Une adolescente de 15 ans a été tuée et plusieurs personnes sont "probablement" disparues après l'effondrement d'un pont, le 18 novembre, enjambant le Tarn à Mirepoix-sur-Tarn, en Haute-Garonne dans le sud-ouest de la France. Une catastrophe qui remet en lumière un rapport du Sénat réalisé à la suite de la tragédie de l’effondrement du pont Morandi à Gênes le 14 août 2018, qui avait provoqué la mort de 43 personne. Selon ce rapport, rendu public en juin 2019, 25 000 ponts routiers en France nécessitent d’être rénovés dans les dix ans. En cause, le désengagement de l’État. Toutes les informations sur la catastrophe dans l'Humanité du 19 novembre.
Un pont routier sur dix serait, en France, « en mauvais état structurel » et poserait « des problèmes de sécurité pour les usagers ». Lancée au lendemain de la tragédie de l’effondrement du pont Morandi à Gênes le 14 août 2018, qui a provoqué la mort de 43 personnes, la mission sénatoriale qui vient de rendre son rapport met au jour que, de ce côté-ci des Alpes aussi,l’inquiétude est de mise. Vingt ans après la dernière grande catastrophe en France, celle du tunnel du Mont-Blanc en 1999, les sénateurs font d’abord le constat que « le nombre exact de ponts routiers en France n’est pas connu » – il y en aurait entre 200 000 et 250 000. Surtout, qu’aucune politique globale n’est à l’œuvre, entre les ponts dont l’entretien dépend soit de l’État, des départements ou des communes et de leurs groupements.
Pire, quelque 1 750 ponts gérés par l’État présentent « un risque d’effondrement ». Le viaduc autoroutier de Gennevilliers, dont un remblai s’est écroulé en mai 2018, a mis dix mois à rouvrir pleinement. En Seine-et-Marne, deux ponts communaux sont fermés à la circulation depuis… 2014.
« Sous-investissement chronique et insuffisance de l’action publique»
Si les sénateurs pointent « le vieillissement du patrimoine », avec 2 800 ponts gérés par l’État arrivant en fin de vie, ils soulignent aussi « un sous-investissement chronique (…) et les insuffisances de l’action publique ». Surtout, l’État, en visant l’austérité budgétaire, ne peut que se concentrer sur les ponts les plus dégradés. « Le problème est plus inquiétant encore, s’agissant des communes et des intercommunalités, écrivent les auteurs, qui pour certaines méconnaissent l’état de leurs ponts, voire parfois leur nombre, ne sont pas équipées pour en assurer la gestion et se heurtent à d’importantes difficultés financières pour les entretenir ».
Pour le sénateur centriste Hervé Maurey, qui préside la mission, l’État mesure mal l’impact de ses décisions. « Certains petits ponts peuvent être fragilisés par la multiplication des poids lourds. » On songe à la suppression du « train des primeurs Perpignan-Rungis » voulue par la SNCF, risquant d’être remplacé par 250 camions quotidiens. Les sénateurs pointent aussi l’impact d’applications GPS sur la fréquentation d’ouvrages d’art non conçus pour cela. Ou les effets du dérèglement climatique sur des ouvrages an-ciens, mettant à l’épreuve leur résistance.
La mission dénonce les restructurations à l’équipement
La mission formule dix propositions, dont la première est un plan Marshall consistant à tripler les moyens consacrés par l’État à ses ouvrages, 120 millions d’euros par an, contre 45 millions aujourd’hui. Pour ceux dépendant des communes, elle préconise « un fonds d’aide aux collectivités territoriales doté de 130 millions d’euros par an pendant dix ans ».
En creux, la mission dénonce aussi, au-delà de l’absence de moyens, les effets des restructurations intervenues dans les services de l’équipement, et pointe le besoin de recréer « une ingénierie territoriale accessible », la « mise en place d’une programmation pluriannuelle des travaux ». Il n’y a plus assez d’agents, ce que le ministère des Transports reconnaît pudiquement comme « une tension sur les effectifs ».
La mission s’est concentrée sur les ponts routiers, laissant de côté murs de soutènement et tunnels, « bien que ces autres catégories d’ouvrages puissent également poser des problèmes de sécurité », met en garde le rapport. Pour Hervé Maurey, « le gouvernement qui écarterait ce constat d’un revers de la main prendrait un vrai risque ».
Lionel Venturini
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