Cent ans déjà, 100 ans à peine. Nous fêtons cette semaine la fondation du Parti communiste français. Né de l’horreur de la Première Guerre mondiale, du refus de la collaboration qu’une partie du courant socialiste scella avec l’Union sacrée, ce parti, qui sut concilier le drapeau tricolore et le drapeau rouge, a toujours été un élément moteur de l’union populaire et des forces prônant la transformation sociale, comme le fer de lance des combats internationalistes pour l’émancipation humaine.
Malgré les obstacles, les persécutions dont ses militants ont souvent été l’objet, les erreurs et retards dont il a su faire la critique, on ne peut enlever aux générations de militants leur dévouement sans faille à la défense des intérêts populaires, la fidélité à ceux de leur pays et à la solidarité internationaliste, les combats pour la paix, le désarmement et l’antiracisme. C’est par la voix de ces militants que les noms de Sacco et Vanzetti, Julius et Ethel Rosenberg, Angela Davis, Nelson Mandela, comme ceux de Marwan Barghouti et de Mumia Abu Jamal ont pu s’inscrire dans les rues et résonner sur les places publiques.
Deux des combats portés par les communistes trouvent aujourd’hui une singulière résonance. Tout d’abord, l’appel que le Parti a lancé avec ses parlementaires pour s’opposer à la Constitution gaullienne de 1958, dont le présidentialisme exacerbé continue d’être un verrou institutionnel bloquant toute perspective de changement. De même, ses propositions pour refuser « l’Europe du capital », dès la fin des années 1950, comme l’incomparable force d’entraînement qu’il a constituée pour que les Français refusent le projet de Constitution européenne, après avoir été le seul parti à refuser l’Acte unique, puis le traité de Maastricht, tout en travaillant à une union des peuples souverains fondée sur des projets communs, démontrent sa capacité d’anticipation.
Les tentatives répétées d’effacer son apport à l’histoire de France, par la guerre idéologique comme par l’empilement des contre-réformes vouées à l’anéantissement d’un siècle de conquêtes sociales, témoignent de l’intangible détermination des capitalistes et de leurs serviteurs à plonger dans l’oubli politique les classes populaires et leurs aspirations à vivre mieux, libres et respectées. C’est ainsi que le champ politique tend aujourd’hui à se résumer à un panel de nuances, parfois fortes, voire inconciliables, mais dont les classes populaires sont absentes, reléguées ou renvoyées dans la foule des abstentionnistes anonymes.
Prolongement de l’histoire révolutionnaire du pays, le communisme en fut tout autant la « rupture » en proposant pour la première fois au large peuple du travail un cadre d’organisation inédit, performant et fraternel, que chacune et chacun investissait en le transformant, rendant vivante la maxime de la Ire Internationale selon laquelle « la libération des travailleurs sera l’œuvre des travailleurs eux-mêmes ». Ce faisant, le Parti communiste permit à des millions d’entre eux d’acquérir des compétences rivalisant avec celles de la bourgeoisie, d’accéder à des formations de très haut niveau politiques, culturelles, scientifiques, donnant ainsi honneur et dignité à celles et ceux qui n’étaient jusqu’ici jugés dignes ni de l’un, ni de l’autre.
Des générations d’élus gagnant des responsabilités jusqu’aux ministères, de responsables syndicaux ou associatifs devinrent ainsi des « cadres » de grande qualité, restés proches du peuple dont ils et elles étaient issus. Cela au bénéfice de l’ensemble de la nation, qui s’est redéfinie à l’aune des conquêtes sociales arrachées par les travailleurs organisés.
Ses ennemis d’aujourd’hui comme d’hier refusent d’accepter que l’essor de la démocratie en France soit étroitement lié à celui du phénomène communiste. Sans l’apport communiste, la République n’aurait pu être qualifiée de démocratique, de sociale ou de laïque que par abus de langage. Plus que cela, par son activité intense, ses victoires politiques, son ancrage, il a retissé le lien avec les avancées décisives, philosophiques et politiques, de la Grande Révolution ou de la Commune. Et quand la nation sombrait sous la collaboration, il en fut l’honneur. C’est à lui que l’on doit ces fragments de communisme que sont la Sécurité sociale, le statut de la fonction publique, la création d’EDF, les congés payés, les services publics, la retraite solidaire par répartition, les réductions du temps de travail, plusieurs nationalisations, les maisons de la Culture comme les centres de santé dans les municipalités, la solidarité concrète avec les travailleurs immigrés.
Les classes possédantes ont ainsi été contraintes de céder du terrain, non pas tant par la radicalité des discours et des postures que par l’organisation politique massive de celles et ceux qui ont un intérêt objectif à changer le monde : l’immense peuple des travailleurs, dont les plus exploités d’entre eux, les créateurs. Cette irruption des classes populaires, conscientes de leur poids, de leur rôle historiques, de leurs responsabilités à l’égard du peuple français comme des peuples du monde en a fait pâlir plus d’un. Et le poids que le Parti communiste, certes réduit, continue d’exercer par l’activité parlementaire, par l’engagement de ses milliers d’élus et de ses réseaux militants, qui en ce moment même organisent la solidarité avec les plus démunis dans les quartiers, animent des combats pour la garantie de l’emploi dans des entreprises et se placent aux côtés des créateurs, n’a pas fini d’exaspérer les tenants de l’ordre injuste qui ne rêvent que de conjurer définitivement le spectre d’un changement révolutionnaire, au moment où le mode de développement capitaliste est entré en procès permanent.
Comme ont su le faire les anciennes générations de militants et de dirigeants, l’heure est à l’invention pour une puissante ambition transformatrice, rassembleuse et innovante. Avec, au cœur de tout, la démocratie jusqu’au bout, la démocratie pour de vrai. Voilà ce à quoi se refusent les capitalistes. Voilà ce qui continue d’inspirer les communistes.
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