Dans un pays où jeudi, le nouveau coronavirus avait fait six morts et contaminé 464 personnes sur une population de 10,7 millions, c'est la crainte de l'effondrement du système de santé qui plane. Avec les memoranda, le système public de santé a perdu les trois cinquièmes de ses effectifs. Les médecins ont pris en masse le chemin de l’exil.
Les politiques d’ajustement structurel imposées à la Grèce depuis 2010 ont laissé tout un pays exsangue ; c’est dans les secteurs de l’éducation et de la santé que les coupes budgétaires furent les plus brutales et c’est l’hôpital public qui en a payé le prix le plus lourd. Jeudi, Athènes annonçait déjà six décès dus au coronavirus et les personnels soignants sont terrorisés à l’idée de devoir affronter la pandémie avec des infrastructures de santé en ruine.
Au total, 25 % à 30 % des unités de soins ont disparu
Le tableau est sombre : entre 2009 et 2015, les dépenses publiques de santé par tête ont chuté, en valeur réelle, de 37,7 % et, avec les deux premiers memoranda, le système de santé public a perdu les trois cinquièmes de ses effectifs. Dès 2010, le système national de santé ESY a réduit de 60 % ses dépenses. Au nom de la « rentabilité » du système hospitalier, les 137 établissements répartis sur le territoire se sont trouvés contraints de fusionner, pour laisser place à un réseau de 83 hôpitaux seulement, avec, au passage, des milliers de suppressions de postes et la fermeture de 4 500 lits. Au total, 25 % à 30 % des unités de soins intensifs et des unités de soins spécialisés ont disparu et, fait absurde, des hôpitaux flambant neufs, financés par des crédits européens, n’ont jamais ouvert leurs portes, faute de personnels.
Autre effet désastreux de la compression budgétaire : les hôpitaux ont accumulé les dettes auprès de leurs fournisseurs, ce qui complique leur approvisionnement en médicaments, fournitures de base et matériel médical. L’amputation des salaires des médecins hospitaliers, enfin, a conduit à l’exode de milliers d’entre eux, partis travailler à l’étranger. Pour la seule année 2013, en Crète, 55 % des médecins fraîchement diplômés ont pris le chemin de l’exil, selon l’ordre des médecins. Dans la même période, la région d’Athènes perdait, pour les mêmes raisons, 600 praticiens. Cette entreprise de démolition, combinée à la privation de couverture sociale des chômeurs, a provoqué dans le pays une véritable crise humanitaire, difficilement atténuée par la création de centres de santé solidaires par des soignants bénévoles. Au pouvoir, Syriza a rétabli la gratuité des soins hospitaliers pour les populations précaires. Sans parvenir à guérir, faute de marge de manœuvre politique et de moyens financiers, un système public de santé poussé à l’asphyxie.
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