Emile Fromentin épouse Julia Alphonsine Burel, le 27 janvier 1913 à la mairie de Saint-Pierre Quilbignon (rattachée à Brest en 1945). Le couple a un garçon, Eugène, qui naît le 18 décembre de cette même année à Recouvrance (faubourg de Brest). L'enfant décède le 17 mai 1917.
Emile Fromentin est « rappelé à l’activité » par le décret de mobilisation générale du 1er août 1914. Il arrive au corps le 5 août 1914. Il est alors domicilié à Bordeaux, à La Bastide, 98 avenue Thiers. S’il manque à l’appel le 30 septembre 1914, il est finalement embarqué pour le Maroc, où il est affecté à la Compagnie de marche du 11ème groupe spécial le 21 août 1917 (Oujda et Médénine). Le 21 mai 1918, il est réhabilité par la cour d’appel de Rabat et affecté à la compagnie A du Maroc Oriental. Il est « rayé des contrôles « le 24 juillet 1918 (les Bat’ d’Af’ à Vannes) et démobilisé à Brest le 15 mars 1919.
Entre 1919, 1920 et 21 il est à plusieurs reprises arrêté et condamné en correctionnelle à des amendes et courtes peines de prison pour « port d’arme prohibée » (Bordeaux, Le Havre). En août 1920, il habite Dunquerque au 12 rue de Nieuport.
On ignore son parcours entre 1920 et 1939. On sait seulement qu’il divorce de Julia Burel le 20 mai 1933 et qu'en 1936 il bénéficie de la carte du combattant au titre du 11ème groupe spécial.
On retrouve Émile Fromentin à Rouen en 1939 : selon les services de police, il est membre de la commission de propagande du Parti communiste pour la région et selon un rapport du 21 mars 1939, il est secrétaire de la cellule du quartier Saint-Hilaire où il habite. Pour les services de police, son épouse serait l’un des assesseurs de la cellule (sous le nom de Léa Fromentin). Comme nous savons qu'Emile est divorcé depuis 1933, il ne peut s'agir de son épouse, mais sans doute un membre de sa famille.
Les troupes allemandes entrent dans Rouen le dimanche 9 juin 1940 et au Havre, le jeudi 13 juin 1940 pendant que brûlent les bacs à pétrole de la Shell à Petit-Couronne. Après la capitulation et l’armistice du 22 juin, La Feldkommandantur 517 est installée à l’hôtel de ville de Rouen. A partir de 1941, les distributions de tracts et opérations de sabotage par la Résistance se multipliant, la répression s’intensifie à l’encontre des communistes et syndicalistes. Dès le 22 juillet 1941, le nouveau préfet régional (René Bouffet) réclame aux services de Police spéciale de Rouen une liste de militants communistes. Une liste de 159 noms lui est communiquée le 4 août 1941 avec la mention : « tous anciens dirigeants ou militants convaincus ayant fait une propagande active et soupçonnés de poursuivre leur activité clandestinement et par tous les moyens ». Ces listes, comportent la plupart du temps - outre l’état civil, l’adresse et le métier - d’éventuelles arrestations et condamnations antérieures. Elles seront communiquées à la Feldkommandantur 517, qui les utilisera au fur et à mesure des arrestations décidées pour la répression des actions de Résistance.
Emile Fromentin est connu des services de police, comme «communiste militant» (fiche au DAVCC), ce qui explique son arrestation, le 21 octobre 1941 lors des arrestations ordonnées par les autorités allemandes en représailles au sabotage (le 19 octobre) de la voie ferrée entre Rouen et Le Havre (tunnel de Pavilly)
Une centaine de militants communistes ou présumés tels de Seine-Inférieure sont ainsi raflés entre le 21 et 23 octobre. Écroués pour la plupart à la caserne Hatry de Rouen, tous les hommes appréhendés sont remis aux autorités allemandes à leur demande, qui les transfèrent au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Frontstalag 122) entre le 25 et le 30 octobre 1941. La moitié d’entre eux d’entre eux seront déportés à Auschwitz. Il est interné avec d'autres Rouennais (bâtiments A2 et A3).
Le 8 décembre 1941, en réponse aux demandes du Haut commandement militaire dans le but de former un convoi de 500 personnes vers l’Est, la Feldkommandantur 517 de Rouen établit une liste de 28 communistes : «actuellement au camp de Compiègne et pour lesquels est proposé un convoi vers l’Est. Cette liste a été complétée de quelques personnes arrêtées à la suite de l’attentat du Havre du 7 décembre 1941».
Emile Fromentin est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45000» (1170 déportés immatriculés à Auschwitz dans la série des « 45.000 » et des « 46.000 »). Ce convoi d’otages composé, pour l’essentiel, d’un millier de communistes (responsables politiques du parti et syndicalistes de la CGT ) et d’une cinquantaine d’otages juifs (1170 hommes au moment de leur enregistrement à Auschwitz) faisait partie des mesures de représailles allemandes destinées à combattre, en France, les «Judéo-bolcheviks» responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Emile Fromentin meurt à Auschwitz le 25 août 1942 d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz
Source:
Claudine Cardon-Hamet
Le convoi d’otages parti de Compiègne vers Auschwitz le 6 juillet 1942 occupe place particulière dans la déportation. Placé sous la bannière de la croisade hitlérienne contre le "judéo-bolchevisme" et dispositif de "la politique des otages" destinée à dissuader les résistants communistes de poursuivre leurs attaques contre des officiers et des troupes de l'armée d'occupation, il s’apparente par ses origines aux fusillades massives d'otages communistes et juifs de septembre 1941 à juillet 1943 et aux premiers convois de Juifs de France dirigés sur Auschwitz-Birkenau entre mars et juin 1942.
Sur les 1170 hommes (plus de 1100 "otages communistes" et 50 "otages juifs") qui furent immatriculés le 8 juillet 1942 à Auschwitz entre les numéros 45157 et 46326 - d'où leur nom de "45000" - seuls 119 restaient en vie au jour de la victoire sur le nazisme.
L’histoire de ce convoi atypique - dont les premières recherches furent entreprises en 1971 par Roger Arnould (résistant déporté à Buchenwald et auteur de plusieurs ouvrages édités par la FNDIRP) - a fait l'objet d'une thèse de doctorat d’Histoire soutenue par Claudine Cardon-Hamet en 1995 et de deux ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 » (éd. Graphein, Paris, 1997 et 2000, épuisé) qui publie le contenu de sa thèse avec le soutien de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation (FMD) - et le livre grand public Triangles rouges à Auschwitz, le convoi politique du 6 juillet 1942 (éd. Autrement, collection Mémoires, Paris, 2005, mis à jour en 2015) édité avec le soutien de la Direction du Patrimoine et de l'Histoire et de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation.