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31 mars 2020 2 31 /03 /mars /2020 08:03
Lutte contre le coronavirus - L'Humanité des débats - Gérard Miller, Elsa Faucillon, Stephane Peu - état de droit contre état de guerre
Dimanche, 29 Mars, 2020
Lutte contre le coronavirus. Macron a-t-il raison de parler de guerre ?

Par Gérard Miller, psychanalyste et éditorialiste et Par Elsa Faucillon, députée PCF des Hauts-de-Seine, et Stéphane Peu, député PCF de Seine-Saint-Denis

 

UN INUTILE COUP DE MENTON

Par Gérard Miller, psychanalyste et éditorialiste

Tout en respectant scrupuleusement les consignes qui sont données à tout un chacun pour ralentir la progression du Covid-19, je fais néanmoins partie de ceux qui contestent le désir d’Emmanuel Macron de nous voir tous « partir en guerre » contre ce terrifiant virus. Suis-je à la fois discipliné et insoumis ? Disons plus prosaïquement que je me suis toujours méfié de l’usage que nos gouvernants font du mot « guerre ». Quand cela les arrange et alors même que le conflit est tout ce qu’il y a de plus armé, ils sont par exemple capables de nier l’évidence pendant des années et de parler « d’événements » – on a connu ça en Algérie quand il fallait minimiser le mouvement de libération nationale. Tout au contraire, quand ils ont besoin qu’aucune tête ne dépasse et surtout qu’aucune bouche ne s’ouvre, ils n’hésitent pas à sortir illico les drapeaux et les clairons, et imposent au pays de marcher au pas comme s’il n’y avait dès lors qu’une seule direction à suivre.

Pour disqualifier définitivement l’argumentation d’un adversaire, on sait qu’il convient d’atteindre le point Godwin : trouver un lien supposé avec le nazisme pour clouer le bec dudit adversaire sans appel. Eh bien, quand j’ai entendu le président de la République lever le menton et marteler à plusieurs reprises que nous étions en guerre, j’y ai vu un stratagème équivalent. Brandir tel un étendard le signifiant « guerre » au moment précis où les questions se bousculent et où il est difficile de croire que nos gouvernants n’ont aucune responsabilité dans la catastrophe en cours m’est apparu comme un coup de poker politique, comme une entreprise hasardeuse basée en partie sur le bluff. Insister sur la gravité extrême de la situation, impliquer chaque citoyen, faire appel à toutes les énergies, imposer des mesures draconiennes, très bien. Mais pourquoi miser sur les affects mortifères qu’une guerre suscite en nous plutôt que sur ceux, pas moins stimulants, que nous sommes capables de mobiliser, en temps de paix, dans les moments les plus graves ?

Parler de guerre m’apparaît donc comme un véritable coup de poing discursif, ce qu’on pourrait appeler une objection dirimante, c’est-à-dire une objection dont la force contraignante a pour objectif de ne nous laisser aucune possibilité de recours. Or, dans une démocratie, même quand le pire est là, les citoyens contribuent à l’intérêt général en étant solidaires et éventuellement disciplinés, mais également critiques.

ON A BESOIN D'UN « ÉTAT DE DROIT » PAS D'UN « ÉTAT DE GUERRE »

Par Elsa Faucillon, députée PCF des Hauts-de-Seine, et Stéphane Peu, député PCF de Seine-Saint-Denis

À quelques jours d’intervalle, les 12 et 16 et 27 mars, le chef de l’État s’est adressé à la nation dans des registres bien différents. Le jeudi 12 mars, il s’est livré à un éloge, inédit chez lui, de l’État social, des services publics et des mécanismes collectifs de protection sociale. Le pays entier fut d’ailleurs surpris de ce changement de pied, et de voir pour l’occasion la quincaillerie libérale de l’État macronien jetée par-dessus bord : l’État au service du marché, de la concurrence, le dogme de la compétition…

C’est d’abord le signe de la grande confusion qui règne au sommet de l’État à cet instant précis, et qui continue de se manifester dans les injonctions paradoxales du gouvernement : «  Restez chez vous » et, en même temps, «Allez travailler ». Manifestement, les repères du président de la République sont inefficaces pour analyser et répondre à la grave crise sanitaire que nous traversons. Le roi est nu, il en a conscience, c’est pourquoi il cherche de tous côtés de quoi habiller son inconséquence.

Le 12 mars, il est allé provisoirement chercher des accents de sincérité du côté des principes fondateurs de notre République : la solidarité, l’entraide, le bien commun. Dans cette intervention, Emmanuel Macron fut en quelque sorte obligé de « donner le point » à des valeurs dont il devient chaque jour plus évident qu’elles tracent le chemin pour endiguer l’épidémie. Elles devraient à nos yeux remplir l’imaginaire de la suite, pour relever des défis d’ampleur : celui du réchauffement climatique ou encore d’une économie sobre et juste.

Cette concession de langage fut de courte durée. Le 16 mars, avec un discours martial, il déclarait abusivement « l’état de guerre » contre le virus. Et le 27 mars, enfonçant le même clou, c’est en bien dans la posture du « chef des guerre » qu’Emmanuel Macron s’est exprimé à Mulhouse, en posant devant des tentes militaires. Mais c’est aux êtres humains que l’on mène d’ordinaire la guerre : la guerre économique et la guerre sociale, qui se finissent toujours en guerre « tout court ». On comprend certes qu’il était indispensable d’exprimer la gravité de la situation et de susciter les comportements adéquats. Mais il n’est pas interdit d’y voir les prémices d’une « stratégie du choc » : créer un effet de sidération pour amplifier le travail destructeur de notre système social, une fois la crise sanitaire terminée. C’est en creux ce qui inspire la loi d’urgence sanitaire votée ce week-end, contre l’avis des députés communistes, et les mesures discrétionnaires qu’elle contient. Déclarer la guerre, c’est préparer l’après-guerre où tout est permis, y compris une austérité à tout-va et un productivisme à tout prix.

Non, la contrainte d’un « état de guerre » ne nous est d’aucune aide pour nous débarrasser du virus, à l’inverse de « l’État de droit », qui lui fédère les énergies des citoyens, des salariés. Aucune course aux armements ne réduira le Covid-19, mais bien la coopération des scientifiques du monde entier, échangeant leurs données. Ce n’est pas de la rivalité entre les nations, mais de leur entraide, se prodiguant tour à tour matériels et soignants, dont il dépend que nous soyons guéris. Et nos médecins comme nos infirmières.iers ne sont pas des soldats destinés à tomber au front : ils et elles doivent être protégés et soutenus pour pouvoir prendre soin de tous. Quant au « jour d’après » qui jetterait les bases d’une société plus juste, il n’a nul besoin d’un quelconque armistice pour être proclamé, il commence aujourd’hui.

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