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11 novembre 2020 3 11 /11 /novembre /2020 08:14
Les montagnes du Haut-Karabakh (photo Ismaël Dupont, 11 novembre 2020)

Les montagnes du Haut-Karabakh (photo Ismaël Dupont, 11 novembre 2020)

Haut-Karabakh : PAIX ET SOLIDARITÉ AVEC LE PEUPLE ARMÉNIEN (PCF)
 
Après six semaines d’agression militaire, de bombardements et d’exactions contre les républiques d’Artsakh et d’Arménie, l’Azerbaïdjan vient de reprendre le contrôle de plusieurs districts (Agdam, Gazakh, Kelbajar) qu’entérine le cessez-le-feu ratifié sous l’égide de Moscou.
Cette déclaration fige des positions désormais garanties par le déploiement de 1 960 soldats russes.
 
Le premier ministre arménien, Nikol Pashinian, a affirmé que sa ratification avait été « incroyablement douloureuse pour (lui) et (son) peuple ». Le bilan humain, amplement sous-estimé, est terrible puisqu’il
fait état de 1 300 morts et d’un exode massif des civils. Le nettoyage ethnique est à l’œuvre, avec sa brutalité sanguinaire, exacerbé par le nationalisme criminel du président Ilham Aliev : « J’avais dit que nous
chasserions [les arméniens] de nos terres comme des chiens et nous l’avons fait ».
 
Cette annexion de territoires arméniens, si elle renvoie à un conflit territorial ancien, ne doit pas masquer les mutations des relations internationales et à l’implication directe du régime turc.
 
Ankara a joué un rôle déterminant dans l’ouverture de ce nouveau front en équipant matériellement l’armée azérie et en l’épaulant par l’envoi d’experts et de mercenaires djihadistes. R.T. Erdogan méprise la légalité internationale et ne connait que la règle de la force et du fait accompli. Il a profité de l’absence de volonté politique et surtout de l’impuissance du groupe de Minsk (Etats-Unis, Russie, France) pour accroître son expansionnisme et pour imposer ses volontés en Irak, en Syrie et en Méditerranée orientale. Ne nous y trompons pas, ce nationalisme islamiste nourrit des relents génocidaires à l’encontre des Arméniens.
 
Les Etats-Unis, plus nettement encore sous l’Administration Trump, ont constamment protégé la Turquie de R.T. Erdogan alors qu’à la face du monde Ankara appuyait l’organisation de l’Etat islamique (DAESH) et soutient encore une kyrielle d’organisations djihadistes. L’Union européenne quant à elle, tétanisée par la question des migrants et ses divisions, a fermé les yeux sur les agissements de ce tyran allant jusqu’à extrader, encore récemment, des Kurdes promis à la mort. Quant à la Russie, menacée par plusieurs incendies dans son environnement immédiat (Donbass, Biélorussie, Kirghizistan), elle remporte la palme du
cynisme puisqu’après avoir armé les deux camps, elle doit faire face désormais à l’intrusion turque dans le Caucase. Enfin que dire de l’immense responsabilité du Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, qui
refuse de reconnaitre le génocide arménien et fait de Bakou son principal allié régional en pourvoyant ce régime d’armements de pointe.
 
La communauté internationale a laissé seul un peuple victime d’un agression sauvage.
 
Dans les circonstances présentes, le peuple arménien a besoin d’une solidarité large et massive des peuples et des forces progressistes. La guerre menée par le duo turco-azérie a aggravé les tensions régionales,
les ressentiments nationalistes, chassé de leur terre les Arméniens et ne règle en aucun cas le conflit.
 
Il serait mortifère pour l’avenir de sceller la situation actuelle et de passer à autre chose.
 
La paix ne pourra jamais être fondée sur cette occupation. Il est de la responsabilité des Etats membres de l’ONU, des membres de son Conseil de sécurité, d’assurer la protection internationale des populations
arméniennes et de conduire une diplomatie offensive, sur la base des principes de Madrid, afin de frayer un chemin possible vers la paix respectant les droits inaliénables des peuples.
 
