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6 mai 2020 3 06 /05 /mai /2020 08:20
Écoles. Les maires abandonnés face à une équation sans bonne solution (Julia Hamlaoui, Benjamin König, L'Humanité, 5 mai 2020)
Mardi, 5 Mai, 2020
Écoles. Les maires abandonnés face à une équation sans bonne solution

De nombreux édiles renoncent à rouvrir les établissements scolaires dès le 11 mai, faute de temps et de moyens. En Île-de-France, plus de 300 d’entre eux, dont Anne Hidalgo, maire de Paris, ont interpellé Emmanuel Macron sur le désengagement de l’État.

 

La meilleure défense, c’est l’attaque. Attendu sur son plan de déconfinement, cette fois présenté au Sénat, le premier ministre s’est fait donneur de leçons, ce lundi, à l’égard de maires très inquiets à l’approche de la réouverture des écoles. « Ce n’est pas parce que cela ne peut pas être appliqué partout que cela ne doit être appliqué nulle part, chaque enfant de retour à l’école est une victoire », a ainsi lancé Édouard Philippe, alors que la colère des élus est encore montée d’un cran ces derniers jours. Car, à la lecture du protocole sanitaire publié par les services du ministre de l’Éducation nationale, et face au risque de deuxième vague de l’épidémie, nombre de maires tirent la sonnette d’alarme. Pas moins de 329 d’entre eux, pour la seule Île-de-France, ont cosigné une lettre ouverte au président de la République, publiée dimanche en fin d’après-midi sur le site de la Tribune.

L’opération com de Macron pour désamorcer la levée de boucliers

Pour tenter de déminer le terrain, Emmanuel Macron est lui aussi monté au créneau, lundi, pour appeler à aborder le 11 mai avec « beaucoup d’organisation », de « calme », « de pragmatisme et de bonne volonté », tout en renvoyant l’annonce des « derniers détails » à jeudi. Il devrait aussi se rendre ce mardi dans une école de Poissy (Yvelines), selon une information du Parisien. Le maire LR de la ville, Karl Olive, est l’un des rares à ne pas avoir signé le texte. Pas sûr, cependant, que l’opération com suffise à désamorcer la levée de boucliers, tant les griefs sont sérieux. « L’État ne peut pas se désengager de sa responsabilité dans la réouverture des écoles le 11 mai ; et ce calendrier est, dans la plupart de nos communes, intenable et irréaliste », interpellent les maires, dont celle de Paris, Anne Hidalgo (PS). Les édiles fustigent « un calendrier à marche forcée », des « directives mouvantes » et demandent en premier lieu à « repousser la date de réouverture des écoles s’agissant des départements classés rouge ».

Attendu depuis l’annonce, le 13 avril, du début du déconfinement pour le 11 mai, le fameux protocole sanitaire à mettre en œuvre dans les établissements scolaires n’est arrivé que trois semaines plus tard. Et sa version définitive change encore la donne sur des éléments clés (lire notre article), comme le calcul du nombre d’élèves, le port du masque, le nettoyage ou encore la restauration. Un casse-tête pour les collectivités. « En trois jours ouvrables – c’est ce qu’il nous reste, puisque vendredi est férié –, réunir la totalité des conditions requises, sur la base d’un document que nous n’avons eu que ce lundi, n’est pas possible », résume André Laignel (PS), maire d’Issoudun (Indre) et premier vice-président de l’Association des maires de France (AMF). « Ce sont les 63 pages du plan Blanquer qu’il faut analyser et appliquer en moins d’une semaine, c’est bien sûr impossible », renchérit Philippe Bouyssou (PCF), maire d’Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne) et signataire de la tribune.

Les raisons mêmes de la reprise des cours sont mises en cause par des élus locaux en première ligne. « Nous avons le sentiment que (l’)objectif initial (résorber les inégalités sociales et territoriales – NDLR) a été perdu de vue », assurent les édiles franciliens, qui affirment ne pas comprendre « comment il est possible de concilier l’objectif de volontariat (le retour à l’école est renvoyé à la responsabilité des parents – NDLR) et de pallier les inégalités sociales et territoriales ». Président de l’Association des élus communistes et républicains (Anecr), Ian Brossat, maire adjoint de la capitale au logement, estime même que « le président de la République a fait un choix politique, essentiellement guidé par des impératifs économiques, et charge les collectivités locales de s’en débrouiller. C’est une manière très dangereuse de la part de l’État de se défausser. On rompt avec le principe républicain d’égalité ».

