant par la même occasion que le site est situé à 200 mètres du bois de Boulogne.
Cet événement n’aurait guère d’importance s’il ne renvoyait pas à un débat plus large sur l’avenir de nos métropoles. À l’heure où plusieurs municipalités lancent une révision de leur plan local d’urbanisme, un mot est dans toutes les bouches, « dédensification ».
La densité, voilà l’ennemi. C’est mettre de côté deux éléments fondamentaux. Le premier, c’est que les besoins en logements – et tout particulièrement en logements abordables – sont absolument considérables. Le deuxième, c’est qu’à ne pas vouloir bâtir d’habitations en zone dense, on prend le risque de pousser à l’étalement urbain, donc à l’artificialisation des terres. Car il faut bien construire quelque part. Notre pays compte désormais 300 000 sans domicile fixe, et il y a fort à parier que cet état de fait se dégrade dans les années qui viennent avec la crise économique et sociale qui s’aiguise.
À cet argument, beaucoup répondent qu’il conviendrait plutôt de mobiliser les surfaces vacantes : logements et immeubles de bureaux vides. Ce point est juste. Il l’est tellement que la Ville de Paris n’a attendu personne pour convertir 350 000 mètres carrés de bureaux obsolètes en logements au cours des six dernières années. La capitale compte par ailleurs plus de 100 000 logements vacants. Mais c’est oublier un peu vite que les municipalités n’ont aucun pouvoir de réquisition ; celui-ci est à la main du préfet, qui, lorsque des adresses lui sont pourtant signalées, rechigne à l’appliquer. Il y aurait matière à se mobiliser pour réclamer que les communes disposent de plus de compétences dans ce domaine. Après tout, les élus locaux ne seraient pas les plus mal placés pour décider de la réquisition de tel ou tel bâtiment laissé inoccupé depuis des lustres. Il reste que les municipalités ne disposent pas de cette arme-là aujourd’hui et il est fort peu probable que le gouvernement, qui n’a pas témoigné d’une confiance débordante vis-à-vis des collectivités territoriales, leur confie cette responsabilité.
Faut-il par conséquent attendre un bouleversement législatif – peu plausible à court terme – pour agir en faveur du logement pour tous ? Assurément non. Encore moins dans cette période caractérisée par une explosion de la pauvreté et de la précarité. Il faut par conséquent construire. Et il veut mieux construire en zone dense qu’entretenir le développement du pavillonnaire en deuxième couronne. C’est, à mes yeux, la seule position cohérente et sérieuse. La seule qui permette de concilier l’écologie et le social.
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