Comment concilier urgence climatique et urgence sociale ? Alors que le plan de relance du gouvernement est surtout au service du capital, les organisations syndicales et environnementales, elles, s’organisent sur le terrain et bientôt à nouveau dans la rue.
Du local au global, de l’environnement au social, du rouge avec du vert et réciproquement. Pendant longtemps, syndicats et ONG se sont battus, côte à côte, mais chacun sur leurs créneaux. Depuis deux ans, ils réfléchissent ensemble, refusant de choisir entre fin du monde et fin du mois. La réflexion se poursuit sur la bonne façon de reconstruire une économie laminée par le coronavirus. Le mouvement exigeant que vivent communément justice sociale et justice climatique reprend le chemin des luttes et de la bataille politique. La Fête de l’Humanité autrement lui aura, tout au long du week-end, consacré un large espace.
Ensemble, ils « préparent le jour d'après »
En donnant la parole, tout d’abord, aux acteurs sociaux et environnementaux qui, depuis plusieurs mois, ont entrepris de réunir leurs forces. En mars dernier, en plein cœur du confinement, 18 organisations syndicales, associatives et environnementales publiaient une tribune intitulée « Plus jamais ça ! Préparons le jour d’après ». Toutes y lançaient un appel aux « forces progressistes et humanistes (…) pour reconstruire un futur écologique, féministe et social, en rupture avec le désordre néolibéral ». Parmi elles, la CGT, Attac, Greenpeace et Alternatiba, dont les représentants étaient les invités de l’Agora du journal, réunis à la Bellevilloise, vendredi 11 septembre. « Notre collectif est né de rencontres pendant le contre-sommet organisé en opposition au G7 de Biarritz », rappelait Jean-François Julliard, directeur général de Greenpeace France. « C’était la première fois que l’on débattait ensemble, Philippe Martinez et moi. » Marquée tout à la fois par les grandes marches pour le climat et le mouvement spectaculaire des gilets jaunes enclenché contre la taxe carbone, tout, dans l’actualité, « appelait à avancer sur nos points de convergence ».
Tant du côté des ONG que de celui des syndicats, la réflexion mûrissait depuis plusieurs années, insistait pour sa part Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT : « Tout le monde prend de plus en plus conscience des enjeux climatiques, les salariés autant que les autres, singulièrement les plus jeunes. La question est de ne pas le faire au détriment de l’emploi. » Restait à articuler ces enjeux autour de propositions cohérentes et concrètes. La crise du coronavirus a donné le dernier coup de cravache.
« Fruit d’un système qui exploite le travail autant que la nature, elle nous a poussés à accélérer ces convergences », explique Aurélie Trouvé, porte-parole d’Attac. « Très vite, nous avons compris que les centaines de milliards d’euros qui allaient être offerts aux entreprises pour relancer leurs acti- vités devaient être l’opportunité d’un changement. »
Construire l'équilibre
En découle, aujourd’hui, un plan de sortie de crise élaboré par les organisations et décliné en 34 propositions. Visant plus de justice fiscale, plus d’emplois et de meilleures conditions de travail, plus de sécurité sanitaire, aussi, ainsi qu’une transformation des modes de production, de mobilité et de consommation, il cherche à construire l’équilibre. « Nous avons besoin d’articuler le présent et le futur, de permettre aux futures générations de vivre et de manger, sans exclure de ce droit les générations d’aujourd’hui », résumait, vendredi, Pauline Boyer, porte-parole d’Alternatiba.
Tout ne va pas sans contradictions, et le débat existe, assumé, entre les acteurs. Surtout, leurs aspirations se cognent aux politiques gouvernementales. Révélé en septembre, le plan de relance économique décidé par l’État est loin, très loin, de s’inscrire dans les mêmes perspectives. Le rapport de forces, de fait, reste à construire.
Poussées sur ce terrain par les dernières élections, les villes de gauche s’en emparent et travaillent à bâtir les solutions localement, pour mieux les imposer à l’échelle nationale, voire internationale. Paris, Poitiers, Grenoble et Villejuif : les maires de quatre d’entre elles étaient, là encore, les invités de l’Agora de l’Humanité.
La mobilisation ne lâche pas le pavé
Les luttes, enfin, s’apprêtent à reprendre le pavé… D’abord le 17 septembre, CGT, FSU et Solidaires, appellent à une journée de mobilisation et de grève dans le public comme le privé alors que les suppressions d’emplois se multiplient. « Les premiers de corvée sont remerciés en étant licenciés. Comme à Auchan où 1 500 postes vont être supprimés », a expliqué le secrétaire général de la CGT. Deux jours plus tard, le 19 septembre à Gonesse (Val-d’Oise), là ou devait s’ériger un méga-centre commercial sur des terres agricoles, un exemple concret de convergence des luttes aura lieu lors de la Fête des terres. « Les luttes les plus efficaces sont celles qui sont mises en commun », expliquait ainsi Christian Chasseau, le secrétaire national du MNLE (Mouvement national de lutte pour l’environnement), lors du débat, au Kilowatt, à Vitry-sur-Seine, sur les « suites des mobilisations climat », qui sera retransmis en différé mardi sur le site Internet de l’Humanité.
Une répétition avant le retour des marches pour le climat, les 25 et 26 septembre, auxquelles appellent toutes les organisations membres du collectif Plus jamais ça. Rassembler et multiplier les initiatives partout pour créer un rapport de forces.
Découvrez l'intégralité du débat en vidéo :
commenter cet article …