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16 avril 2020 4 16 /04 /avril /2020 07:11
Mercredi, 15 Avril, 2020
En Inde, comment l’Etat communiste du Kerala a jugulé l’épidémie

L’État dirigé par une coalition de communistes et de partis de gauche était le premier touché par le Coronavirus en Inde. Grâce à un plan de traçage des cas, de tests massifs, de fourniture de colis alimentaires et d’aides financières aux ménages, le Kerala est pour l’heure parvenu à juguler la propagation du virus.

 

Narendra Modi a longtemps tergiversé. Jusqu’à son allocution télévisée du 19 mars, le premier ministre indien n’a annoncé aucun plan concret de lutte contre le Covid-19. Et encore, celui-ci se résumait-il à un « couvre-feu populaire » de quelques heures avant d’appeler la population à applaudir les soignants depuis les balcons. La stratégie était si confuse qu’une fois le couvre-feu passé, des foules soutenues par les policiers se sont massées dans la rue pour faire tinter cloches et casseroles. Cinq jours plus tard, dans l’improvisation la plus totale, le chef du gouvernement donnait quatre heures aux Indiens pour se préparer au plus grand confinement de la planète. Privés d’emplois à l’instant-même, des millions de travailleurs migrants se sont lancés sur les routes pour rejoindre leur région d’origine laissant libre cours à la circulation du virus.

Briser la chaîne de transmission

Dans l’État méridional du Kerala, dirigé par le Parti communiste d’Inde (marxiste) et le Front démocratique de gauche, la population vivait déjà un confinement informel depuis plusieurs semaines. Sur le pied de guerre depuis le retour de Wuhan (Chine) d’un étudiant indien en médecine fin janvier, une équipe de soignants se réunit le soir de son arrivée afin de définir une stratégie. Plusieurs d’entre eux avaient déjà travaillé sur le virus Nipah en 2018, également transmissible de la chauve-souris à l’homme, et pouvant entraîner une infection respiratoire aiguë voire une encéphalite mortelle. À partir des recommandations de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), les médecins établissent un plan de traçage des contacts des personnes infectées, d’isolation et de surveillance systématique. Seule façon de briser la chaîne de transmission dans un pays où la majorité de la population ne dispose pas d’accès à l’eau courante et vit dans des logements exigus. L’accès aux soins est également une gageure : l’Inde compte 0,5 lit d’hôpitaux pour 1 000 habitants (contre 4,3 lits pour 1 000 habitants en Chine).

Jeu de piste contre le virus

Une équipe de cinquante policiers, de personnels paramédicaux et de volontaires retrace les déplacements d’une famille de trois personnes malades arrivant d’Italie. Une banque, un bureau de poste, une bijouterie, des hôtels… la course contre le coronavirus prend des airs de jeu de piste. Une ligne téléphonique est même dédiée aux personnes pensant être entrées en contact avec la famille. Quelques centaines d’appels sont enregistrés. Tous sont priés de décrire leurs symptômes éventuels et redirigés vers l’hôpital pour être testés ou placés à l’isolement. 1 200 personnes sont rapidement confinées ; des médecins assurent un suivi téléphonique quotidien. Et un portage de nourriture est assuré. Dans le même temps, la ministre de la Santé du Kerala, KK Shailaja, ordonne aux quatre aéroports internationaux de dépister et filtrer les cas éventuels, orientés par la suite vers un centre gouvernemental. Les voyageurs testés positifs au Covid-19 sont eux aussi placés à l’isolement.

Des colis aux écoliers

Pinarayi Vijayan, le ministre en chef de l’État, qui tient un point d’informations quotidien, ordonne un confinement général le 23 mars et débloque un fonds d’urgence de 2,4 milliards d’euros. Il demande ensuite aux fournisseurs d’accès à internet d’augmenter leurs capacités afin que ceux qui peuvent télétravailler soient en possibilité de le faire. La production de gel hydroalcoolique et de masques est en outre augmentée, une ligne téléphonique d’assistance aux personnes mentalement fragiles est mise sur pied. Une politique de tests massifs est déployée sur l’ensemble du territoire. Des colis sont livrés aux écoliers qui dépendent habituellement des repas gratuits. Une allocation moyenne de 7 300 roupies (87 roupies) est enfin versée à la majorité des ménages afin de prévenir les impayés de loyer et couvrir les dépenses courantes. Un organisme de microfinance est également mobilisé pour octroyer au cas par cas des prêts à la consommation pour les ménages demandeurs.

Le service public, seul à même de faire face

Le Kerala est réputé pour disposer du meilleur système de santé de la fédération. Avec une surreprésentation des écoles de médecine et d’infirmières, l’État compte 30 000 soignants. « La lutte contre le coronavirus souligne une nouvelle fois à quel point un système de santé privé basé sur l’assurance serait totalement inadéquat pour relever ce genre de défi », insiste Thomas Isaac, le ministre des Finances. De fait, si le Kerala prend en charge 60 % des frais de santé, la moyenne nationale n’est que de 20 %. Premier État à rapporter des cas de coronavirus fin janvier, le Kerala enregistrait une baisse de 30 % des personnes infectées, la première semaine d’avril. Sur 387 cas, seuls trois patients sont morts et 52 % ont été guéris.

Inde: comment l'Etat communiste du Kerala a jugulé l'épidémie (L'Humanité, Lina Sankari, mercredi 15 avril 2020)
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