Jeune militant, combattant antifasciste, franc-tireur, militaire… Le Colonel Fabien, né Pierre Georges, a marqué l’histoire en étant le premier résistant à abattre un soldat allemand.
Le 21 août 1941, il est un peu moins de 9 heures quand trois hommes pénètrent dans la station de métro Barbès- Rochechouart, à Paris. Deux d’entre eux montent sur le quai, en face du wagon de la première classe. Chacun tient dans sa paume un revolver. Celui qui est utilisé, un 6,35 mm, a été « emprunté » à la mère d’un étudiant communiste. Il est tenu par un jeune homme de 22 ans. Sa cible, l’aspirant allemand Alfons Moser. Deux coups de feu retentissent dans la rame et sur le quai. Les résistants s’enfuient et se retrouvent dans un square. Le tireur est surnommé Fabien. « Il respire profondément et fait un mouvement d’expiration avec ses bras. Il s’exclame : “Titi est vengé.”», racontera l’un des camarades de Fabien après l’opération. Samuel Tiszelman « Titi » avait été fusillé par l’occupant deux jours plus tôt. L’attentat du métro Barbès fait office de représailles. Il fait surtout entrer la résistance française dans la lutte armée, et le tireur dans la mythologie de ce combat : il s’agit du tout premier attentat meurtrier visant un soldat allemand de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale.
Si la postérité a retenu le pseudonyme du Colonel Fabien, la vie clandestine de Pierre Georges lui en a donné d’autres. Issu d’une famille de militants (son frère sera maire des Lilas), il rejoint les Jeunesses communistes dès 14 ans. À 17 ans, il ment sur son âge et fait ses premières armes en tant que Frédo, dès le début de la guerre d’Espagne, en 1936. En intégrant les Brigades internationales, il choisit la lutte armée contre le fascisme. « Il brûlait d’envie de partir au front, mais on le retenait à cause de son âge », peut-on alors lire dans un rapport le concernant. Blessé au ventre, Frédo retourne en France en 1938 et devient ouvrier. Il est ensuite élu au comité central des Jeunesses communistes. À la fin de l’année 1939, le PCF est interdit, mais le futur Colonel Fabien reste plus que jamais militant et s’engage dans la Résistance sous l’occupation allemande. En juillet 1941, il devient commissaire militaire de l’Organisation spéciale du PCF.
Si les Allemands ne voulaient pas recevoir la mort de nos mains, ils n’avaient qu’à rester chez eux. » GÉNÉRAL DE GAULLE
Mais Pierre Georges ne fait pas qu’organiser les troupes : il donne lui-même l’exemple. À l’été 1941, il se charge donc personnellement de l’assassinat d’un officier allemand approuvé par les dirigeants de la France libre. « Les coups de feu tirés par le jeune Français sont la suite logique, fatale, inéluctable de l’attentat permanent contre la nation française par l’ennemi et ses complices, (…) l’attentat appelle l’attentat », réagit Maurice Schumann sur Radio Londres. L’attentat du métro Barbès enclenche une dure vague de répression, de nombreux otages résistants sont exécutés. Si le général de Gaulle désapprouve la méthode de la guérilla urbaine, il apporte son soutien à Fabien : « Il est absolument normal et absolument justifié que des Allemands soient tués par les Français. Si les Allemands ne voulaient pas recevoir la mort de nos mains, ils n’avaient qu’à rester chez eux. »
La colonne Fabien combat jusque dans le Haut-Rhin
Passé ce fait d’armes, Frédo s’implique toujours plus. En 1942, il organise dans le Doubs l’un des premiers maquis français. Pour échapper à la milice, il traverse le fleuve à la nage et est blessé à la tête. Il prend les traits de l’abbé Paul-Louis Grandjean avant d’être finalement rattrapé et arrêté. Frédo est emprisonné, torturé, condamné à mort, puis finalement transféré au fort de Romainville pour être déporté, mais il s’échappe. Sitôt libre, il s’implique dans l’organisation des maquis dans les Vosges, la Haute-Saône et le Centre-Nord.
Responsable FTP pour tout le sud de la région parisienne, il prend le nom de Colonel Fabien en 1944 et participe à la libération de Paris, en août. À l’automne, il rassemble 500 hommes prêts à combattre aux côtés des alliés, auprès du général Patton puis aux côtés de Lattre de Tassigny. La colonne Fabien combat jusque dans le Haut-Rhin, où, dans des conditions jamais élucidées, son chef trouve la mort en manipulant une mine, en décembre, à seulement 25 ans. La place qui accueillera plus tard le siège du Parti communiste français et la station de métro qui lui fait face prennent son nom dès l’année suivante.
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