Portrait de résistante communiste:
9. Renée Losq, née Baudic, une grande dame de la résistance nantaise (1910-2003)
Renée Baudic est née le 4 juillet 1910 à Nantes. Fille naturelle de Clémentine Gachet, blanchisseuse, Renée Baudic fut légitimée par le mariage de sa mère et de Joseph Marie Baudic, manoeuvre, le 25 novembre 1910 à Nantes. Son père meurt pendant la première guerre mondiale.
Elle épouse Jean Losq en septembre 1930. Jean Losq était ouvrier riveur à l’usine nantaise des Batignolles, Société de locomotives Batignolles-Châtillon, aux Batignolles, elle ouvrière mécanicienne dans l’entreprise de confection de vêtements militaires Cholette à Nantes. Le couple s’installa dans le quartier Babin puis avec leurs trois filles emménagèrent dans la cité pavillonnaire Halvèque, une des trois cités de HBM construites par l’entreprise et la ville de Nantes.
Ils ont vécu à la Halvèque et ont pris leur carte au Parti Communiste en 1935. Ils sont de ceux qui permirent au Front Populaire d'être victorieux en 1936. Malgré l’interdiction du PC en 1939, ils sont restés militants communistes et se sont engagés dans la résistance. Renée, à 29 ans, devient militante du Parti communiste clandestin. Quand l'armée allemande arrive à Nantes, Renée et Jean, déjà aguerris par une année de clandestinité, prennent tout naturellement le chemin de la lutte contre le gouvernement de Vichy et l'occupant allemand. Et pourtant, le couple, lors de l'arrestation de Jean en 1942, a sept enfants. C’était une résistance « d’aide », en collant des affiches la nuit, distribuant des tracts, parfois avec les enfants. Ils cachaient des gens, des militants de passage qu'ils ne connaissaient pas, ils volaient des tickets de ravitaillement pour aider les familles, les clandestins. Ils n’ont pas fait d’acte de sabotage.
L'action de Renée Losq relayait principalement celle du dirigeant Louis Le Paih, ami d’enfance du quartier Babin. Elle assurait également l’hébergement des résistants recherchés, notamment celui de Raymond Hervé après son évasion du palais de justice de Nantes le 9 septembre 1942. Ce jour, alors que le juge Le Bras auditionnait Raymond Hervé, ses camarades résistants Louis Le Paih, Eugène Le Bris et Jean Marc investirent le lieu, le juge fut tué et un gardien de la paix blessé. Renée observait depuis un café proche, sa fille Jeannine jouait dans le jardin du Palais observant la situation.
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La Gestapo de Nantes et leurs acolytes de la S.P.A.C, la section spéciale anticommuniste, une branche de la police française chargée de traquer les communistes, étaient très actifs en Loire-Atlantique. Dès la fin juillet 1942, une vaste vague d'arrestations de femmes et d'hommes soupçonnés d'être communistes avait été organisée. 142 personnes avaient été arrêtées. Les résistants ne restèrent pas passifs. Ils tentèrent et réussirent un coup de force contre le palais de justice. Renée et une autre jeune fille avaient au préalable repéré les lieux, ce qui facilite l'investissement du bureau du juge d'instruction par un groupe de résistants. Le juge sera abattu au cours de l'action qui permet la libération de Raymond Hervé, considéré comme un des chefs de la résistance régionale. Renée est chargée de le conduire dans un lieu sûr. Malheureusement, il sera arrêté quelques jours plus tard à Lanester, dans le Morbihan.
Renée et Jean Losq sont également arrêtés.
Renée est arrêtée avec ses deux filles à Trégunc près de Concarneau le 28 septembre 1942, après avoir contribué à cacher Raymond Hervé. La section anticommuniste de la S.P.A.C la conduit à Quimper puis à Nantes. Ses filles seront relâchées au bout d'un mois. Les interrogatoires sont menés par la police française, rue Garde Dieu à Nantes. Renée Losq n'est pas violentée néanmoins car la police a déjà arrêté sa cible principale: Raymond Hervé. Marie Michel n'aura pas la même chance: elle est mise à genoux sur une barre de fer, obligée d'étendre les bras en croix tout en portant des livres. La police la roue de coups quand elle les baisse, racontera Renée Losq à un journaliste de Ouest-France à Sainte-Luce sur Loire. Renée et Marie sont emprisonnées à la prison Lafayette de Nantes sous la garde des Allemands.
Le procès des 42 se déroule à Nantes du 15 au 28 janvier 1943. Il était joué d’avance car les Allemands et le gouvernement français voulaient faire un exemple pour enrayer la résistance en pays nantais. Les débats sont incompréhensibles pour les Résistants, car conduits en Allemand. C'est une parodie de procès mais au vu des ravages dans l'opinion publique de l'exécution des otages de Châteaubriant et de Nantes en octobre 1941, les Allemands et Vichy ont voulu organiser un simulacre de légalité pour éliminer ces résistants. On fait passer tout le monde pour des tueurs alors que Jean Losq, selon Renée, n'a jamais participé à un sabotage, quoique entré lui aussi dans la clandestinité.
37 résistants accusés sur 42 furent condamnés à mort après 15 jours d'audience. Les deux seules femmes, Renée Losq et Marie Michel, obtinrent un non-lieu faute de preuve, mais restèrent en prison et furent déportées en Allemagne où elles sont condamnées respectivement à 12 et 8 ans de travaux forcés.
Quand elles partent, elles ne savent pas encore que leurs maris sont fusillés.
Jean est fusillé le 13 février 1943 avec son beau-frère Jacques Guilloux. Renée et Jean se voient la dernière fois à la sortie du procès et se parlent un instant. La mère de Jean décède le lendemain en apprenant l’exécution. Renée va aller de prison en prison avant d’être déportée en Allemagne, Aix-La-Chapelle, Prünn, forteresse de Breslau (aujourd'hui en Pologne), Ravensbrück, Mauthausen.
La Croix Rouge suédoise la libère le 23 avril 1945. Elle a 35 ans. Elle pèse 32 kg. Renée retrouve ensuite ses camarades qui ont survécu à la barbarie nazie, ses enfants, qui ont été accueillis par la famille ou les amis. La solidarité avait joué. Elle a du mal à les reconnaître. Elle s’installe à Sainte-Luce en 1952, à Bellevue, où elle tient le café de Bellevue et l’auberge des pêcheurs avec son nouveau compagnon, Louis Conan. Après la guerre, elle est toujours militante communiste et dans des associations comme l’A.R.A.C. (Association Républicaine des Anciens Combattants). Ce n’est qu’à partir des années 90 qu’elle commence à raconter son histoire car elle est sollicitée par les journalistes et les historiens. Elle meurt en novembre 2003, quelques mois après l’inauguration de la place Jean Losq, le 16 février 2003.
Ce qui reste d’elle ? La force et l’énergie qu’elle a eu à témoigner, dans les interviews et les écoles. Son « plus jamais ça ». Il y avait chez Renée et Jean un sens du devoir et de la France. Dans toute cette période, des femmes et des hommes ordinaires ont été des héros. C’est une toute petite minorité, comme les collaborateurs étaient une minorité. La majorité des gens essayaient de s’en sortir.
Sources:
Antoine Porcu, Héroïques Femmes en résistance, Tome II, éditions Le Geai Bleu, 2007, préface de Pierre Outteryck
https://www.sainte-luce-loire.com/actualites/renee-et-jean-losq-hommage-aux-heros-de-lombre/
https://resistance-44.fr/?Renee-Losq
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