Les élus franciliens ne veulent pas plus endosser la responsabilité de la réouverture

« Nous avons affaire à un État qui dit, se dédit et s’absente du territoire », confirme André Laignel, qui n’ouvrira ses écoles qu’après que le préfet aura signé un protocole local, soumis au préalable aux directeurs d’école, aux syndicats, aux parents et à l’inspecteur académique. Les élus franciliens ne veulent pas plus endosser seuls la responsabilité de la réouverture, et exigent « que l’État s’assure que toutes les conditions sanitaires sont réunies ». Au-delà, c’est la question de la responsabilité pénale des maires que l’AMF a soulevée dès la semaine dernière, demandant « une clarification » (lire encadré ci-dessous).

Dans de telles circonstances, nombre d’entre eux ont déjà annoncé que leurs écoles resteraient fermées, au moins un temps. C’est le cas de plus de dix communes de la Seine-Saint-Denis, de plusieurs villes du Pas-de-Calais, du Val-d’Oise, de la Drôme, de l’Hérault, ou encore de la Haute-Garonne. « Il me semble opportun d’envisager un report du déconfinement scolaire en le repoussant au mois de septembre », plaide également le maire LR de Saint-Étienne, Gaël Perdriau, dans un courrier au premier ministre où il évoque, en outre, les inconnues liées à la maladie de Kawasaki.

Reste aussi l’épineuse question des moyens

Lorsqu’ils prennent la décision d’ouvrir, les élus adaptent les recommandations. Plutôt que le 12 mai, les enfants ne seront accueillis à Lille qu’à compter du 14 mai, et à raison de dix élèves au maximum par classe, ont annoncé la maire, Martine Aubry (PS), et le directeur académique Jean-Yves Bessol. Même à Lyon, laboratoire de la Macronie, le calendrier sera échelonné, a fait savoir la ville ce dimanche : le 14 mai pour les grandes sections de maternelle, les CP et CM2, le 25 mai pour les CM1, et… le 4 juin pour les CE1 et les CE2. Quant aux petites et moyennes sections, « les mesures de distanciation et les gestes barrières étant très complexes à mettre en œuvre, aucune date n’est actuellement arrêtée ».

Reste aussi l’épineuse question des moyens, car la fourniture de masques ou encore les dépenses supplémentaires pour le nettoyage sont bel et bien renvoyées aux communes, déjà financièrement étouffées par des années d’austérité budgétaires. « Les surcoûts liés à la reprise doivent être pris en charge par l’État, mais à l’heure qu’il est, nous n’avons aucune indication à ce sujet », regrette André Laignel, également président du Comité des finances locales. « Pour ouvrir une école, on a besoin du double de personnels par rapport à d’habitude », donne en exemple Philippe Bouyssou. Selon ses calculs, à Ivry, dix écoles sur 28 pourraient réouvrir au vu des conditions, soit une capacité d’accueil de 1 000 enfants sur 6 000. « Comment les choisit-on ? » interroge l’élu, qui a décidé de mettre en place un « accueil éducatif alternatif », dont une cinquantaine d’enfants identifiés comme en grande difficulté pourraient bénéficier dès cette semaine.

La responsabilité pénale des élus fait débat

 
Les maires ouvrant les écoles au 11 mai pourront-ils être sanctionnés pénalement en cas de contamination en leur sein ? L’inquiétude croît chez certains édiles : le président de l’Association des maires de France (AMF), François Baroin, est lui-même monté au créneau pour réclamer davantage de « protection juridique ». Même au sein de LaREM, 138 députés et 19 sénateurs sont intervenus en ce sens et proposent, dans le cadre du projet de loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire, « une adaptation de la législation pour effectivement protéger les maires pénalement mais aussi toutes les personnes dépositaires d’une mission de service public dans le cadre des opérations de déconfinement ». L’exécutif est « prêt au dialogue », assure la porte-parole du gouvernement, Sibeth Ndiaye.
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