Le gouvernement d’Emmanuel Macron a gravement fait défaut l’amitié qui lie historiquement la France au peuple arménien.  Il s’est targué de sa neutralité alors qu’il a, lui aussi, armé les deux belligérants, et il a
failli dans sa responsabilité au sein du groupe de Minsk. La diplomatie française  doit s’engager résolument pour un véritable retour à la paix.
 
Dans la lutte pour une paix durable, le peuple arménien peut compter sur la solidarité du Parti communiste français.
 
Fabien Roussel, secrétaire national du PCF et député du Nord,
 
Paris, le 10 novembre 2020.
 
 
Haut-Karabakh. Bakou et Moscou, les deux grands vainqueurs de la trêve
Mardi 10 Novembre 2020 - L'Humanité

Un accord signé entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie met un terme au conflit qui avait repris depuis le 27 septembre. Négocié sous la médiation de la Russie, ce compromis acte la victoire militaire de Bakou, qui reprend le contrôle sur une partie du Karabakh. Moscou déploie 2 000 soldats de maintien de la paix.

À l’issue de six semaines de rudes combats entre les forces arméniennes et azerbaïdjanaises au Haut-Karabakh, un accord de cessez-le-feu a été conclu, lundi soir, sous la médiation de la Russie. Ces négociations sont intervenues devant l’avancée décisive de l’Azerbaïdjan sur le terrain. Ces dernières semaines, Bakou a infligé plusieurs défaites aux Arméniens de la république autoproclamée de l’Artsakh (nom d’une ancienne province du royaume d’Arménie) dans le sud autour d’Hadrout et plus au nord avec la prise, ces dernières heures, de Chouchi. La ville forteresse, érigée sur les hauteurs des massifs caucasiens s’avère un point stratégique. Elle est située à une dizaine de kilomètres en amont de la capitale Stepanakert et domine le corridor de Latchin. Chouchi apparaît comme un véritable verrou avec le passage de la seule route d’accès qui relie l’Arménie au Karabakh, en partant notamment de Goris.

Bakou aurait pu contrôler l’ensemble du Karabakh

Le président de l’Artsakh, Arayik Harutyunyan a expliqué avoir été obligé de « capituler » pour aboutir à ce cessez-le-feu. Après la perte de Chouchi, le 9 novembre, « les combats se rapprochaient de Stepanakert. Au rythme de l’avancée militaire (des Azéris - NDLR), nous aurions perdu l’ensemble de l’Artsakh en quelques jours et subi de lourdes pertes ». Mais il a tenu à saluer « nos forces armées qui ont pu résister pendant 43 jours » malgré les nombreuses maladies (coronavirus, dysenterie) et blessés, et critiqué la responsabilité de ces prédécesseurs dans cette défaite.

Plusieurs témoignages évoquent un bilan qui s’approchait des 4 000 morts au total. Ce compromis met donc un terme à un conflit extrêmement meurtrier qui avait repris après l’offensive lancée par Bakou, le 27 septembre. Les neuf points de l’accord et sa signature entre le président azéri Ilham Aliev et le premier ministre arménien Nikol Pachinian ont été révélés par le président russe, Vladimir Poutine qui réaffirme son rôle de médiateur, évinçant les autres acteurs : l’Europe et les États-Unis.

Un compromis qui entérine la défaite arménienne

Ce quatrième cessez-le-feu, entré en vigueur ce 10 novembre, est-il le bon ? Pour de nombreux de diplomates, deux aspects marquent une très nette différence vis-à-vis des précédents. Ce texte acte la victoire militaire de l’Azerbaïdjan et la présence des forces de maintien de la paix russes. Pour Dmitri Trenin, membre du Conseil russe des affaires internationales (Riac), « ce compromis permet d’arrêter la guerre et les tueries. Mais il ne s’agit pas encore d’un véritable accord de paix. La route pour y aboutir sera encore longue et difficile. L’Arménie aura du mal à accepter la défaite. Un nouvel équilibre se dessine dans la région. La Russie s’est révélée indispensable, mais a dû accepter la place prise par la Turquie alors que l’importance de l’Occident a considérablement chuté ».

