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13 avril 2020 1 13 /04 /avril /2020 05:04
Vendredi, 10 Avril, 2020 - L'Humanité
Pandémie : l'Union européenne fait déjà payer l'addition aux peuples

Après deux semaines d’échanges houleux, les ministres des Finances de la zone euro trouvent un accord, mais sur la ligne imposée par l’Allemagne et les Pays-Bas. La mutualisation des dettes est renvoyée aux calendes grecques et les prêts aux Etats, hors dépenses de santé, serviront à surveiller strictement les politiques des Etats membres. 

 

L’Eurogroupe se joue à 19 et, à la fin, c’est l’Allemagne qui gagne. Ou alors, parfois aussi, ces derniers temps, les Pays-Bas, mais c’est tout comme... C’est sous leurs propres applaudissements, nous font-ils savoir, que les ministres des Finances de la zone euro ont, jeudi, dans la nuit, achevé une visioconférence concluante. Au bout de quinze jours de déchirures au sein de l’Union européenne - et seize heures de discussions infructueuses dans la nuit de mardi à mercredi ( vous pouvez en lire ici le récit ) -, ils ont réussi à adopter un plan «de sauvetage» pour soutenir les Etats membres face à la pandémie du nouveau coronavirus et ses conséquences économiques, financières ou sociales.

Dans le détail, les aides se répartissent sur trois piliers: un mécanisme de co-financement du chômage partiel, baptisé SURE («Soutien d’urgence pour contrer les risques en matière d’emploi»), pour un montant de 100 milliards d’euros, un programme de distribution de 200 milliards d’euros de liquidités aux entreprises par la Banque européenne d’investissement (BEI) et le recours au Mécanisme européen de stabilité (MES) qui pourra établir, pour les Etats membres en difficulté, des lignes de crédit jusqu’à un total de 240 milliards d’euros.

Selon Olaf Scholz, le ministre allemand des Finances, «c’est un grand jour pour la solidarité européenne». «Il est important que nous tous apportions une réponse commune qui permette à nos États de surmonter les défis sanitaires mais aussi les défis économiques suscités par la pandémie de Covid-19», communique-t-il. Bruno Le Maire, son homologue français, en fait également des tonnes. «Chacun a été très marqué par les 16 heures de négociations de la nuit derrière, décrit-il. Passées l’émotion et la fatigue, chacun a vu qu’il n’était pas possible de continuer comme ça. C’était soit un accord, soit un risque de dislocation européenne. L’Europe décide et se montre à la hauteur de la gravité de la crise.»

En réalité, derrière ces narrations grandiloquentes destinées à convaincre de la centralité du «couple franco-allemand», les conceptions toujours marquées, malgré la pandémie, par l’obsession austéritaire l’ont emporté, sans contestation possible. Pour une solidarité substantielle - sans même parler de l’indispensable bouleversement d’un système qui contraint les Etats à se vendre sur les marchés financiers -, il faudra repasser, et pas avant un bon moment ! Dans l’accord conclu, aucune trace de «corona bonds» ou «euro bonds», ces obligations émises à l’échelle de l’Union européenne qui permettraient une forme de mutualisation des dettes publiques entre les Etats membres et qui étaient réclamées par l’Italie, l’Espagne et sept autres pays. Pas plus de signe tangible d’un fonds commun «de relance», contrairement à ce qu’affirme Bruno Le Maire. Le sujet est renvoyé au niveau du Conseil européen, et donc des chefs d’Etat et de gouvernement. Ce qui correspond à la demande d’Angela Merkel qui ne compte pas s’engager sur cette voie avant l’automne. Par ailleurs, et plus essentiellement encore, loin des récits dans les médias dominants, ce vendredi matin, les aides potentielles du Mécanisme européen de stabilité (MES) seront accordées avec des conditions de contrôle sur les politiques économiques ou sociales et de surveillance budgétaire, à l’exception stricte des fonds utilisés pour financer les systèmes de santé. Ce qui était exactement, là aussi, la position du gouvernement des Pays-Bas et de ses soutiens autrichiens, suédois ou danois.

Après avoir annoncé sur tous les tons que l’Italie refuserait de solliciter le MES - par défiance à l’égard d’un système intrinsèquement lié aux programmes austéritaires qui, depuis une décennie, ont dévasté les Etats lors de la crise dite «des dettes publiques» -, Roberto Gualtieri, le ministre des Finances italien, tente de sauver la face, en promettant que le combat n’est pas fini. «On a mis sur la table les obligations européennes et retiré de la table les conditionnalités du MES, estime-t-il. Nous confions une proposition ambitieuse au Conseil européen, nous nous battrons pour la réaliser.» En miroir, Wopke Hoekstra, son collègue des Pays-Bas qui, rappelons-le, doivent leur bonne santé budgétaire à un système fiscal pillant les ressources des autres Etats membres ( lire aussi), rentre dans le détail avec une délectation non feinte: «Nous mettons en place un paquet conséquent qui va aider les pays à financer les coûts de santé, aider les entreprises et les salariés. Avec des conditions légitimes, il aidera également à reconstruire nos économies nationales à long terme. Le MES peut accorder une aide financière pour les dépenses médicales. Il sera également disponible pour du soutien à l’économie, mais avec des conditions. C’est juste et raisonnable.»

Ex ministre au sein du gouvernement d’Alexis Tsipras au premier semestre 2015 et bon connaisseur, par la force des choses, des arcanes de la machine de guerre austéritaire que reste l’Eurogroupe, Yanis Varoufakis réagit avec colère, loin des auto-congratulations et du storytelling béni-oui-oui. «L’Italie et les autres sont ligotés, écrit-il sur les réseaux sociaux. Ils ont accepté les prêts du MES, ce qui va les mener à une stricte austérité dans les prochaines années, de pitoyables prêts pour les entreprises de la BEI, un programme pseudo-fédéral contre le chômage et quelques miettes de charité... En contrepartie, ils seront condamnés à la récession permanente.» Le tacle est sévère, mais il n’y a pas faute. 

Thomas Lemahieu
Pandémie : l'Union européenne fait déjà payer l'addition aux peuples - L'Humanité, 10 avril 2020
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