Les mesures prises un peu partout dans le monde pour lutter contre la propagation du Covi -19 vont réduire considérablement l’activité économique sur toute la planète. Du coup, les émissions de gaz à effet de serre pourraient baisser en 2020 par rapport à 2019. Car il y aura eu, des semaines durant, des milliers d’usines à l’arrêt, des milliards de voitures en moins sur les routes, des milliers d’avions en moins dans le ciel. Toutefois, il ne faudra pas interpréter cela comme une inversion durable de la courbe des émissions de CO2 pouvant nous conduire à la neutralité carbone à l’horizon 2050. D’autres chiffres ont récemment confirmé la tendance inverse.
Un peu partout dans le monde, les fermetures d’usines, pendant quelques semaines, vont se traduire par une moindre consommation d’énergie électrique en provenance des centrales fonctionnant au charbon, au fioul ou au gaz. De même, il y aura, dans de nombreux pays, moins de voitures sur les routes du fait même de la mise en arrêt des entreprises. Mais ces changements ne seront que provisoires. L’Organisation météorologique mondiale(OMM) nous informait le 10 mars que 2019 a été, après 2016, la seconde année la plus chaude dans le monde depuis que l’on pratique des relevés réguliers de température. D’après l’OMM, les cinq dernières années qui viennent de s’écouler figurent toutes dans les années les plus chaudes depuis 1950.
Au niveau planétaire, le réchauffement global est désormais de + 1,1°C par rapport à la période préindustrielle du début XIXème siècle. Mais ce réchauffement est plus élevé sur terre qu’au niveau des océans, bien que ces derniers continuent aussi de se réchauffer. Voilà un peu plus de quatre ans, l’accord conclut lors de la COP 21 à Paris en décembre 2015 prévoyait de contenir le réchauffement à +2°C à la fin de ce XXIème siècle, et, si possible, à +1,5°C afin d’en limiter les conséquences désastreuses pour la vie sur terre. Mais, selon Omar Baddour, chargé de mission à l’OMM « certaines projections montrent que l’on pourrait attendre + 1,5°C de réchauffement global dans cinq ans», soit à la fin du premier quart de ce siècle et non en 2100 !
40 milliards de tonnes de CO2 émises chaque année dans le monde
Quelques chiffres doivent être rappelés pour comprendre que la partie est loin d’être gagnée. Les émissions mondiales annuelles de CO2 sont de l’ordre de 40 milliards de tonnes en ce début de XXIème siècle alors qu’il faudrait les diviser par quatre pour espérer atteindre la neutralité carbone en 2050. Un pays comme la France, en dépit des faibles émissions imputables à sa production électrique, a émis dès le début de mois de mars, autant de CO2 qu’il émettrait en douze mois, s’il respectait aujourd’hui ce que l’on nomme la neutralité carbone que l’Europe se fixe comme objectif pour 2050. Nos secteurs les plus émetteurs sont dans l’ordre les transports avec près de 30%, le bâtiment, l’agriculture et l’industrie. Les émissions de l’industrie sont passées sous la barre des 20% de nos émissions globales. Mais c’est par le biais des délocalisations de productions dans les pays à bas coûts de main d’œuvre. Dit autrement, le bilan carbone imputable à la production des biens industriels que nous utilisons est plus élevé que celui de la production de ceux que nous fabriquons.
Un dépérissement des forêts est déjà en cours
Nous voyons déjà les conséquences négatives du réchauffement global s’aggraver avec ses périodes de sécheresse et de canicule. Nous avons vu la température à l’ombre monter à plus de 46°C dans un village de l’Hérault en juin dernier et à 42,6°C dans la ville de Paris au cours de l’été. Nous voyons aussi se succéder les tempêtes et les pluies diluviennes de plus en plus fréquentes avec de toujours plus de dégâts provoqués par le vent et les inondations.
Dans un tout autre domaine, on constate dans plusieurs régions du monde un dépérissement des forêts. Avec les longues périodes de sécheresse qui se succèdent, une forte densité de plantation dans la forêt ne permet plus à tous les arbres de trouver assez d’eau dans le sol pour survivre. Dans cette concurrence pour la survie, les arbres les plus faiblement enracinés dépérissent et finissent par mourir. Nous le voyons désormais dans plusieurs régions forestières de France à commencer par les Vosges. Ces arbres qui sèchent sur pied, captent de moins en moins de carbone et offrent aussi un bon combustible aux incendies.
L’évolution rapide du réchauffement climatique permet de mieux comprendre l’importance du message des scientifiques du GIEC quand ils insistent sur le fait que la bataille du climat sera gagnée ou perdue dans les toutes prochaines années, à savoir d’ici 2030 pour l’essentiel. Mais force est de constater qu’on n’en prend pas le chemin, y compris en France. Nos gouvernants laissent toujours le marché spéculatif concentrer les emplois au cœur des capitales régionales tandis que les zones d’habitation de ceux et celles qui occupent ces emplois s’éloignent de plus en plus loin en banlieue. Face à la spéculation immobilière, de plus en plus de salariés n’ont pas les moyens de se loger au cœur des villes. Voilà qui met toujours plus de voitures sur les routes deux fois par jour. De même, les normes de construction des bâtiments ne sont pas, loin s’en faut, suffisamment orientées vers les économies d’énergie.
Réduire le bilan carbone des transports, des bâtiments et des aliments
Dans deux semaines, les 150 membres de la «Convention citoyenne», tirés au sort l’an dernier pour faire des propositions aux pouvoirs publics, vont rendre leurs conclusions. Il faudra les examiner le moment venu et il y aura probablement beaucoup de propositions de bon sens. Mais il suffit d’observer l’évolution de la conduite de l’économie en France, comme en Europe et au-delà, pour constater que, pour le moment, les décisions permettant d’aller vers la neutralité carbone en 2050 risquent fort de ne pas être prises. Dans le cas précis de la France il faudrait, en même temps, réduire la circulation sur route, mieux isoler les bâtiments et réduire la distance entre les lieux de production de nos principaux produits alimentaires et les lieux de consommation. En dépit de quelques bons exemples qu’il est toujours possible de mettre en exergue, ici ou là, c’est le contraire qui prédomine un peu partout dans le pays.
Au niveau de l’Union européenne, la Commission de Bruxelles et les pays membre continuent de négocier des accords de libre échange avec les pays tiers. Du coup, la «compétitivité» continue d’être recherchée via le dumping, social, fiscal et environnemental; ce qui augmente les émissions de CO2 dans le processus de production et dans l’allongement des transports. Le manque de pièces dans les usines européennes suite à l’arrêt de la production en Chine est venu nous le rappeler ces dernières semaines.
Face à toutes ces contradictions et dépit de leur bonne volonté, les 150 citoyens tirés au sort ne pourront guère changer cette réalité tant que la politique globale se fera dans l’intérêt exclusif des firmes multinationales.