Les divers termes de l’accord offrent à la Russie de se maintenir en position de force dans son « pré carré » que demeure le Caucase du sud. Globalement, Poutine, obtient de revenir militairement dans cette zone et ce pour une longue période. L’accord établit en effet que « des troupes de maintien de la paix de la Fédération de Russie seront déployées le long de la ligne de contact dans le Haut-Karabakh et le long du couloir de Latchin », et que ces soldats russes « y resteront pendant une période de 5 ans, et une prolongation automatique de 5 années supplémentaires, si aucune des Parties ne déclare son intention de mettre fin à l’application de cette disposition 6 mois avant l’expiration de la première période ».

La Russie s’impose comme le principal médiateur

Poutine finalement apparaît comme le maître des horloges dans ce conflit. « La Russie n’a jamais souhaité mener une guerre au Haut-Karabakh pour compenser les propres faux pas d’Erevan (aux yeux de Moscou). La Russie avait aussi ses propres raisons de maintenir de bons liens avec l’Azerbaïdjan. Elle ne souhaitait pas non plus ruiner sa relation très compliquée avec la Turquie qui compte énormément dans son jeu diplomatique au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Néanmoins, Ankara n’obtient pas de rôle formel », analyse Alexander Gabuev, du centre Carnegie.

Pour Bakou, cet accord qui marque sa victoire militaire (avec le soutien de la Turquie et des armements israéliens) constitue une revanche après les concessions territoriales subies par les Azéris, au terme de la première guerre 1991-1994. Le président Aliev, s’est d’ailleurs félicité d’une « capitulation » de l’Arménie. « Nous avons forcé [le premier ministre arménien] à signer le document, cela revient à une capitulation », a-t-il déclaré à la télévision. De son côté, la Turquie a salué les « gains importants » de l’Azerbaïdjan au Haut-Karabakh. Le président français, Emmanuel Macron a demandé de travailler à un « règlement politique durable » qui « préserve les intérêts de l’Arménie » et réclamé « fermement à la Turquie de mettre fin à ses provocations » dans ce conflit.

L’Arménie plonge dans une crise politique

Avant l’annonce de l’accord dans la nuit de lundi à mardi, la journée avait été marquée aussi par un hélicoptère Mi-24 de l’armée russe abattu par erreur par l’Azerbaïdjan au-dessus de l’Arménie. La partie azerbaïdjanaise s’est excusée pour « cet incident tragique ». Arnaud Dubien, directeur de l’Observatoire franco-russe, souligne que « n’ayant pu préserver le statu quo en vigueur depuis 1994, la Russie se sort très bien de la crise du Karabakh — à court terme en tout cas » mais que « l’instabilité à Erevan et la montée en puissance de Bakou seront des dossiers à gérer ». À ses yeux, cette crise va conduire au « renforcement probable du dialogue avec Téhéran », pays frontalier.

Une crise politique s’ouvre en Arménie depuis la signature de cet accord. Dans la capitale, la situation est particulièrement tendue. Des milliers de personnes ont manifesté leur colère, encerclant les abords du siège du gouvernement à Erevan et qualifiant de « traître » le premier ministre. 17 partis, dont celui de l’ancien premier ministre Serge Sarkissian, chassé du pouvoir en 2018 par Nikol Pachinian avec l’aide de la rue, ont exigé sa démission. Des centaines de protestataires ont pénétré dans les locaux et ont pris d’assaut également le siège du Parlement. Mardi matin, la police avait repris les deux bâtiments.

Concédant la défaite, le premier ministre arménien, Nikol Pachinian, a justifié sa position. « J’ai signé une déclaration avec les présidents de Russie et d’Azerbaïdjan sur la fin de la guerre au Karabakh », a-t-il déclaré, qualifiant cette initiative d’« incroyablement douloureuse pour moi et pour notre peuple ». Face à cette instabilité, le président Armen Sarkissian a proposé d’entamer des « consultations politiques pour trouver dès que possible une solution protégeant les intérêts nationaux » et « former en urgence » un gouvernement d’union nationale. Selon Arnaud Dubien, « le chef de l’état-major arménien Onik Gasparian, qui a rencontré ce matin des partis d’opposition, est vu à Moscou comme un successeur potentiel de Pachinian ». Pour éviter de se mettre à dos l’Arménie et sa population, Moscou devrait remettre rapidement à niveau l’armée arménienne et renforcer ses partenariats avec son allié.

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